Musique — France

[VIDEO] Giotta, 24 ans, rappeuse : "dans mes textes, je parle de ce que je vis et de ce que je vois"

Giotta, de son nom Fantine Margiotta, est une jeune rappeuse originaire de Lyon, qui a longtemps vécu à Montpellier, avant de rejoindre Paris pour la suite de sa carrière. Entre écriture, collaborations musicales et scène, elle nous parle de son évolution dans le rap, de ses rencontres. Aujourd’hui, l’artiste émergente croit en sa réussite pour demain.

Comment avez-vous commencé le rap ? Je crois que ça s’est fait en duo…

Giotta : Oui, j’ai commencé à rapper avec mon plus jeune frère, Elite (Adelin Margiotta), on avait dans les 12-14 ans. Au départ, on écoutait beaucoup et surtout Sexion d’Assaut, les artistes de Wati B. On rappait sur leurs instrus. Pour pouvoir suivre les chansons, on réécrivait 15 fois les textes, jusqu’à avoir les paroles complètes. Quand on a découvert l’existence de Rap Genius, avec les lyrics de la plupart des chansons de rap, ça a changé notre manière de faire.

A ce moment-là, vous écriviez déjà ?

Giotta : Non, c’est venu plus tard, et séparément de mon frère, vers 17-18 ans. C’est d’abord lui qui a écrit quelque chose, que j’ai trouvé super à l’époque. Maintenant si je le réécoutais, je pense que je trouverais ça plutôt nul, mais il y avait beaucoup d’enthousiasme dans ce qu’on faisait. En tout cas, ça m’a donné d’écrire moi aussi et c’est là que j’ai vraiment commencé à écouter Diam’s. Le 1er texte que j’ai écrit, c’était sur une instru de son album SOS (2009), Si c’était le dernier, donc un morceau de 11 minutes. C’est assez inhabituel comme longueur pour débuter !

Diam a arrêté sa carrière, notamment car elle a dit puiser son inspiration dans son mal-être, et avoir le sentiment de ne pas pouvoir écrire en étant heureuse. Vous partagez son point de vue ?

Giotta : C’est vrai que j’écris beaucoup de textes mélancoliques, un peu sombres, et je puise dans mes angoisses, ce que je vis de négatif. Mais ce sont des phases qui arrivent à chacun, je ne me morfonds pas dans le chagrin, je suis plutôt heureuse, de mon côté. En fait, dans mes textes, je parle de ce que je vis et de ce que je vois. Donc, au-delà de ma propre personne, j’observe ce qu’il se passe autour de moi et dans la société. Que j’aille mal n’est pas une condition pour écrire. Mais autour, il y a quand même beaucoup de violence. J’ai des personnes très proches qui ont vécu des violences conjugales. Quand ma pote se fait frapper, j’en parle, comme dans Jeu de vilain ou Jeu de maux, deux morceaux de mon premier album. Quand j’entends ma voisine crier à l’aide, j’en parle aussi. Quand on me dit que mes textes sont bons, j’explique qu’ils sont avant tout justes, sincères, même si la réalité derrière est difficile.

Concernant ce rapport aux autres, vous attachez beaucoup d’importance aux gens avec qui vous travaillez ?

Giotta : Oui, c’est vrai. Mon souhait, c’est vraiment de rester indépendante à terme, de pouvoir rester maître de mes choix artistiques. Aujourd’hui, je travaille avec des personnes de confiance, que j’ai rencontrées pour beaucoup au travers de concours de rap sur Instagram. Soit disant passant, je pense que j’ai participé à tous les concours de rap imaginables sur la plateforme. Et lors d’un en particulier, Shonenrap, qui n’existe plus maintenant, j’ai rencontré CookieSan, un artiste avec qui j’ai collaboré à plusieurs reprises, notamment pour mon album. Mais il y en a beaucoup d’autres, qui se reconnaîtront. Pour autant, si je souhaite rester indépendante, je ne veux pas produire seule, comme Rilès qui fait tout lui-même ou presque. Car quand j’arrive en studio avec mon texte, l’ingénieur son va avoir un autre regard, faire des propositions. Quand tu es seule dans le processus de création, ce n’est pas la même chose.

C’est pour cela que vous avez choisi de déménager à Paris, pour collaborer avec davantage de personnes ?

Giotta : Oui, pour mettre toutes les chances de mon côté, avoir plus d’opportunités. Surtout, maintenant que je suis passée par l’écriture, l’enregistrement studio, la réalisation d’un album, l’auto-promotion sur les réseaux sociaux, j’ai envie que les gens me voient physiquement, de me produire sur scène, ce que j’ai peu fait jusqu’ici. Il y a quelques années, j’ai réalisé une série de freestyles, que j’ai appelée Flexstyle, en référence à l’un de mes pseudos, Flex. L’idée, c’était de montrer aux gens ce que j’étais capable de faire techniquement. Parfois, certaines personnes sont surprises de mon niveau technique. Ils trouvent ça plus maîtrisé que certains rappeurs mainstream. Sans me vanter, je pense effectivement pouvoir rivaliser à ce niveau avec des rappeurs français connus. Monter sur scène, ça va me permettre de faire mes preuves encore un peu plus.

Une agence de production de Montpellier me disait que les rappeuses étaient moins présentes car elles avaient plus de difficultés à fédérer un public ?

Giotta : Je pense surtout que certains ont du mal à tendre l’oreille. Parfois, on ne veut pas écouter parce que c’est une fille qui rappe. Sur les réseaux, j’ai majoritairement une communauté bienveillante, mais je n’échappe pas à certains commentaires misogynes ou de dépréciation : “va faire la vaisselle”, “lâche pas les études surtout”, trop tard pour eux ça fait un moment que j’ai arrêté pour me consacrer à ma passion ! Au-delà de cet aspect, il est vrai que le rap reste un monde d’hommes : les rappeurs, les beatmakers, les ingénieurs son… Il y a très peu de filles. Récemment, j’ai rejoint un collectif féminin qui s’appelle Let’s go go go, pour une résidence musicale à Annecy, avec l’idée de produire un son en commun, puis un clip fin décembre 2023. Ça m’a fait beaucoup de bien de voir autant de bienveillance, d’encouragements mutuels. C’est aussi des façons différentes de travailler, moins dans la compétition et la performance, plus dans le partage. Et c’est faux de dire que le rap féminin n’est pas bon. Je le redis, il faut tendre l’oreille. Les médias aussi ont un rôle à jouer dans la visibilité des femmes dans le rap. Dans les classements du média spécialisé Booska P, très peu de femmes y ont figuré depuis Diam’s en 2006.

Heureusement, tu peux compter sur ta propre communauté, notamment ta page fan !

Giotta : Oui, c’est vrai que c’est assez dingue. Quand on crée une communauté sur les réseaux, c’est d’abord sa famille, ses amis… En participant à ces concours sur instagram, à mon échelle, j’ai gagné en visibilité et une fanbase solide. Certes, en termes d’abonnés, 1 700 c’est relativement peu sur instagram, mais il y a un taux d’engagement très fort de ces personnes. Comme vous le dites, il y a maintenant plusieurs années, des personnes que je ne connais même pas ont créé une page fan de moi où ils repostent des photos, des vidéos, m’encouragent… C’est assez dingue à mon niveau. Là où ça se voit concrètement, c’est lorsque que j’ai lancé une cagnotte pour financer Je, le clip teaser de mon album. J’ai récolté 1 100 € sur 1 400 €, et pour plus de la moitié des donateurs, je ne les connaissais pas personnellement.

Et vous, avez-vous un modèle qui vous inspire, dont vous êtes fan ?

Giotta: Pas vraiment, dans le sens où j’ai toujours cherché à tracer mon propre chemin, et je trouve que mon travail ne ressemble pas à celui de quelqu’un en particulier. Mais si je devais citer quelqu’un, ça serait Angèle. Ce n’est pas une rappeuse, mais j’aime la manière dont elle s’est construite, petit à petit, ça serait le feat ultime de travailler avec elle ! Mais nous ne pouvons pas tout à fait avoir le même parcours. Dans le fond, même si je les utilise beaucoup,  je ne suis pas trop réseaux sociaux, et c’est ce qui lui a permis de se faire connaître. Je n’ai pas non plus de membres de ma famille qui travaillent dans le domaine musical et qui peuvent me donner un coup de pouce.

Ça serait quoi la réussite pour vous ?

Giotta : C’est avant tout quelque chose de très personnel. Faire ses propres choix, être son propre patron dans un sens, c’est vraiment ça mon objectif. Pouvoir partager, ma musique, en vivre, être reconnue, mais pas au sens de star, au sens où ma musique serait appréciée par un grand nombre. Après, bon, si je deviens une icône, c’est comme ça (rires) ! Mais je ne me suis jamais dit “A 25 ans tu fais le Stade de France” ou “Demain c’est toi à Coachella”. Si je devenais connue rapidement, je crois que je ne saurais pas le gérer de toute façon, je suis assez anxieuse comme personne. Je ne me fixe pas d’échéance, j’avance à mon rythme, je travaille. Aujourd’hui, je crois en ma réussite pour demain, et même après-demain. Ça viendra.

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