Des contrôles et sanctions renforcés en matière sociale (½)
Plusieurs textes ont récemment renforcé les pouvoirs des agents de contrôle de l’inspection du…
Plusieurs textes ont récemment renforcé les pouvoirs des agents de contrôle de l’inspection du travail et de l’Urssaf. Premier volet : ce qui change dans les relations entre l’Urssaf et les entreprises.
A la suite du rapport Gérard/Goua, remis en avril 2015 et intitulé Pour un nouveau mode de relations Urssaf/entreprises, le décret du 8 juillet 2016 (n° 2016-941) relatif au renforcement des droits des cotisants a été publié. Revue de détail.
Avis préalable au contrôle
Dans le cadre du contrôle, il est prévu que l’ « avis de contrôle » envoyé à la « personne contrôlée » (termes qui se substituent à « employeur » ou « cotisant ») doit parvenir « au moins 15 jours avant la date de la première visite de l’agent chargé du contrôle ». La Charte du cotisant contrôlé, qui rappelle les droits et devoirs du cotisant lors des contrôles, sera opposable aux organismes de recouvrement.
L’agent chargé du contrôle pourra demander que les documents à consulter lui soient présentés selon un classement nécessaire au contrôle dont il aura au préalable informé la personne contrôlée. S’agissant d’une audition dans le cadre du travail dissimulé, il est prévu que « la signature du procès-verbal d’audition par la personne entendue vaut consentement de sa part à l’audition ».
Auparavant, lorsque l’inspecteur du recouvrement souhaitait utiliser le matériel informatique de la personne contrôlée afin de procéder aux opérations de vérification, il devait recueillir le consentement du cotisant. Désormais, l’agent n’est plus obligé de recueillir ce consentement. Il doit informer par écrit le cotisant de son intention. A la demande de l’agent, celui-ci doit même mettre à sa disposition un utilisateur habilité pour réaliser les opérations sur son matériel. A compter de la date de réception de la demande de l’agent chargé du contrôle, la personne contrôlée dispose de quinze jours pour s’opposer par écrit à la mise en œuvre de traitements automatisés sur son matériel. Elle doit alors proposer :
• soit de lui mettre à disposition les copies des documents, des données et des traitements nécessaires à l’exercice du contrôle. Ces copies sont faites sur fichier informatique répondant aux normes définies par l’agent chargé du contrôle permettant les traitements automatisés et sont détruites avant l’engagement de la mise en recouvrement ;
• soit de réaliser lui-même tout ou partie des traitements automatisés, selon les instructions données par l’inspecteur (traitements à réaliser, délais accordés pour les effectuer, normes des fichiers des résultats attendus).
A défaut de réponse de la personne contrôlée dans un délai de quinze jours, l’agent peut procéder aux opérations de contrôle par la mise en place de traitements automatisés sur le matériel de la personne contrôlée.
Lettre d’observations
De plus, jusqu’à présent, les éventuelles observations de l’Urssaf devaient contenir « l’indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements… ». Le décret du 8 juillet 2016 se montre plus précis en indiquant que ces observations « sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l’indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales, l’indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités ». On relèvera également que le cotisant peut amender la liste des documents consultés par l’Urssaf. Lorsque la personne contrôlée répond aux observations de l’organisme avant la fin du délai de trente jours, l’agent chargé du contrôle est tenu de répondre. Chaque observation exprimée de manière circonstanciée par la personne contrôlée fait l’objet d’une réponse motivée. Cette réponse détaille, par motif de redressement, les montants qui, le cas échéant, ne sont pas retenus et les redressements qui demeurent envisagés.
S’agissant du contrôle sur pièces, le décret modifie le seuil maximal permettant de recourir à ce type de vérification (de 9 salariés au plus à 11 salariés au plus). Quant au contrôle par échantillonnage, les échanges entre l’Urssaf et le cotisant au cours de la procédure peuvent désormais être oraux.
Enfin, le décret modifie la notion de décision implicite d’accord : le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n’ont pas donné lieu à des observations de la part de l’organisme effectuant le contrôle et dès lors que :
• l’organisme de recouvrement a eu l’occasion, au vu de l’ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments ;
• les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées.
Mise en demeure
Lorsque la mise en demeure est établie suite à un contrôle, elle devra mentionner certains éléments :
• au titre des différentes périodes annuelles contrôlées, les montants notifiés par la lettre d’observations et, le cas échéant, les montants corrigés, suite aux échanges lors de la période contradictoire ;
• la référence et les dates de la lettre d’observations et, le cas échéant, du dernier courrier établi par l’agent chargé du contrôle dans le cadre de la période contradictoire.
De manière générale, la mise en demeure devra mentionner le montant des majorations et des pénalités appliquées, ainsi que la référence des paiements déjà effectués.
Litiges
Le délai de saisine de la CRA (Commission de recours amiable) sera porté à deux mois à compter du 1er janvier 2017. En outre, la décision de la commission devra détailler, par motif de redressement, les montants qui, le cas échéant, sont annulés et ceux dont le cotisant reste redevable au titre de la mise en demeure. Elle devra également préciser les délais et voies de recours dont dispose le cotisant.
Enfin, concernant les majorations de retard, toute référence à l’absence de bonne foi de l’employeur ou à la preuve de cette bonne foi disparaît. Qui plus est, la majoration complémentaire de 0,4 % pourra faire l’objet d’une remise « à titre exceptionnel, en cas d’événements présentant un caractère irrésistible et extérieur » (il n’est plus fait référence à des cas exceptionnels ou à la force majeure).
Désormais, l’article R.243-20 du code de la Sécurité sociale prévoit que les employeurs peuvent formuler une demande gracieuse en réduction des majorations et pénalités. Cette requête n’est recevable qu’après règlement de la totalité des cotisations ayant donné lieu à l’application des majorations. La majoration de 0,4 % peut faire l’objet de remise lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de trente jours qui suit la date limite d’exigibilité ou, à titre exceptionnel, en cas d’événements présentant un caractère irrésistible et extérieur.
François TAQUET,
avocat, conseil en droit social