Entreprises

Relations commerciales : le domaine de contrôle du « déséquilibre significatif » étendu

Dans un arrêt du 25 janvier 20171, qui restera sans doute dans les annales comme « l’arrêt Galec », du nom du groupement d'achat du distributeur Leclerc, la chambre commerciale de la Cour de cassation étend son pouvoir de contrôle sur le « déséquilibre significatif » dans les relations entre fournisseurs et distributeurs, prohibé à l’article L. 442-6 du code de Commerce. Retour sur une décision importante.

Les faits sont relativement simples : dans des conventions résultant de négociations avec des fournisseurs, en 2009 et 2010, Galec, le groupement d’achat du distributeur Leclerc, a inséré des clauses concernant le paiement de remises de fin d’année (RFA). Ces clauses ne subordonnaient le versement de ces RFA qu’à peu ou pas de contreparties réelles de la part du groupement d’achat : pas d’obligations clairement définies, pas de précision quant au montant annuel de chiffre d’affaires à atteindre ou un montant très inférieur à celui de l’année précédente. Ces mécanismes garantissaient en quelque sorte au Galec le versement de ces remises.
Le ministre de l’Economie et la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), reprochant au Galec d’avoir soumis des fournisseurs à des obligations créant un déséquilibre significatif, l’ont assigné en annulation de ces clauses, en répétition de l’indu (remboursement des sommes indûment perçues) et en paiement d’une amende civile sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° et III du code de Commerce.
Le 1er juillet 2015, la cour d’appel de Paris a donné raison au ministre de l’Economie et condamné le Galec à restituer aux fournisseurs concernés la somme de 61 millions d’euros, outre 2 millions d’euros à titre d’amende au Trésor public. C’est contre cet arrêt de la cour d’appel que le Galec a formé son pourvoi en cassation.

Contrôle judiciaire du prix

Depuis la loi LME de modernisation de l’économie de 2008, l’article L. 442-6-I-2° du code de Commerce prohibe le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ».

La question qui se posait à la Cour de cassation consistait à déterminer si le prix pouvait faire l’objet d’un contrôle judiciaire sur le fondement de l’article précité. En effet, en principe, la détermination du prix relève de la négociation commerciale et n’est pas susceptible d’un contrôle par le juge, lequel s’applique théoriquement aux termes du contrat, hors de l’objet du contrat et de l’adéquation du prix à la contreprestation.

Par cet arrêt – et c’est là toute la nouveauté – la Cour de cassation indique que l’article L. 442-6, I, 2° autorise un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Pour la Cour : « les fournisseurs ont versé une RFA, alors que le distributeur n’avait pris aucune obligation ou aucune réelle obligation à leur égard ».
Nul doute que cette position de la Cour de cassation pèsera sur les prochaines négociations entre les opérateurs économiques de la grande distribution.

Xavier BASSELET, avocat stagiaire, et Charles DELAVENNE, avocat associé

  • Arrêt n°135 -15-23.547.
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