Droit — Monde

Nudité sur les réseaux sociaux : Meta appelé à revoir ses dispositions juridiques

Meta est appelé à revoir ses règles juridiques concernant la nudité, en particulier celles relatives aux femmes et aux personnes transgenres ou non-binaires. En effet, les mesures actuelles sont restrictives à l’encontre de ces personnes.

“Nous demandons à Meta de se pencher sur cette question. Nous disons qu’il devrait y avoir plus d’égalité !”. Cette phrase a été prononcée par Helle Thorning-Schmidt, membre du Conseil de Surveillance de Meta et ancienne Première ministre du Danemark, dans une conférence retranscrite sur le réseau social Instagram.

Le conseil de surveillance de Meta

Comme toute grande société, Meta possède un conseil de surveillance, organe décisionnel visant à modérer le contenu des plateformes. En l’occurrence, ses plateformes respectives sont Instagram et Facebook. Ce conseil est tenu d’améliorer l’équité entre les utilisateurs, d’après Mark Zuckerberg, qui le décrit comme une “Cour suprême”, faisant référence au tribunal de dernier ressort des Etats-Unis. Plus précisément, cet organe a été créé afin de répondre à certaines questions qui s’avèrent complexes en matière de liberté d’expression en ligne. Cela peut être le cas notamment des conditions de suppression de certains contenus. Son objectif majeur est de promouvoir la liberté d’expression au regard d’une prise de décisions motivées et raisonnées. L’organe a donc deux fonctions majeures, la prise de décision et la réflexion vis-à-vis de potentielles modifications de règles de modération.

A ce titre, Facebook ou Instagram ne peuvent s’opposer aux décisions du conseil de surveillance de Meta, puisque ses décisions ont force exécutoire, dans la mesure où elles ne contreviennent pas à la loi.

A ce propos, en octobre 2020, le conseil de surveillance était déjà intervenu et avait imposé à Instagram de revoir les règles juridiques suite à la publication de quelques photos sur le compte d’une mannequin. En effet, cette dernière avait posté sur son profil des clichés de seins. Suite à cela, Instagram a supprimé les photos en expliquant que cela n’entrait pas dans les conditions d’utilisation de la plateforme, puisque la poitrine diffusée sur ledit profil était “compressée”. Instagram en a déduit qu’il s’agissait d’un contenu pornographique. Suite à cela, la mannequin concernée a accusé Instagram de discrimination, ce qui a provoqué la levée des interdictions à son encontre.

Des restrictions réitérées récemment par Instagram

“Il est intéressant de remarquer que les seuls mamelons non sexualisés sont ceux des hommes ou ceux qui ont subi une opération”, a dit l’ancienne première ministre du Danemark et actuelle membre du Conseil de surveillance de Meta lors de sa conférence. C’est à ce propos que le 27 janvier 2023, ledit Conseil a annulé des décisions originelles de Meta et plus particulièrement concernant Instagram, à propos de la représentation de personnes transgenres et non-binaires à la poitrine nue.

Pour une remise en contexte, les faits sont les suivants. Un couple s’identifiant comme transgenre et non binaire détient une page Instagram. Sur cette dernière, le couple a posté deux contenus distincts, dont l’un en 2021 et le second en 2022. Sur les deux clichés, on voit le couple avec la poitrine dénudée et les mamelons couverts. Ces deux images avaient pour but de montrer et d’enseigner – dans la description des photos – les soins de santé et de chirurgie des personnes transgenres visant à obtenir une poitrine plus plate. Ce genre d’opération étant onéreux, le couple avait ouvert une cagnotte. A la suite de ces évènements, Meta a émis une série d’alertes automatisées et supprimé les publications. La plateforme a justifié les suppressions par le fait que les photos de poitrines dénudées étaient des sollicitations sexuelles.

Les utilisateurs concernés ont fait appel auprès du conseil de surveillance de Meta. Ce dernier a émis une décision claire suite à ces restrictions : la suppression de ces clichés va à l’encontre des valeurs et des responsabilités en matière de droits de l’Homme de Meta. Dans sa décision, le Conseil a vivement motivé sa décision de la manière suivante : “cette politique se fonde sur une vision binaire du genre et sur une distinction entre les corps masculins et féminins. Une telle approche ne permet pas de savoir comment les règles s’appliquent aux personnes intersexuées, non-binaires et transgenres, et exige des équipes d’examen qu’elles procèdent à des évaluations rapides et subjectives du sexe et du genre, ce qui n’est pas pratique lorsqu’il s’agit de modérer du contenu à grande échelle. Les restrictions et les exceptions aux règles relatives aux mamelons féminins sont nombreuses et déroutantes, en particulier lorsqu’elles s’appliquent aux personnes transgenres et non binaires. (…) Ces exceptions sont souvent alambiquées et mal définies. Dans certains contextes, par exemple, les modérateurs doivent évaluer l’étendue et la nature des cicatrices visibles pour déterminer si certaines exceptions s’appliquent. Le manque de clarté inhérent à cette politique crée une incertitude pour les utilisateurs et les équipes d’examen, et la rend inapplicable dans la pratique.”

L’inquiétude du Conseil ne s’arrête pas à la question transgenre

« Pourquoi une règle différente pour la poitrine masculine par rapport à la poitrine féminine ? » Cette question s’ajoute aux réflexions du conseil de surveillance de Meta. En effet, ce dernier estime que tous les utilisateurs devraient être traités de manière égalitaire et conforme aux normes internationales en matière de droits de l’Homme, et ce, sans discrimination fondée sur le sexe ou le genre.

Le conseil poursuit sa réflexion en incitant vivement Meta à définir des critères clairs et objectifs qui visent au respect des droits relatifs à la nudité. Le géant du web devra procéder d’abord à l’évaluation complète de l’impact sur les droits de l’Homme d’une telle modification, en impliquant diverses parties prenantes, et créer un plan pour remédier à tout préjudice identifié.

La diversité des avis sur le sujet

La doctrine a émis que la qualification de la poitrine féminine comme un élément sexuel serait contraire à la loi pénale : « Décider que le sein féminin est, en tant que tel et indépendamment du contexte, un élément d’ordre sexuel dont l’exhibition engendre l’application de la loi pénale, nous paraît non seulement rétrograde, mais contraire à la loi pénale. Les seins peuvent certes relever de la sexualité, au même titre que le cou, les cuisses, le ventre, le dos ou les pieds, mais la Cour de cassation va plus loin : elle fait du sein féminin un élément intrinsèquement sexuel indépendamment du contexte. Il nous semble que le texte pénal implique au contraire de vérifier, au cas par cas, que les éléments matériels et moraux de l’infraction sont présents, ce qui implique de vérifier si, dans le cas d’espèce, l’exhibition revêt un caractère sexuel. ».

La doctrine vient à l’encontre de certains arrêts de la Cour de cassation (notamment vis-à-vis des Femen) qui auraient pour conséquence de priver la moitié de l’humanité de s’exprimer en utilisant ce vecteur de communication : “Imaginons un instant qu’un homme, torse-nu, se livre exactement au même comportement. Va-t-il être condamné pour exhibition sexuelle ? Poser la question, c’est y répondre. Le torse-nu n’est-il ‘sexuel’ que s’il est féminin ? Comment justifier la nécessité et la proportionnalité d’une ingérence qui incrimine l’utilisation, par les femmes, de leur poitrine pour s’exprimer, au seul motif qu’elles sont des femmes ?”

Les auteurs, les journalistes, les utilisateurs des réseaux sociaux, les organes décisionnels et diverses personnalités s’expriment continuellement à ce sujet. Compte tenu des mœurs de chacun et des réglementations propres à chaque Etat, ce sujet peut susciter de nombreux débats et évolutions, mais également des régressions contre lesquelles certains ne cesseront de se battre.

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