Andy Summers, le décalage pour leitmotiv >Montpellier, Pavillon Populaire

Alors qu’il effectuait avec le groupe "The Police" les tournées de tous les excès, le guitariste Andy Summers apprenait en autodidacte, à ses moments perdus, le maniement d’un appareil photo. Entraînant son œil, profitant de ses déplacements à l’étranger avec son groupe, il part à l’aventure et saisit en noir et blanc des situations inattendues, créant au fil des années une sorte de journal intime en images de sa vie. Le Pavillon Populaire propose une rétrospective de ses photographies. Avec, au rez-de-chaussée, ses explorations surréalistes et urbaines sous le titre "Une certaine étrangeté", et à l’étage, une évocation de ses années "Police" portant l’intitulé "Osons l’insolite"…

C’est pour tromper l’ennui de l’attente entre les concerts dans les chambres d’hôtels qu’Andy Summers a débuté la photographie. Il se souvient… « C’était en 1979. Mon groupe avait tellement de succès que j’ai compris que je risquais de passer ma vie dans des hôtels. Or j’avais toujours eu une attirance pour la photo depuis mon enfance, car mes parents conservaient deux valises pleines de vieilles photos qui me fascinaient. J’étais entouré de photographes à l’époque. L’un d’entre eux m’a conseillé un Nikon dans un magasin qui s’appelait B&H Photo. J’appréciais les films de Truffaut et Godard. J’avais des affinités pour le noir et blanc. J’ai épluché les livres de photographie de Man Ray, Henri Cartier-Bresson, Brassaï, Ralph Gibson pour former mon œil et apprendre la technique. Au fil des années, ma conscience photographique s’est développée. Je n’ai plus jamais arrêté la photographie. »

Gilles Mora, directeur artistique du Pavillon Populaire, explique que ses clichés sont, pour Andy Summers, une traduction visuelle de sa musique. D’ailleurs, l’artiste a créé un air à la guitare, diffusé pour accompagner son exposition. Sa musique et ses photographies se correspondent, notamment par leur mélancolie. Elles procèdent de la même sensibilité. « L’accrochage des photographies est musical, c’est-à-dire réfléchi par blocs, et non chrono­logique », ajoute Gilles Mora.

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Cheng Du (Chine), 25 mai 2015. Photographie d’Andy Summers.

Une certaine étrangeté (1979-2017)

Andy Summers affectionne l’usage du flou, qu’il assimile à la distorsion du son par pédale d’effets en guitare. Le flou étant décliné dans la fumée de cigarette ou des gouttes d’eau sur les vitres d’un train notamment.

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Guizhou (Chine), Octobre 2016. Photographie d’Andy Summers.

Ses clichés présentent souvent des cadrages très particuliers. Il privilégie parfois les situations ou positions qui enlèvent toute possibilité d’identifier les personnes photographiées. « J’aime partir à l’aventure dans les rues, de jour ou de nuit, en quête de ce que Samuel Taylor Coleridge a appelé une certaine étrangeté, c’est-à-dire les petites choses décalées ou inhabituelles de la vie. Des possibilités de photos émergent. Et soudain c’est là, devant moi », se réjouit-il. Il photographie par exemple une maquette de bateau sur un rocher, jouant sur l’échelle pour simuler un naufrage. Ou les effets de la lumière et du vent dans les rideaux. Parfois l’on peine à reconnaître l’objet photographié, tant l’abstraction prend le pas. Andy Summers explore également les décalages culturels, lors de ses voyages. Ses clichés cultivent l’ambiguïté. Ils se situent dans un entre-deux qui peut conduire à s’interroger sur ce qu’il s’est passé avant et ce qui se produira ensuite. « J’aime la sensation de vertige que peuvent provoquer certaines de mes photographies, comme mes musiques, d’ailleurs. Le vertige peut être généré par l’ellipse », analyse Andy Summers.

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Montana (Etats-Unis), Août 2010. Photographie d’Andy Summers.

Let’s get weird (Osons l’insolite 1979-84)

Au premier étage, sur les murs de couleur prune, on découvre une longue ligne de photographies en petit format documentant les excentricités du groupe The Police. Sex, drugs, hotels and rock’n roll voilà qui pourrait résumer cette folle période, durant laquelle Andy Summers s’est accroché à son appareil photographique et à sa guitare pour ne pas se perdre totalement. Il faisait alors ses débuts en photographie, saisissant la foule en délire, Sting et Stewart Copeland endormis après un concert, une groupie nue dans une chambre d’hôtel, des toisons féminines… Une image très graphique marque les esprits : un rouleau de papier toilettes déroulé partiellement sur une moquette géométrique depuis une chambre, et sur lequel est griffonné le mot « help », « au secours ». Et l’on ne peut s’empêcher de penser à la chanson Message in a bottle. Ainsi, Andy Summers a-t-il résumé en une photographie son malaise existentiel de l’époque, à mener une vie superficielle de guitar heroe constamment en tournée.


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Gilles Mora, lui-même féru de musique, admirant une guitare d’Andy Summers exposée à l’étage.

L’avis de Gilles Mora, directeur artistique du Pavillon Populaire, commissaire de l’exposition avec Andy Summers

« Andy Summers pratique une photographie de rue à tendance surréaliste mixant la tradition américaine de la photo urbaine et la tradition européenne surréaliste. Autodidacte, il possède une vraie culture photographique. Il a d’abord imité les photographes qu’il admirait, avant de les dépasser. Lorsque je dirigeais les Rencontres d’Arles, je pensais l’exposer. Cela ne s’est pas fait. Je suis heureux d’accueillir ses photographies au Pavillon Populaire. Que les choses soient claires : il n’expose pas ici parce qu’il est l’un des dix meilleurs guitaristes de sa génération, mais parce qu’il est un très très bon photographe. Je ne sais pas s’il réalise bien à quel point il est un photographe talentueux, tant il est enfermé dans son statut de guitar heroe. Lorsque je suis allé chez lui pour choisir les images qui figureraient au sein de l’exposition, j’ai été surpris de l’homogénéité et de la qualité de son travail photographique. Il n’y avait aucune faiblesse. J’aurais pu tout sélectionner ! »

Virginie MOREAU
vm.culture@gmail.com


Informations pratiques

Andy Summers. Une certaine étrangeté, photographies 1979-2018 au Pavillon Populaire du 6 février au 14 avril 2019.

> Pavillon Populaire – Esplanade Charles-de-Gaulle – 34000 Montpellier –Tél. 04 67 66 13 46

> Exposition visible du mardi au dimanche de 10h à 13h et de 14h à 18h.

> Visites guidées

• Tous les vendredis à 16h, visite de découverte (45 mn) gratuite, sans réservation.

• Tous les samedis à 11h, 14h30 et 16h, visite qui prend son temps (durée 1h30) gratuite et sans réservation.

• Visite « voir autrement », accessible aux personnes aveugles et malvoyantes ainsi qu’aux voyants qui souhaitent découvrir l’exposition sans la vue, le mercredi 27 mars 2019 à 16h.

• Visite traduite en langue des signes française pour les sourds et malentendants, le dimanche 10 mars 2019 à 11h. Visite gratuite, réser­vation conseillée par mail : visites@ville-montpellier.fr


Bonus : Andy Summers et sa Fender Telecaster 1963, live on Tour (avril 2018)


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