L’industrie alimentaire à l'écart de la reprise
L’industrie alimentaire française connaît une mauvaise passe, prise en étau entre une forte volatilité des prix des matières premières et une guerre des prix à la vente. L’Ania, qui la représente, alerte et préconise douze propositions pour relancer la filière.
L’Association nationale des industries alimentaires (Ania), qui vient de présenter le bilan 2016 de l’activité du secteur, s’inquiète de la baisse des marges qui pèse sur les industriels. L’industrie alimentaire est un acteur clé de la société et de l’économie françaises. Son importance tient à sa raison d’être – transformer les produits agricoles pour nourrir la population – et à son poids économique. Avec un chiffre d’affaires de 172 milliards d’euros en 2016, soit une croissance de 1,1% sur un an, elle est le premier employeur industriel de l’Hexagone. Aujourd’hui, on recense 427 213 salariés dans ce secteur, et quelque 4 330 emplois ont été créés en 2016 dans ce domaine.
Cette industrie vit pourtant une situation difficile, continuant à voir ses marges diminuer, de près de quatre points depuis 2007 (- 3,1% en 2016), selon l’association professionnelle. Les marges sont en effet totalement dépendantes du prix des matières premières alimentaires, très volatile par nature, car sensible aux quantités agricoles produites dans le monde. Les prix des matières premières ont ainsi augmenté de 14 % en 2016, notamment tirés par les hausses des prix du blé (+ 16 %), du lait (+ 30 %) et du porc (+ 22 %). Sur les treize dernières années, on peut noter une augmentation du prix des matières premières de près de 180 %, selon l’association, qui souligne que la part des achats agricoles représente plus de la moitié du chiffre d’affaires total de l’industrie alimentaire. Parallèlement, le secteur fait face à « une guerre des prix » entre enseignes de la grande distribution – alerte le président de l’Ania, Jean-Philippe Girard – ce qui provoque une déflation (- 1,1 % en 2016). Cette dernière est aussi la conséquence d’un ralentissement de la consommation alimentaire. Et, en cette période électorale, les industriels dénoncent aussi l’alourdissement de la fiscalité depuis 2010.
Appel au président
Pour rebooster la filière, lors de la présentation des perspectives de ce secteur, l’Ania a dévoilé une liste de douze mesures. L’association souhaite notamment voir le nouveau gouvernement « coordonner les réglementations sanitaires et environnementales au niveau européen [afin] d’éviter la surrèglementation ». Pour rétablir les marges des industriels, elle plaide en faveur d’une réduction du coût du travail, via un allègement des charges sociales, qui, avance-t-elle, ont augmenté de 13 % depuis 2010. Et réclame un moyen de maîtriser les coûts énergétiques ainsi qu’un « soutien à l’investissement et l’innovation », afin de moderniser les processus de production. Via la création d’un guichet unique, l’association veut aussi faciliter les exportations, qui représentent 21 % du chiffre d’affaires actuel de l’industrie alimentaire. Parmi les 17 650 entreprises du secteur, l’export concerne à 66 % les grandes entreprises et celles de taille intermédiaire, alors que celles-ci ne représentent que 2 % de l’ensemble. Elles permettent cependant de placer la France au quatrième rang mondial des exportateurs, derrière les Etats-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas (7,2 milliards d’euros d’excédent commercial en 2016).
Une société en mutation
Autres sujets de préoccupation : il faudrait restaurer la confiance des consommateurs et mieux répondre à leurs exigences, qui évoluent. L’industrie alimentaire française est victime de son image, causée par certaines méthodes de fabrication qui semblent dépassées. Depuis les différents scandales alimentaires qui ont marqué l’actualité, les consommateurs sont devenus plus sensibles à la qualité de ce qu’ils mangent. Ils acceptent de moins en moins les méthodes de production de masse ainsi que le manque de transparence qui les accompagne. L’impact de l’alimentation sur la santé et l’écologie incite les consommateurs à changer leur façon d’acheter et de se nourrir. Les personnes qui s’intéressent aux méthodes de production et de transformation de leur consommation ne sont plus marginales. On le voit, la société semble vivre une mutation qui remet en question le paradigme de production.
Raphaël AUDEMA et B.L.
L’industrie en campagne. Plus de 7,5 millions d’emplois (directs et indirects), 75 % des dépenses de recherche et développement en France, 260 000 petites et moyennes entreprises et très petites entreprises… 18 fédérations industrielles, représentant différentes branches, dont l’Ania, ont lancé début avril un manifeste pour attirer l’attention sur le poids économique du secteur et « porter l’industrie au cœur du débat ». Mais l’industrie française pèse environ 12 % du PIB, contre 20 % pour son homologue allemande, pointent les industriels. Alors que la confiance revient auprès des chefs d’entreprise, 250 000 postes seront à pourvoir, chaque année, d’ici 2025, mais les dirigeants se heurtent à des problèmes de qualification du personnel. Pour y remédier, ils plaident pour une véritable relance de l’apprentissage. Après la publication du manifeste La fabrique de l’Avenir présentant leur projet, un site internet dédié doit recueillir des propositions, et des rencontres seront organisées sur différentes thématiques autour de l’innovation, de l’emploi, de la formation, de l’alimentation…