Peinture : Rosario Heins, regard social sur la Colombie
Il y a quelques semaines, la peintre colombienne Rosario Heins a quitté Montpellier, où elle habitait depuis plusieurs années,…
Il y a quelques semaines, la peintre colombienne Rosario Heins a quitté Montpellier, où elle habitait depuis plusieurs années, pour s’installer à La Grande-Motte. L’HJE l’a rencontrée alors qu’elle faisait ses adieux à son atelier montpelliérain, en attendant de trouver un atelier dans son nouveau lieu de villégiature.
>>> Cet article a été publié dans “l’Hérault Juridique & Economique” du 19 juin 2014, agrémenté de nombreuses photos.
HJE : La vision de la Colombie que vous donnez dans vos tableaux respire la joie de vivre…
Rosario Heins : La Colombie est mon pays d’origine. Je vivais à Barranquilla, sur la côte nord de la Colombie, dans les Caraïbes, avant d’emménager en France il y a une dizaine d’années. J’ai grandi au sein d’une famille de huit frères et sœurs. Je suis une enfant de la mer. Dans mes peintures à l’acrylique, je convoque mes souvenirs, sans nostalgie. Je restitue les couleurs, les formes, les saveurs, les parfums de la plage, où j’ai passé une grande partie de mon enfance et où je retourne chaque année. J’insiste sur la lumière. Ma peinture est joyeuse ; représenter mon pays me donne de l’énergie. Et j’aime danser, en même temps que je peins, sur de la salsa, des percussions… Ça me met dans l’ambiance. J’entretiens cette joie de vivre en retournant en Colombie tous les ans pour participer au carnaval. Je m’y déguise en marimonda et je danse. C’est cet esprit que l’on retrouve dans mes tableaux. C’est mon identité, ma source d’énergie et mon inspiration.
HJE : Vous avez « inventé » la marque « Rosario Heins » !
Rosario Heins : Oui, dans mes tableaux, je m’amuse à intégrer, ici ou là, mon nom, que ce soit sur une bretelle de maillot de bain, une bouée, une bride de tongs ou un ballon de plage. Ça change des marques issues de la mondialisation !
HJE : Qu’est-ce qui vous touche dans la population qui gravite autour des plages colombiennes ?
Rosario Heins : L’énergie et le sourire de mon peuple, sa générosité aussi. Les vendeuses de fruits ambulants, les colporteurs qui vendent des colliers, des lunettes de soleil ou des bouées sont ma source d’inspiration principale. Je les photographie depuis une trentaine d’années, pour mieux les représenter ensuite.
HJE : Au fond, sous des dehors colorés et joyeux, vous dressez un portrait social de la pauvreté…
Rosario Heins : Effectivement, je peins ce que nous appelons chez nous « la débrouille » ou le système D à travers tous ces gens valeureux qui luttent pour survivre malgré la pauvreté.
HJE : Au point de laisser parfois de côté l’aspect joyeux.
Rosario Heins : Oui, dans l’un de mes derniers tableaux, où deux loueurs de chaises et transats discutent ensemble, il n’y a plus aucune référence à l’univers coloré et gai des plages. Même les couleurs sont différentes. J’y évoque plutôt le travail. C’est une toile singulière, peut-être une piste à explorer dans l’avenir…
Propos recueillis par Virginie MOREAU
© photo : Virginie Moreau