Droit

BESSAN - La valeur travail, l'usufruit et l'intérêt généralb - Question orale au conseil Municipal

Monsieur le Maire et mes chers collègues, La présente intervention n'est pas une question…

Monsieur le Maire et mes chers collègues,
La présente intervention n’est pas une question orale mais une exclamation écrite.
Lors de la précédente séance et en urgence, le Conseil a rajouté un point à son ordre du jour relatif à
la « convention précaire du verger au lieu-dit les Faisses ». L’urgence est avérée compte tenu de la
nécessité de la taille des arbres. C’est pourquoi, j’ai joint ma voix aux vôtres pour ce rajout à l’ordre
du jour.
Rappel des faits sur la situation juridique du verger
Depuis quatre ans, la Ville est nue-propriétaire des parcelles AT 27, AT 30, AT 32, et AT40.
En cette qualité, la Ville détient l’abusus, c’est à dire l’attribut du droit de propriété qui consiste au
droit de disposer. A l’acte d’acquisition, la Ville et l’exploitant agricole qui lui vendait son verger
convenaient d’une convention temporaire d’usufruit de 10 ans à la faveur de l’exploitant. Aux termes
de ce contrat, l’usufruit est exercé par l’exploitant vendeur jusqu’en 2018. Au jour de la rédaction de
la présente intervention, l’exploitant vendeur détient l’usufruit.
L’usufruit est ce droit réel principal, ce démembrement de propriété qui confère à son titulaire le
droit d’utiliser une chose et le droit d’en percevoir les fruits.
Ainsi, comme son nom l’indique, l’usufruit comporte deux prérogatives : le droit d’user de la chose
(l’ usus) et le droit d’en percevoir les fruits (le fructus). Dans le cas d’un verger, le sens de ces termes
juridiques en devient imagé. En effet, c’est bien de fruits dont il est question au sens matériel
comme au sens figuré.
La plantation, la maturité, l’actuelle pleine production de ce verger sont le fruit du travail acharné,
constant, passionné, et rigoureux d’une honorable famille du village.

La question de la renonciation à l’usufruit par anticipation : une question d’opportunité
Du fait des choses de la vie, l’exploitant vendeur est amené à renoncer par anticipation à son
usufruit et à cesser d’exercer son activité professionnelle. C’est donc une action subie et non choisie.
Le temps de cette anticipation est conséquent : six ans, soit l’équivalent d’un mandat municipal.
Ce gain de temps est une opportunité pour la Commune : ainsi, les études de faisabilité préalables
aux projets des aménagements envisagés peuvent être anticipées. Parce que le temps est de l’argent,
il génère des intérêts. Parmi ceux-ci, il en est un qui est cardinal : c’est l’intérêt général.
La renonciation apporte un intérêt à la Ville puisqu’elle augmente son droit sur la chose par
l’accession à la pleine propriété avec six ans d’anticipation. C’est un bénéfice. Cela est bon pour la
Commune et j’y souscris volontiers.
L’opportunité ne doit pas se confondre avec l’ opportunisme
En revanche, le bénéfice pour l’intérêt général ne saurait souffrir d’un préjudice qui est en fait une
injustice. La délibération objet de ce propos énonce: « l’usufruitier propose à la Commune une
renonciation de ses droits à titre gracieux (c’est à dire gratuit) ce qui permettra à la Commune de
bénéficier de la pleine propriété sur les biens en question ».
Or, cela est faux. L’exploitant usufruitier ne vous a pas proposé sa renonciation à titre gratuit.
Cela comme d’autres éléments expliqués en premier additif, je le conteste (1)
Je déplore l’acceptation par le Conseil de la renonciation gracieuse du droit d’usufruit de
l’exploitant. J’ajoute que l’expression de mon vote positif sur ce point est une erreur matérielle
assumée par un deuxième additif (2)
L’exploitant ne propose pas sa renonciation gratuite.
Il propose sa renonciation à l’usufruit mais à titre onéreux comme il vous l’a explicitement demandé.
Dès lors, le Conseil a délibéré sur un élément faux qui n’engage que lui-même. (3)
Or, pour échanger un consentement, il faut être deux.
Le fondement même de la délibération vacille.
Il vacille d’autant mieux que le projet de délibération énonce: « en cas d’acceptation de cette offre »
ce qui signifie bien que ladite acceptation (de la prétendue offre) ne va pas de soi puisqu’elle
nécessite une délibération du Conseil.
Vous le comprenez, le Conseil ne saurait accepter une offre qui ne lui pas été faite.
C’est évident.
Sur la question de la renonciation gratuite de l’usufruit : à titre gracieux, je vous propose
d’impulser une réelle concertation avec les élus pour poser les bases d’un accord acceptable et juste
entre la Commune et l’usufruitier.
A ce jour, l’acte authentique n’est pas signé.
Vous pouvez corriger une injustice. Il est encore temps.
L’injustice est d’autant plus éclatante que parallèlement à votre désir d’obtenir de l’usufruitier sa
renonciation gratuite, vous annoncez la base d’un accord avec un tiers pour une location payante
par convention d’occupation précaire.
Observez , qu’à l’exception de la taille de cette année, ce verger a fait l’objet d’une attention et
d’une culture irréprochables jusqu’au terme de la production de l’été dernier.
Quand un citoyen (et à fortiori un agriculteur) souffre d’une décision qui génère une injustice, c’est
comme si tous les citoyens (et tous les agriculteurs) pâtissaient de cette blessure. Car ce sont les
mêmes branches du même tronc composé d’une multitude d’autres branches qui ploient sous le
poids de leurs fruits. Et leurs fruits, c’est leur travail. Et c’est leur travail qui est atteint par la plaie
de l’injustice.
Monsieur le Maire et ancien viticulteur, vous adjoints et conseillers municipaux, vous ne pouvez ni
ne devez accepter une injustice. On ne s’accommode pas de l’injustice, on la combat.
Combattre l’injustice, tel est le coeur même de l’intérêt général.
En conclusion, l’abusus ne signifie pas « abuser »
L’abusus, l’usus et le fructus sont ces éléments constitutifs du droit de propriété.
L’usufruitier détient l’usus et le fructus. La Commune détient l’abusus.
En conséquence, sur cette question de renonciation gratuite par l’exploitant à son droit d’usufruit,
je vous demande de reconsidérer votre position. Oui, je vous le demande…à titre gracieux.(4)

Olivier Goudou
Conseiller municipal à Bessan

(1) Il a été malaisé de lire avec sérénité et sérieux ce document distribué à toute hâte, dans le
brouhaha d’une séance qui touchait à sa fin avant de procéder au vote d’une question
délicate, ajoutée en urgence à son ordre du jour. Ainsi donc, il vous est demandé qu’à
l’avenir, les projets de délibérations à soumettre au Conseil par l’adoption de leur rajout à
l’ordre du jour soient distribués en début de séance, dès l’ouverture, et cela antérieurement
au vote du rajout afin que les conseillers votent en pleine connaissance de cause en
appréciant le caractère d’urgence.
(2) erreur matérielle de ma part car mon vote « pour » concerne les deux points relatifs à
« autoriser la signature de l’acte de renonciation à l’usufruit au bénéfice de la Commune »
et à « autoriser la signature d’une convention d’occupation précaire, avec la personne de
son choix » mais aucunement à « accepter l’offre de renonciation gracieuse à l’usufruit »
comme exposé ci-dessus et exprimé en séance du 14 mars.
(3) Pour rappel et contrairement à ce qui y est écrit, « l’acte de renonciation prévisionnel » n’a
pas été joint au projet de délibération distribué en séance. Sur cette base et pour ce motif, je
voterai contre l’approbation du compte-rendu de la séance du 14 mars 2012.
(4) précisons le double sens du mot « gracieux » : en langage courant qui signifie « gratuit » et
en terme juridique qui signifie « qui demande grâce » (qui diffère du contentieux, en ce
sens : distinction du recours gracieux et du recours contentieux)

Qu'en pensez-vous ?

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Depuis 1973, d’abord sous format magazine, puis via son site, Hérault Tribune informe le public des événements qui se produisent dans le grand Agathois, le Biterrois et le bassin de Thau.

Depuis 1895, l’Hérault Juridique & Economique traite l’économie, le droit et la culture dans son hebdomadaire papier, puis via son site Internet. Il contribue au développement sécurisé de l’économie locale en publiant les annonces légales.