Bassin de Thau : le casse-tête de l'habitat pris entre tourisme et logement des ménages
La question du logement, à l'heure de la prégnance des enjeux écologiques et de la volonté d'aller vers la "zéro artificialisation des sols", devient une équation difficile à résoudre dans les zones avec un marché en tension. Ici, le poids du tourisme pèse sur le territoire selon des vecteurs contradictoires : à la fois manne économique incontournable et facteur de pression immobilière et foncière. Sète Agglopôle Méditerranée recherche les solutions adéquates.
Le Conseil National de la Refondation (CNR) s’invite la semaine prochaine sur le territoire(1), l’occasion de faire un tour d’horizon des problématiques liées à la question du logement autour du bassin de Thau et de la politique de l’habitat mise en place par Sète Agglopôle Méditerrannée pour y répondre. Les élus et services de la communauté de communes (détentrice des compétences “équilibre social de l’habitat” et aménagement de l’espace) doivent composer avec des caractéristiques propres à un espace tiraillé entre valorisation des retombées économiques du tourisme et logement des ménages à l’année, couplé à une forte demande en logements sociaux.
“Les trois quarts des ménages peuvent prétendre à un logement social”
“Près du trois quarts des ménages du territoire ont des revenus qui leur permettent d’occuper ou d’accéder à un logement social, dont moins de 30% à un logement très social et 15% à un logement social intermédiaire”, souligne Gérard Canovas, vice-président délégué au logement de Sète Agglopôle Méditerranée et maire de Balaruc-les-Bains. Depuis le 1er janvier 2023, 3730 ménages sont en demande de logements sociaux dans l’agglomération avec, pour l’année 2022, une offre pour sept demandes.
“L’enjeu fondamental : répondre aux besoins actuels et futurs”
A titre d’exemple, une personne seule avec moins de 1 000€ par mois peut prétendre à un logement “très social”. “Cela correspond à différentes situations rencontrées sur le territoire : un salarié à temps partiel dans la grande distribution, un jeune en premier emploi, une personne âgées…”, énumère M. Canovas. Un couple avec deux enfants à charge et un salaire mensuel de 3200€ entre également dans les clous pour un logement social.
Bref, la demande est forte et l’offre inadaptée. “On voit bien que l’enjeu dépasse le décompte du nombre de logements sociaux de la loi SRU” (2), estime l’élu. Même si cela progresse dans de nombreuses communes du bassin de Thau (il est passé, sur l’ensemble des huit villes concernées, de 14, 94% à 16, 21%), Sète est la seule à dépasser les 20% préconisés par la loi. “L’enjeu fondamental est donc de répondre aux besoins actuels et futurs des enfants, petits-enfants et ménages qui vivent et/ou travaillent sur le territoire”, souligne-t-il.
Trouver l’équilibre entre locations saisonnières et annuelles
Selon Sète Agglopôle, l’agglomération et les communes doivent aujourd’hui tenir un rôle de régulation plus fort pour répondre aux besoins, tout en maintenant les équilibres entre les réponses à apporter aux ménages qui ont besoin d’un logement à l’année et l’offre pour la location saisonnière (notamment avec le développement de Airbnb et des résidences secondaires). “La spécificité du territoire est que le développement se fait autour du tourisme”, explique Gérard Canovas, citant en exemple les “430 emplois directs” générés par les thermes de sa ville de Balaruc-les-Bains, dont “pas un au Smic”, précise-t-il. De façon générale, le tourisme représente 31, 44 % des emplois sur le territoire. “Pour nous, les élus, l’enjeu est de mettre le curseur au bon niveau”, souligne-t-il.
Les projets en cours
Au rayon des projets en cours pour atteindre cet objectif, entre autres, “nous travaillons sur une opération, “Les Nieux”, dans ma commune de Balaruc-les-Bains, avec l’objectif de réaliser 50% de logements à prix régulés dont 30% de logements locatifs sociaux et 20% en accession sociale”, annonce le maire. Un projet de “démolition-reconstruction” est aussi dans les cartons à Mèze. De plus, “l’agglomération conduit une politique d’amélioration de l’habitant ancien (plus de 15 ans) qui a permis d’améliorer plus de 1300 logements depuis 2017”, précise l’élu.
Un budget annuel de 4 millions d’euros
A noter également que, depuis la fusion des deux anciennes intercommunalités en 2017, “Sète Agglopôle Méditerranée a consacré, pour le logement, plus de 24M € soit 4M € en moyenne par an grâce à ses aides propres et celles déléguées de l’Etat et de l’Anah” (Agence nationale de l’habitat).
Tourisme, économie, logements, environnement… Les facteurs à prendre en compte dans cette équation sont, en somme, multiples et semblent parfois antagonistes. L’Agglomération devra cependant parvenir à les combiner habilement pour mettre en oeuvre une politique de l’habitat efficiente. Elle va bientôt élaborer un nouveau PLH (Programme local de l’habitat) en ce sens et affirme, confiante, que le Scot (Schéma de cohérence territoriale) en cours d’évaluation, “dont le prévisionnel fixera les objectifs sur les vingt prochaines années, devra permettre au PLH de répondre aux enjeux de l’habitat du territoire”. Vaste programme (de l’habitat).
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(1) Le CNR a été lancé le 8 septembre 2022 par le président de la République. Il vise à mettre en œuvre une nouvelle méthode pour construire les solutions concrètes sur les grandes transformations à venir. Il comprend neuf grandes thématiques : climat et biodiversité, bien vieillir, souveraineté économique, futur du travail, santé, éducation, logement, jeunesse et numérique. Plusieurs rencontres avec des professionnels sont organisées partout en France, comme le mardi 11 avril pour le bassin de Thau.
(2) La loi relative à la Solidarité et au renouvellement urbain (SRU) de décembre 2000, fixe un seuil de 20% de logements sociaux pour les villes de plus de 3 500 habitants.