AGDE - Association pour la Mémoire du Camp d’Agde « Ils sont passés par le Camp »
Nous poursuivons notre série « Ils sont passés par le camp » avec un portrait d’Arthur…
Nous poursuivons notre série « Ils sont passés par le camp » avec un portrait d’Arthur Kéry Escoriguel, auteur, artiste peintre et sculpteur.
Un Républicain en quête d’idéal
Un parcours digne d’un roman
Arthur Kéry Escoriguel est né le 29 novembre 1919 à Barcelone dans une famille de la petite bourgeoisie protestante. Son père a des origines basques et irlandaises (ce qui explique son prénom Kéry), et sa mère est catalane. Il entre à neuf ans dans les « Exploradores de España », une institution inspirée du scoutisme. À quinze ans, il est admis à l’Institut Français de Barcelone et, adepte des idées nouvelles, il fréquente la Société Naturiste de Barcelone qui prône une vie saine, naturelle et végétarienne, inspirée des principes de Henry David Thoreau. L’année suivante, il obtient son Bac et, éprouvant une véritable passion pour la peinture, il souhaite rentrer aux Beaux-arts. Suite au refus catégorique de son père, il se résout à intégrer l’École de la Marine. Parallèlement il milite au Syndicat Socialiste et Républicain. Quand la guerre éclate, il est élève officier. Il s’engage et part sur le front d’Aragon. Deux ans plus tard, la République manquant de pilotes, il rejoint l’école de Pilotes de l’Air de Sabadell et est envoyé au front de l’Ébre comme pilote de chasse. Le 9 février 1939, il reçoit l’ordre de repli en France et passera alors par plusieurs camps : Gurs, Argelès, Saint-Cyprien et Agde, où il arrive en avril 1939. Nommé interprète, il donne aussi des cours de français, d’anglais, d’écriture et de mathématiques. Il trouve néanmoins du temps pour réaliser de nombreux dessins du camp d’Agde et de la vie au camp. Quelques mois plus tard, il décide de s’évader. Il souhaite rejoindre à Perpignan une amie de sa mère dans le but de partir avec elle à Cuba. Il n’ira pas bien loin….Arrêté à la gare d’Agde par la police, il est amené en train à Béziers où il est jugé et condamné à trois mois de prison.
À sa libération, il retourne au Camp de Saint-Cyprien, et s’engage dans le Premier Groupement de PME (Prestataires Militaires Étrangers) où il occupera le poste de Commandement Militaire Français en tant qu’interprète dans différents endroits. À l’armistice, il est transféré à la base sous-marine de La Pallice (La Rochelle) construite par l’organisation Todt. Il tente de s’évader, mais, arrêté par les gardes mobiles qui le remettent aux Allemands, il est acheminé à Nuremberg, où il travaille pour l’entreprise MAN au camouflage de chars d’assaut.
En août 1942, il est choisi pour être envoyé dans une clinique de Nuremberg, où il subit des expériences médicales qui ont modifié la couleur de ses yeux, et, après la guerre, sa formule sanguine a toujours intrigué les médecins. En octobre 1942, il est rapatrié d’office en Espagne, mais réussit à s’enfuir du convoi. Il retourne en Dordogne, où il avait des amis et entre au maquis avec les FFI, où il restera jusqu’à la fin de la guerre.
Après la guerre, il reprend des études grâce à une bourse, et obtient le diplôme de dessinateur industriel ainsi que le Brevet de Pilote Français. Il retourne en Espagne, et travaille dans une entreprise. Les autorités espagnoles lui demandent d’accomplir trois ans de service militaire. Refusant de faire le service pour la dictature de Franco, il s’enfuit en France où il s’installe définitivement. Il occupe différents emplois : en 1951, il est technicien naval aux Chantiers de la Gironde et, en 1961, il est cadre chez Honeywell Bull à Belfort et y restera jusqu’à sa retraite. Il obtient la naturalisation française en 1969. En 1978, il présente le concours des Beaux-arts, et, en 2002, à 83 ans, il obtient une maîtrise d’Histoire Contemporaine avec son mémoire « Parcours d’un Républicain espagnol ». Il meurt le 12 juin 2015 à Belfort à l’âge de 96 ans.
Une œuvre artistique entre écriture, peinture et sculpture
Désireux de transmettre la mémoire de ces temps de guerre, il a publié « Interférences et exil », récit autobiographique dans lequel il relate son parcours riche en péripéties et en événements dans les années 1990. Suivront d’autres publications, telles que « Espoir et Souvenirs d’exil », recueil de poésies écrites pendant la guerre, ou encore « Les ailes d’argile », conte philosophique semi-autobiographique.
Passionné par l’art, il n’a jamais cessé de peindre, de dessiner ou de sculpter. Il a réalisé durant la guerre de nombreux croquis et dessins laissant ainsi un témoignage inestimable de scènes vues et vécues. Ses œuvres traduisent ses angoisses passées, ses tragédies vécues, sa révolte contre l’oppression et l’injustice mais aussi sa foi intacte en la Vie, en l’Homme et en un idéal de Paix. Elles mettent également en évidence sa quête perpétuelle d’une recherche intérieure et d’un renouvellement d’idéaux purs. Il s’inscrit dans la peinture néo-expressionniste. Son œuvre est estimée à plus de 4 000 toiles (acryliques, pastels, huiles et aquarelles), 6 000 gravures, 1 200 monotypes, 200 encres (couleur et noir), 15 sculptures. Il est exposé dans de nombreux musées : Musée National de Barcelone, Musées Puig de Perpignan et du Castillet, Musée de Gérone, Musée de la ville de Belfort, Musée de la ville de Mendoza. En 1984, il a réalisé, en hommage à Dali, la fresque « Les Quatre chemins plus un », toujours visible dans la gare de Perpignan.
Illustrations : Dessins réalisés par A.K. Escoriguel alors qu’il était au Camp d’Agde et deux de ses œuvres.
Nous vous donnons rendez-vous le mois prochain avec l’auteur de bandes dessinées José Cabrero Arnal, inventeur de Pif le Chien.