Commissaire-priseur : responsabilité envers l’acheteur en cas de mentions erronées ou incomplètes d’un catalogue
A l’égard de l’acheteur, le commissaire-priseur qui affirme sans réserve l’authenticité d’une œuvre ou qui ne fait pas état des réparations majeures subies par cette dernière, engage sa responsabilité, sans pouvoir arguer du recours à un expert indépendant.
Par Claire-Anne MICHEL.
Les faits
En l’espèce, procédant à une vente aux enchères, un commissaire-priseur avait pris soin, d’abord, de consulter des experts indépendants et, ensuite, de reproduire dans le catalogue la description faite par eux des œuvres faisant l’objet des ventes, à savoir une bibliothèque attribuée à Charlotte Perriand et une paire de fauteuils attribuée à Jean Prouvé. Lors de la remise en vente, des doutes étaient nés quant à l’authenticité de ces derniers et quant à des réparations majeures dont aurait fait l’objet la bibliothèque, doutes qui furent confirmés par un expert judiciaire. Ce faisant, l’acheteur exerça une action en responsabilité contre le commissaire-priseur sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil (N° Lexbase : L0950KZ9).
La procédure
Les juges du fond condamnèrent le commissaire-priseur, et les experts furent condamnés à le garantir (CA Aix-en-Provence, 23 octobre 2018, n° 14/02.274 N° Lexbase : A7254YH7). Le commissaire-priseur forma un pourvoi en cassation. Pour l’essentiel, il cherchait à s’exonérer de sa responsabilité, arguant pour cela, en substance, qu’ayant reproduit dans le catalogue la description faite par les experts, il ne pouvait engager sa responsabilité. Aussi invitait-il la Cour de cassation à prendre en compte l’absence de faute de sa part pour l’exonérer de sa responsabilité.
La solution
Poursuivant dans la voie esquissée par le passé, la Cour de cassation rejette le pourvoi et considère qu’ « il résulte des articles L. 321-17, alinéa 1er, du Code de commerce et 1382 devenu 1240 du Code civil, qu’à l’égard de l’acquéreur, le commissaire-priseur, qui affirme sans réserve l’authenticité de l’œuvre d’art qu’il est chargé de vendre ou ne fait pas état des restaurations majeurs qu’elle a subies, engage sa responsabilité, sans préjudice d’un recours contre l’expert dont il s’est fait assister ». Or, en l’espèce, la cour d’appel avait constaté que « le commissaire-priseur avait porté sur ces catalogues des mentions manifestement erronées ». Ce faisant, il avait engagé sa responsabilité « sans pouvoir s’en exonérer en arguant du fait qu’il a eu recours à un expert indépendant ». Ainsi, la Cour de cassation opère une distinction entre la responsabilité délictuelle du commissaire-priseur envers l’acheteur et sa responsabilité contractuelle envers le vendeur, qui trouvent toutes deux leur siège dans l’article L. 321-17, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L7968IQ8).
Dans la première hypothèse, comme cela était le cas en l’espèce, la Cour de cassation fait prévaloir l’idée de garantie. Le commissaire-priseur, tenu de souscrire une assurance professionnelle, ne peut s’exonérer de sa responsabilité qu’en formulant des réserves sur l’authenticité ou en faisant état « des restaurations majeures » subies par l’œuvre. La reproduction dans le catalogue des conclusions de l’expert sont indifférentes (v. entre autres déjà en ce sens Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 02-13.420 FS-P+B N° Lexbase : A4065DU4). La solution est ici affirmée sans ambages et avec une clarté sans précédent. Les choses se présentent différemment dans la seconde hypothèse, à savoir la mise en cause de la responsabilité contractuelle du commissaire-priseur. La Cour de cassation subordonne alors la mise en cause de la responsabilité du commissaire-priseur à l’existence d’une faute, celle-ci ne pouvant pas être établie « à l’encontre du commissaire-priseur, qui, eu égard aux données acquises au moment de la vente, n’avait aucune raison de mettre en doute l’authenticité de l’œuvre, ni par conséquent de procéder à des investigations complémentaires » (v. Cass. civ. 1, 17 septembre 2003, n° 01-15.306 N° Lexbase : A0204DCK ; Cass. civ. 1, 10 juillet 2013, n° 12-23.773 N° Lexbase : A8946KI8).
Ainsi, en l’espèce, le recours à l’expert indépendant était sans incidence : le commissaire-priseur responsable devait réparer le préjudice subi par l’acheteur, préjudice dont l’étendue relève du pouvoir souverain des juges du fond, comme le rappelle la Cour de cassation.
Pour un autre arrêt rendu le même jour en matière de vente aux enchères, concernant l’inexactitude des mentions du catalogue, qui ne suffit pas nécessairement à caractériser une erreur sur les qualités substantielles, cf. Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-15.415, FP+B
(N° Lexbase : A88383YY).
Claire-Anne MICHEL,
maître de conférences, Université Grenoble-Alpes,
Centre de recherches juridiques (CRJ).
Réf. : Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-10.536, F-P+B (N° Lexbase : A86823Y9).