Environnement — Castelnau-le-Lez

Castelnau-le-Lez, table ronde : les femmes en première ligne face au changement climatique

Les inégalités entre les femmes et les hommes se ressentent non seulement en matière de salaires ou de tâches ménagères, mais aussi parce qu’elles subissent de façon plus prononcée les effets du changement climatique, comme l’a montré une table ronde organisée à Castelnau-le-Lez le 8 mars dernier.

Mercredi 8 mars, au Kiasma, à Castelnau, la municipalité accueillait 5 intervenantes pour évoquer la situation des femmes dans le contexte du changement climatique. L’adjointe à l’Egalité, Sylvie Ross-Rouart, a annoncé en préambule que le réchauffement climatique renforce les inégalités. Un constat dont peu de personnes ont conscience, et qui a été confirmé par plusieurs interventions.

Les femmes, plus vulnérables et plus exposées

Anne Charmantier, directrice de recherche en écologie évolutive au CNRS, spécialisée dans l’adaptation des animaux, et plus particulièrement des oiseaux, au réchauffement climatique, a expliqué avoir participé à une formation internationale sur ce sujet. Le constat qui y a été dressé est édifiant : « Les femmes sont plus vulnérables face notamment à la sécheresse. Dans les pays émergents, leur vie entière est affectée, car elles doivent aller chercher l’eau plus loin et trouver de la nourriture pour leurs enfants. Par ailleurs, dans les pays frappés par des événements climatiques extrêmes, en Asie du Sud-Est, aux Philippines, on note une mortalité différentielle entre les hommes et les femmes lors des tsunamis et des inondations car on n’apprend pas aux jeunes filles à nager ou à grimper aux arbres. Lorsqu’elles doivent sauver leur vie, elles ne savent tout simplement pas le faire.De plus, elles ont moins le réflexe de fuite et plus celui de rester auprès de leurs enfants pour les protéger. » Résultat, en 1991, lorsqu’un cyclone a frappé le Bangladesh, plus de 90 % des personnes décédées étaient des femmes. Et globalement, il y a toujours entre 70 % et 90 % de mortalité féminine rapportée à la mortalité totale, avance la scientifique.

Pour sa part, Ludivine Giorgi-Soubeyrand, directrice de la Clinique du Parc, chercheur, souligne que le sentiment de responsabilité maternelle peut conduire au sacrifice. La mère préfère bien souvent rester auprès de ses enfants lors d’un cataclysme que sauver sa peau. La spécialiste de la santé relève également des différences physiologiques entre les femmes et les hommes qui font que les femmes supportent bien moins les fortes chaleurs : « les glandes sébacées et sudoripares ne sont pas les mêmes, la thermorégulation n’est pas la même ». Le contexte de réchauffement global de la planète est donc encore plus préjudiciable aux femmes. Etayant son propos, la capitaine Audrey Peyre, infirmière au service de santé et de secours médical SDIS 34, rappelle que lors de la canicule de 2003, il y a eu davantage de décès de femmes que d’hommes. De plus, dans leszones touchées par des catastrophes naturelles, les risques de violences sexistes sont très importants, les violences domestiques augmentent, la prostitution forcée se répand…

Flora Gouzerh, docteur en biologie et écologie de la santé au CNRS, relève que le manque d’accès à l’éducation des filles dans certains pays les rend dépendantes financièrement. Dans de nombreux pays, les filles aident leur mère et ne vont pas à l’école. Sans éducation, elle n’ont pas la possibilité d’accéder à un emploi rémunérateur ni à l’autonomie. S’il y a un problème de famine, elles ne peuvent pas nourrir leurs enfants et se nourrir, donc bien souvent elles se privent de manger.

Quels leviers et solutions pour enrayer la spirale de la vulnérabilité ?

Anne Charmantier relève l’importance d’adapter les comportements. Cela peut passer tout simplement par l’apprentissage de la natation et par la pratique de sports pour être en capacité de survivre en cas de catastrophe climatique. Elle mentionne l’initiative internationale Teach a girl to swim, qui vise à apprendre aux filles à nager dans des pays où ce n’est pas le cas. Des communications sont réalisées envers le grand public pour généraliser la natation chez les filles. D’autres solutions internationales existent pour autonomiser les femmes, les rendre plus visibles et leur donner plus de pouvoir, notamment en Asie Sud-Est ou en Alaska. Et de nombreuses femmes prennent des initiatives en matière environnementale. Elle cite l’exemple du Nicaragua, où des femmes indigènes lancent des projets pour protéger la nature et les populations contre le changement climatique. La scientifique rappelle que les pays dont le parlement est constitué de plus de femmes que d’hommes ratifient plus facilement les décrets environnementaux.

Karine Moreau, directrice du développement de Predict Services, souligne l’importance de prévoir les risques pour mettre la population à l’abri. C’est pourquoi la société Predict pour laquelle elle travaille répond à un appel à projets de l’ONU, avec Météo France International, pour mettre en place un dispositif d’alerte météo précoce sur l’ensemble du monde. Il s’agirait d’estimer le volume des pluies et de repérer les zones inondables à partir de données satellitaires. Ce projet pourrait devenir réalité d’ici cinq ans et épargner bien des vies. Au Maroc, le roi, conscient de la nécessité d’anticiper les risques météorologiques et les inondations, travaille avec Predict dans ce sens.

Adaptation au risque et démarche environnementale

Selon Karine Moreau, il faut aussi s’adapter aux risques via les plans communaux de sauvegarde, les plans de continuité en entreprise, le plan Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile)… et évidemment replanter des arbres, capter le CO2… Il est nécessaire de repenser nos modes de consommation pour enrayer le phénomène de surproduction, nocif sur le plan environnemental, être en capacité de réaction, moins s’exposer (ne pas circuler les jours d’inondation, sécuriser les établissements scolaires), sensibiliser… « La culture du risque est essentielle », selon Karine Moreau, qui indique que, bien que les vigilances météo soient très et trop critiquées en France, elles permettent d’anticiper et aident à savoir comment se comporter

Nombreuses sont les entreprises à tenter de réduire leur impact sur le climat. C’est le cas de la Clinique du Parc, dont Ludivine Giorgi-Soubeyrand indique qu’elle est engagée dans une démarche de Responsabilité Eociétale des Entreprises. « Nous soignons les gens dans les meilleures conditions, mais nous dégageons du gaz carbonique. Nous voulons rendre les blocs opératoires plus responsables. Nous réduisons notamment les utilisations de Bétadine et de compresses avant les opérations grâce à un tampon spécial. Cela permet de réduire nos déchets et cela aura un impact à terme ». Côté risques, des directions de gestion des risques apparaissent, couplées à la qualité, souligne la dirigeante. « La cliniqueest dans l’anticipation des risques pour les patients et les salariés. Il faut aussi gérer la proximité du Lez. Les outils comme ceux de Predict permettent de prévoir, et la formation sensibilise aux bons gestes pour développer des automatismes en cas de problème ».

La capitaine Audrey Peyre explique que le Service départemental d’incendie et de secoursde l’Hérault est lui aussi engagé sur la RSE. Une politique a été établie par le contrôleur général pour sortir de l’identité genrée de la profession et lutter contre les stéréotypes. « Il est faux de penser que les femmesont moins de force et de puissance. Les tests montrent que la partie féminine s’en sort très bien », indique-t-elle. La présence de femmes au SDIS permet d’instaurer d’autres procédures, car elles aussi sont forces de propositions. Par exemple, « lors d’une réunion sur un projet de tablette numérique, il y avait 9 femmes sur 10 pompiers ». Depuis un an, dans l’Hérault, les uniformes des pompiers ont été adaptés à la morphologie féminine.

Flora Gouzerh préconise de valoriser les capacités des filles pour les longues études. « Au lycée, elles ont souvent de meilleures notes en sciences que les garçons, mais très peu d’entre elles partent en prépa. Elles vont plutôt en BTS et à l’université ». Membre de l’associations Femmes et sciences, qui promeut la science dans les collèges et lycées auprès des jeunes filles, elle estime que les jeunes filles ont besoin d’exemples de femmes investies dans des carrières scientifiques, qui luttent notamment contre le changement climatique. Et regrette que celles qui veulent avoir des enfants mettent leur carrière en pause : « Ça se ressent au niveau de leur salaire. Et au sein du foyer, cela crée un déséquilibre des tâches ménagères qui perdure après leur reprise du travail ». Elle milite pour le développement des crèches, qui libèrent du temps pour que les mères retournent au travail.

Une journée de prévention des risques à Castelnau

Intervenant à la fin de la table ronde, le maire Frédéric Lafforgue a indiqué sa volonté de créer une journée de prévention des risques pour répandre les bons réflexes en cas d’inondation ou d’incendie. Il a aussi invité les 5 intervenantes à participer au Forum des métiers du collège Frédéric-Bazille, organisé le 1er avril prochain au Kiasma. « Je serais très heureux que vous fassiez découvrir vos métiers ainsi que les métiers à l’international aux élèves, pour qu’ils se rendent compte que les femmes aussi peuvent exercer des postes à responsabilité et des métiers techniques ou universitaires », leur a-t-il dit. Il a conclu : « Les mots liberté, égalité et fraternité sont écritsau fronton de la mairie. J’ai confié à l’adjointe Sylvie Ros-Rouart la délégation de l’égalité. C‘est pour moi une forme de liberté et de fraternité ». Concernant le développement du congé parental, Frédéric Lafforgue s’est dit « très fier quand un ASVP ou policier municipal prend un congé parental au sein de la collectivité ». Il envisage la journée de télétravail instaurée parmi les agents municipaux comme un facteur de rééquilibrage et de souplesse familiale. « Cela fait partie des évolutions importantes », selon lui.

Il a également évoqué l’outil de Predict : « Il y a trois ans, avecl’ex-directrice générale des services Marylise Sarrasin et l’adjoint aux Travaux, nous avons dû gérer la période de neige sur la commune. Un outil comme celui de Predict permet d’avoir les éléments nécessaires pour réagir, de prendre des décisions en pleine connaissance de cause, de mettre les écoles et le palais des ports en sécurité, de trouver des lieux d’hébergement. Nous avons les bons réflexes, mais surtout en matière d’inondations. Il va falloir se pencher sur le risque incendies »,a analysé le maire, qui a remercié le SDIS 34 pour ses actions.

La conclusion de ces échanges penchait très nettement en faveur de la promotion d’une politique climatique sensible à la question de genre. Espérons que ce message sera entendu.

——-

France, quand le climat s’emballe…

Karine Moreau, directrice du développement chez Predict Services (filiale d’Airbus, BRL et Météo France), rappelle que cette entreprise crée depuis 17 ans des solutions pour prévenir les risques climatiques et aider la société à ne pas se laisser surprendre par des événements et à adopter les bons comportements. Le faible taux hydrique actuel entraîne un gros déficit des nappes phréatiques. Le record a été battu au mois de février en France avec 32 jours sans pluie. C’est pourquoi il est nécessaire selon elle de s’adapter, de réfléchir aux usages agricoles, à l’étiage des cours d’eau, à l’approvisionnement. « Il est nécessaire d’arriver à une cohésion dans les actions au sujet du partage des eaux », selon elle. Le risque bien réel est que des incendies se déclenchent désormais en plein hiver, que la sécheresse crée de plus en plus de fissures sur le bâti, sans oublier les répercussions sur la végétation et sur les animaux.

La capitaine Audrey Peyre a souligné la gravité des incendies qui se sont déclarés dans la France entière en 2022, même dans des zones habituellement épargnées. Début mars 2023, 14 camions citernes sont partis en Gironde pour apporter du renfort. « On va aussi sans doute arriver à des inondations au printemps ou en fin d’été ; c’est pourquoi il est important de sensibiliser la population… » selon elle.

Qu'en pensez-vous ?

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Depuis 1973, d’abord sous format magazine, puis via son site, Hérault Tribune informe le public des événements qui se produisent dans le grand Agathois, le Biterrois et le bassin de Thau.

Depuis 1895, l’Hérault Juridique & Economique traite l’économie, le droit et la culture dans son hebdomadaire papier, puis via son site Internet. Il contribue au développement sécurisé de l’économie locale en publiant les annonces légales.