Société — Montpellier

Vécu : Teddy Desgranges, 32 ans, "ma vie avec la mucoviscidose"

Teddy Desgranges est journaliste. Il témoigne de son parcours de vie, longtemps freiné par la mucoviscidose, mais qui le pousse chaque jour à se dépasser et à se lancer dans de nouveaux projets.

Photo : Thierry Desgranges © Virginie Moreau

Un diagnostic dans l’urgence

La mucoviscidose de Teddy Desgranges a été diagnostiquée alors qu’il n’avait que trois mois. A Béziers, la maladie était alors très peu connue. “J’ai été envoyé à l’hôpital Montpellier dans un état assez avancé. J’ai été sauvé par le Centre de ressources et de compétences de la mucoviscidose”, explique-t-il. Ses parents apprennent alors ce qu’est cette maladie génétique qui atteint l’appareil respiratoire, l’appareil digestif et l’appareil génital. Elle affecte les cellules épithéliales du corps qui constituent la muqueuse des poumons, du pancréas, du foie, des glandes sudoripares, du tube digestif et de l’appareil génital. Et nécessite une prise en charge quotidienne. Pendant de longues années, Teddy est principalement touché aux niveaux pulmonaire et gastrique. Avec le temps, un diabète, “complication naturelle de cette maladie” s’est ajoutée.

Une enfance entre moments de répit et antibiotiques à haute dose

“J’ai eu une enfance assez heureuse malgré tout, avec des parents aimants, alternant entre le combat contre la mucoviscidose et des moments heureux, apaisés. Mais ma vie était très différente de celle des autres enfants. Je faisais des bronchites à répétition car le mucus, très visqueux, emprisonnait les bactéries et provoquait très régulièrement des infections dans mes poumons. Tous les trois à cinq mois, mon corps devait combattre des infections assez violentes, aidé par 3 perfusions par jour d’antibiotiques à haute dose, administrés en hôpital ou à domicile. Forcément, je ne pouvais pas aller à l’école pendant des périodes relativement longues lors de ces crises. C’était très fatigant, difficile de tenir moralement et physiquement en étant enfermé à la maison et en côtoyant si souvent le milieu médical”. Teddy se souvient avoir vécu “une enfance hachée, avec des moments de répit” où il pouvait aller à l’école, puis des “disparitions”, lorsqu’il était hospitalisé, souvent du jour au lendemain.

Il estime avoir eu une vie de famille atypique, accaparant bien souvent ses parents, au grand dam à l’époque de ses 3 demi-frères et de sa demi-sœur, lui qui était le petit dernier, et dont la santé était précaire.

Des amitiés pour la vie

Sa maladie n’a pas entamé la vie amicale de Teddy. “Beaucoup des amitiés que j’ai actuellement datent de l’école primaire. Lorsque j’étais malade, il fallait me transmettre les devoirs, mes camarades prenaient de mes nouvelles, ils m’envoyaient des dessins. Ça a créé un lien. J’ai gardé pas mal d’amis de cette période”, analyse-t-il. “J’ai toujours été un battant. Je ne cachais rien de ma maladie. Mes camarades avaient toutes les cartes en main. Le tri s’est fait naturellement. La mucoviscidose est une maladie invisible. Le lundi je semblais en forme, et le mardi elle prenait toute la place. Ce n’était pas facile à gérer”. Les copains étaient curieux, ça suscitait leur intérêt.

“Quand il y a eu le phénomène Grégory Lemarchal, j’ai reçu beaucoup de manifestations de soutien. J’ai eu le sentiment que je n’étais plus le seul extraterrestre.

Teddy dit en souriant : “Quand il y a eu le phénomène Grégory Lemarchal, j’étais ado. J’ai reçu beaucoup de manifestations de soutien. J’ai eu le sentiment que je n’étais plus le seul extraterrestre. La mucoviscidose me maintenait dans un autre degré de réalité. J’avais autant de contacts avec des adultes (beaucoup de professionnels du monde médical, des kinés, des infirmières, des amis de mes parents) que des enfants”.

Un traitement moins astreignant et plus efficace

Côté traitements, Teddy a relevé une évolution majeure : “Durant de longues années, aucun traitement contre la maladie n’existait. Les antibiotiques à doses massives permettaient uniquement d’avoir un peu de répit. Puis, il y a une dizaine d’années est arrivé un traitement qui traite la maladie. La deuxième version de ce traitement, apparue il y deux ans, a complètement changé la donne. Grâce à lui, je mène une vie plus normale, j’ai moins de moments de grosse fatigue. Ça fait plus de deux ans que je n’ai plus eu de grosse infection pulmonaire”. Le fonctionnement de ses poumons est plus normal, le mucus moins visqueux, moins collant. “Je ressens au quotidien les bénéfices de ce traitement”, se réjouit-il. Néanmoins, il doit se plier à de nombreuses contraintes…

“Je fais de la kiné respiratoire 5 fois par semaine et je prends une vingtaine de médicaments par jour pour pallier les problèmes digestifs et pulmonaires. Ce nouveau traitement est une révolution pour tous les malades atteints de mucoviscidose”.

teddy desgranges par virginie moreau
teddy desgranges par virginie moreau

Le mariage et le décès tragique de son épouse

Teddy n’a pas été épargné par la vie. “Il y a une dizaine d’années, j’avais commencé à faire ma vie avec une femme, Mélanie, qui avait la même maladie que moi. Nous vivions ensemble. Nous nous sommes mariés. En 2017, elle a dû être greffée des 2 poumons. En janvier 2018, elle est décédée. L’infection s’était posée sur ses poumons. Je me suis senti plus seul que jamais : ma moitié était partie, une moitié qui partageait le plus profond de mes sentiments physiques. Cela a été un des moments les plus douloureux de ma vie. Non seulement j’étais veuf, mais en plus j’étais confronté à l’épée de Damoclès qui plane au dessus de ma tête”.

Le jeune homme souffre. “Moi qui n’avais jamais été de nature dépressive, je me suis rendu compte de ce que c’était d’être épuisé mentalement, de me sentir incapable de me lever. Je me suis coupé du monde, éloigné de mes amis. Je refusais d’accepter ce qui pouvais alléger ma peine… J’ai été placé devant le choix de rebondir ou sombrer ; de sortir en étant plus fort, d’avancer, ou de ne pas pouvoir m’en remettre. J’ai vécu ma tristesse pleinement, sans palliatifs médicamenteux, car je voulais m’en remettre solidement. J’aurais pu basculer, mais j’ai eu un instinct de survie”. Après une période où il se sent très seul, Teddy fait progressivement un travail d’acceptation, de deuil. “Dans cette situation, on est face à soi-même. J’ai parfois baissé les bras, pensé que c’était trop”.

Une deuxième vie amoureuse

“Avec le temps, j’ai construit une autre vie, une deuxième vie. J’ai placé ma vie d’avant dans un écrin qui m’appartient. Mélanie est dans mes pensées, mais il y a de la place pour d’autres gens. Je suis en couple depuis moins de deux ans avec Cécile, qui a trouvé le moyen de relever un veuf.”

“J’ai eu la chance de rencontrer une femme qui, au début, a accepté de vivre avec une photo de mon mariage dans mon salon. Elle dit parfois que nous avons fait ménage à trois pendant un certain temps. Il est vrai qu’avec Mélanie nous ne nous étions pas quittés. La vie nous avait séparés. Je n’avais rien à lui reprocher. Cécile et moi construisons notre relation avec des hauts… et des bas parfois. Elle m’accepte au quotidien. Nous vivons ensemble maintenant”, dit Teddy en souriant.

De beaux projets professionnels

Depuis 4 ans, Teddy Desgranges exerce les professions de journaliste, photographe et vidéaste : “Le décès de Mélanie m’a poussé à faire ce que je voulais faire depuis toujours, à me lancer dans ce qui me tenait à cœur. J’ai éprouvé la nécessité viscérale de faire quelque chose, d’apprendre sur le tas, sans me poser de questions. J’ai rencontré Thierry Boussarie et Julien Lamoussière, les fondateurs du média Claap, qui ont accepté de m’intégrer dans leur équipe. Cela m’a ouvert d’autres portes en tant que photographe et vidéaste pour des événements, des artistes, des youtubeurs ; j’ai fait des clips musicaux… J’ai la liberté de pouvoir exercer plusieurs métiers, de me lancer dans des projets parfois pas rémunérateurs, mais qui m’enrichissent à leur manière”.

Ainsi, Teddy Desgranges a accompagné le Youtuber Jordan Motyl à la maison centrale de Poissy où ce dernier s’est livré à une compétition sportive, et en a retiré un documentaire diffusé sur la chaîne W2ST, sur YouTube (voir ci-dessous). Il a également pour projet de tourner avant l’été avec le Raid, en compagnie de Jordan Motyl également.

Un futur documentaire à la frontière ukrainienne

Teddy Desgranges fera partie du convoi humanitaire initié par l’aventurier Claude Cazes, qui a marché 6 000 km le long du Nil et traversé de nombreux pays pour apporter des médicaments aux micro ONG locales. Claude Caze a effectué un premier convoi humanitaire de reconnaissance à Médyka, à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine, où sont regroupées les ONG pour accueillir les réfugiés ukrainiens qui fuient la guerre. Il en organise un second de plusieurs tonnes au départ de Béziers d’ici quinze jours ou trois semaines, pour acheminer les choses les plus nécessaires et urgentes directement aux réfugiés, sans intermédiaire si possible, afin de répondre aux besoins qu’il a relevés sur le terrain : médicaments, vêtements chauds, poussettes, aliments non périssables, eau…

Le documentaire que tournera Teddy Desgranges livrera la réalité crue de ce qui se passe au-delà de cette frontière. Il explique : “Je veux rencontrer les gens, écouter leur expérience, participer à les aider, diffuser leurs témoignages. Certes, il y a une vraie notion de danger, sans compter la fatigue des 26 heures de route pour couvrir 2 600 km. Nous serons six dans ce convoi. Le voyager aller, le séjour sur place et le voyage retour nous prendront quatre à cinq jours. Sur place il y aura des interprètes pour nous aider à comprendre les gens. Je tiens à aller au-devant des réfugiés, à leur apporter de quoi se chauffer, se nourrir, se soigner, et à documenter leur situation…”

Porté par le dépassement de lui-même et le goût de l’effort

Dans sa vie actuelle, Teddy Desgranges ne s’impose aucune limite. Il cherche à se dépasser. Ainsi, en 2015, il a participé aux 10 km de Montpellier ; en 2018, il a fait un triathlon. “J’ai toujours eu envie de me dépasser tout en prenant soin de moi, physiquement et mentalement. Je veux atteindre une meilleure version de moi-même, être plus efficace, un meilleur journaliste, plus endurant physiquement. J’ai envie de saisir les opportunités, construire des projets familiaux, avoir des enfants, même si ça signifie avoir recours à la procréation médicalement assistée. Je ne m’interdis pas de penser que ça sera possible. Je veux dépasser les certitudes de la maladie, surmonter tous les obstacles” conclut-il. Une magnifique leçon de vie…

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