Risques liés à l’usage des néonicotinoïdes : les mesures prises par les autorités françaises étaient nécessaires
Concernant les risques liés à l’usage des néonicotinoïdes, les mesures prises par les autorités françaises étaient bien nécessaires pour protéger la santé humaine ou animale ou l’environnement. Analyse de la décision.
Rappel
Le décret n° 2018-675 du 30 juillet 2018, relatif à la définition des substances actives de la famille des néonicotinoïdes présentes dans les produits phytopharmaceutiques, a inséré dans le Code rural et de la pêche maritime un article D. 253-46-1 qui dispose que les substances de la famille des néonicotinoïdes mentionnées à l’article L. 253-8 du même code sont l’acétamipride, la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaclopride et le thiaméthoxame, alors autorisées par la Commission. Le Conseil d’État, statuant au contentieux sur la requête de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) tendant à l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 30 juillet 2018, a sursis à statuer jusqu’à ce que la CJUE ait statué sur les questions qu’il lui a renvoyées (CE 3° et 8° ch.-r., 28 juin 2019, n° 424617, inédit au recueil Lebon.
Réponse de la CJUE
Dans un arrêt du 8 octobre 2020 (CJUE, 8 octobre 2020, aff. C-514/19, la Cour de Luxembourg a considéré que la France avait valablement informé la Commission de la nécessité d’adopter la mesure en litige, considérée comme une mesure d’urgence, sous réserve du contrôle par le Conseil d’État des modalités de présentation de ces mesures à la Commission européenne et aux autres États membres.
Position du Conseil d’Etat
Les requérantes ne peuvent donc utilement soutenir que ce décret et la loi dont il fait application (loi n° 2016-1087 du 8 août 2016) seraient contraires aux dispositions des articles 4 à 20, 36, 44, 49 et 50 du Règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 et aux règlements d’exécution approuvant les substances actives concernées au motif que l’interdiction de ces substances, d’une part, empiéterait sur la compétence de la Commission européenne en matière d’approbation de substances actives, d’autre part, méconnaîtrait les dispositions relatives à la délivrance et au retrait des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques et à la mise sur le marché des semences traitées avec de tels produits.
Protection de la santé humaine ou animale ou l’environnement
La Haute juridiction rappelle que les néonicotinoïdes présentent des effets néfastes sur la santé des abeilles, tant pour la toxicité aiguë que pour les effets dits sublétaux, c’est-à-dire de long terme, et « de sévères effets négatifs sur les espèces non-cibles qui fournissent des services écosystémiques incluant la pollinisation », ainsi que des effets négatifs sur les invertébrés aquatiques et, par le jeu de la chaîne alimentaire, sur les oiseaux.
Par ailleurs, la circonstance que d’autres États membres n’ont pas adopté de réglementation comparable à celle en litige n’est pas de nature à établir l’absence de risques liés à l’usage des néonicotinoïdes. En outre, l’UIPP n’apporte pas d’élément probant de nature à remettre en cause les données scientifiques attestant des risques liés à l’utilisation des néonicotinoïdes visés par l’interdiction.
Accord d’une dérogation devenu impossible à la date à laquelle le juge statue (n° 427387)
Les nouvelles possibilités de dérogation par arrêté interministériel prévues jusqu’au 1er juillet 2023 ne visent que les cultures de betteraves sucrières. Dès lors, une demande tendant à l’annulation d’un refus de dérogation en vue d’autoriser temporairement l’utilisation d’un produit phytopharmaceutique sur les semences de maïs, laquelle ne peut plus donner lieu à aucune mesure d’exécution de la part des ministres concernés, est devenue sans objet.
Décision
La demande d’annulation du décret du 30 juillet 2018 est donc rejetée.
Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 12 juillet 2021, n° 424617, publié au recueil Lebon et n° 427387, mentionné aux tables du recueil Lebon.