Entreprises

En attendant 2021, 4 traiteurs de l’événementiel face à l’actualité Covid

Les traiteurs de l’événementiel font partie des professions fortement touchées par la crise Covid et les mesures sanitaires prises par le gouvernement. Professionnels de la réception culinaire, bien que non frappés par les fermetures administratives, ils sont dans l’incapacité d’exercer leur activité du fait de la fermeture des lieux de réception et de l’annulation des événements professionnels. Rencontre avec 4 traiteurs héraultais dont le savoir-faire gastronomique rayonne bien au-delà du département.

Trois Montpelliérains renommés – Cabiron, Germain, Husser – qui assurent de succulentes prestations pour les réceptions professionnelles et les mariages, et un lieu de convivialité de l’Ouest Hérault – Le Domaine de l’Argentière, entreprise familiale gérée par Anne Lallemand –, ont accepté de témoigner. Ce secteur d’activité au poids économique certain (13 millions d’euros de chiffres d’affaires cumulés pour les trois premiers, une centaine de salariés permanents et deux fois plus d’extras, saisonniers ou intérimaires en pleine saison !) attend en effet patiemment la levée des restrictions sanitaires, prévue pour fin janvier 2021. Pourtant, malgré la situation complexe, ils ne se résignent pas et ont la volonté de reprendre au plus vite leur activité-passion, qui touche à l’artistique culinaire, avec la quasi-certitude que la reprise en 2021 sera lente et longue. La vraie éclaircie est espérée pour septembre prochain avec le retour des événements professionnels.

bernard cabiron
Bernard Cabiron, traiteur pour l’événementiel et vice-président national de l’Association des Traiteurs de France.

Bernard Cabiron, 3e génération à tenir l’activité, poursuit avec son frère Gérard, Meilleur Ouvrier de France, l’œuvre entreprise par ses grands-parents dès 1998. Premier traiteur en termes de chiffre d’affaires (5,6 M€) sur l’ex-Languedoc-Roussillon, il parle de sidération face à un contexte économique jamais vu et qui frappe indirectement, mais de plein fouet, cette profession très spécialisée. « Avec la fermeture des lieux de réception, le report des mariages pour cause de mesures sanitaires et l’annulation des événements professionnels, nous sommes dans l’incapacité d’exercer notre activité ». Il parvient pourtant à plaisanter. « Mais non, je ne suis pas à vendre. Nous allons même investir », sourit-il, comme pour mieux tordre le cou aux fausses rumeurs qui pourraient circuler. Bernard Cabiron, qui est également vice-président national de l’Association des Traiteurs de France, fait un constat amer : « la profession au plan national atteindra à peine 30 % du chiffre d’affaires global réalisé en 2019. Une récente étude de la Banque de France sur les pertes d’activité par profession nous situe hors cadre, bien en dessous des hôteliers et restaurateurs, qui sont pourtant dans une situation difficile ».

S’il salue comme il se doit les mesures gouvernementales ainsi que l’écoute attentive et la réactivité du ministre de l’Economie et de Bercy, il regrette l’oubli des entreprises de plus de 20 salariés dans les premières mesures annoncées dès le mois de mars. Bernard Cabiron et les professionnels présents se félicitent de l’accès récent de leur activité au fonds de solidarité avec une indemnité jusqu’à 200.000 euros du CA perdu (pour un montant maximum de 800.000 euros sur l’année). Les frais fixes, eux, continuent pourtant à courir : la location des véhicules, les assurances, les nécessaires contrôles de sécurité des établissements, les annuités d’investissements que certains ont réalisés il y a peu pour s’équiper (laboratoires culinaires et/ou flotte de véhicules). L’entreprise Cabiron, en attendant la reprise, a mis en place plusieurs concepts comme un food truck avec des menus du jour pour les entreprises, des petits plats du quotidien préparés sous vide et vendus en ligne et en boutique en centre-ville, les menus gastronomiques du week-end, les coffrets cadeaux. « Nous sommes en plein développement d’innovations culinaires » précise Bernard Cabiron.

Le chômage partiel et les PGE ont été autant de mesures salutaires, comme le confirme Isabelle Husser, cogérante et cofondatrice, avec son mari, de Husser Traiteur (3 M€ de CA, 20 salariés permanents, une centaine de saisonniers  et intérimaires). « Notre volonté est de reprendre au plus vite. Nous sommes en capacité de le faire » explique la dirigeante de cette enseigne emblématique de la réception professionnelle.

caroline germain
Caroline Germain, spécialisé dans l’événementiel.

Germain Traiteur (4 M€ de CA et 21 salariés permanents, créé en 1994), autre prestataire bien connu, régale les papilles des participants aux événements professionnels et développe un service basé sur la qualité et le haut de gamme. Il s’est diversifié il y a peu en créant une filiale spécialisée dans les plateaux-repas à emporter ou en livraison (O’Bento). Pour Caroline Germain, 2e génération à assurer cette activité, la question de la rentabilité de la réouverture partielle de l’activité se pose. « La réalisation qualitative de nos produits demande une remise en route lourde en personnel et pour nos installations, notamment nos laboratoires culinaires. Nous voulons bien sûr répondre aux attentes de notre fidèle clientèle, mais la question de la rentabilité se pose, comme à toute entreprise. Il y a aussi une question d’image : il faut que l’on soit là ! » Paradoxalement, en juillet, l’entreprise a assuré des mariages, mais la cheffe d’entreprise parle d’une opération blanche. Caroline Husser en est sûre : « Même si l’activité du mariage devrait repartir au printemps prochain, je ne vois pas de reprise pour la clientèle des congrès et séminaires d’entreprises avant le mois de septembre 2021. Nos week-ends seront chargés avec l’activité mariage, mais la clientèle professionnelle en semaine manquera à l’appel. » Autre constat, les événements nationaux qui devaient être organisés à Montpellier en 2020 sont, pour beaucoup, définitivement perdus. « Il n’y aura pas de reports de dates possibles en 2021, parce que ce sont des événements basés sur des calendriers dont les dates et les lieux d’accueil sont prévus plusieurs années à l’avance. » Seule exception, le congrès national des experts-comptables, prévu en 2021, qui a reprogrammé sa venue à Montpellier du 27 au 29 septembre 2023. « Nous les en remercions chaleureusement. Mais c’est une exception » ajoute Bernard Cabiron.

lallemand
Anne Lallemand, maître artisan traiteur au Domaine de l’Argentière à Montblanc.

Anne Lallemand, maître artisan traiteur au Domaine de l’Argentière, à Montblanc, est la troisième génération à diriger l’activité de ce lieu de réception créé en 1981. Un lieu d’accueil et de convivialité spécialisé dans les mariages et la réception de tour-opérateurs et d’événements privés et professionnels. L’entreprise familiale exerce aussi à domicile et veut développer la livraison. « Il faut rester positifs, même si nous savons que sur 2020 nous ne ferons que 25 % du CA réalisé en 2019 (400.000 €). Hormis les reports des mariages que nous accueillons dans notre Domaine, nous avons également perdu la clientèle autocariste et les tour-opérateurs. » Anne avoue que le moins évident pour elle a été de gérer le stress de ses clients “mariages” qui ont dû faire face à des reports successifs liés aux confinements et à l’annonce d’une jauge limitée. « Sur le plan financier, je dois dire que si, au début de la crise, les 1.500 euros du fonds de solidarité pour deux – mon mari et moi – étaient certes appréciables mais largement insuffisants par rapport à l’arrêt de notre activité, l’augmentation du plafond de ce fonds à 10.000 euros par mois à partir d’octobre a été une véritable bouffée d’air qui nous permet d’envisager plus sereinement l’avenir. » L’entreprise met à profit cette période très délicate pour structurer son activité, passer à la digitalisation et améliorer sa communication avec l’aide de Marianne Sylvestre, une consultante externe. « L’annonce d’un vaccin est aussi une lueur d’espoir, et nous pouvons compter sur la fidélité de notre clientèle, pour laquelle nous réfléchissons à une gamme de plats à emporter que nous pouvons livrer avant l’ouverture – que j’espère rapide – de nos salles de réception, véritables lieux de convivialité. » Car la clientèle recherche des espaces de convivialité. Les entreprises, pour leur part, se sont tournées vers la visio et ont investi pour. Reviendront-elles en arrière ? « J’en suis sûre : rien ne remplace la convivialité d’une réunion de travail en présentiel et un moment de détente et d’échanges autour d’un buffet gastronomique », conclut Anne Lallemand.

Daniel CROCI


Le coup de gueule contre les assureurs

Anne Lallemand (Domaine de l’Argentière) n’a pu résister à un petit coup de gueule de grande importance : « En ces temps très difficiles pour notre profession et l’économie en général, nous aurions aimé plus d’entraide de la part du monde de l’assurance. Je viens de recevoir un courrier me demandant de signer un avenant Covid sur le fait que la pandémie n’était pas couverte par mon contrat perte d’exploitation. Le poste assurance est pourtant coûteux pour nos entreprises. On attendait mieux…»
Les professionnels des cafés, hôtels et restaurants se sont d’ailleurs alarmés d’autres avenants relatifs aux attentats ou à la casse lors des manifestations.

Le conseil juridique : faire une déclaration de perte d’exploitation sans mentionner les mots Covid ou pandémie, mais en justifiant de l’arrêt des commandes à cause des confinements et de l’interdiction de rassemblement. L’adresser ensuite en recommandé à la fois à son assurance et à son agent d’assurance. Cette déclaration permettra de dater, de quantifier le préjudice et d’en garder une trace, au cas où. (DC)

 


isabelle husser
Isabelle Husser, cogérante et cofondatrice de l’entreprise avec son mari.

Témoignage

Isabelle Husser, Traiteur pour l’événementiel « Innover pour anticiper la reprise »

 

La société Husser Traiteur a été créée à Montpellier, en continuité de l’activité de restauration La Brasserie du Corum. Traiteur depuis 2006, l’année 2020 avait parfaitement bien débuté. « Malheureusement, tout s’est arrêté mi-mars », regrette Isabelle Husser, cogérante et cofondatrice de l’entreprise avec son mari.

« Au début de la Covid, franchement, on ne pensait pas que cela allait être aussi brutal. Puis les annulations sont tombées en cascade. On pensait recommencer tout doucement en juin-juillet pour remonter en septembre à 60 % à 70 % de notre activité, puis à 90 à 100 % en fin d’année. Aujourd’hui on nous parle de fin du printemps, voire plus tard. » Au manque de perspectives s’ajoute l’inquiétude de pouvoir ou non tenir. « Nous misions sur un chiffre d’affaires de 3 et 3,5 millions d’euros cette année ; nous ferons très péniblement 1 million d’euros. On pense aussi fortement aux salariés avec qui notre entreprise a grandi. Il y a un véritable savoir-faire qui pourrait disparaître. »

Avec une incidence en termes d’emplois : « Avant la période Covid, nous employions 20 salariés permanents et 60 à 100 extras ou intérimaires en fonction des besoins ». Aujourd’hui, l’entreprise sollicite ses collaborateurs en fonction des quelques missions qu’elle parvient à glaner. « Notre activité est quasiment à zéro. On prend les affaires au fur et à mesure… C’est au jour le jour. »

L’entreprise, implantée à Garosud Montpellier et qui rayonne sur un triangle grand Sud, de Toulouse à Valence et Marseille, fait l’essentiel de son chiffre d’affaires sur la région montpelliéraine. Sa clientèle est celle des entreprises, des congrès essentiellement montpelliérains, mais aussi événementielle, notamment pour les cocktails suivant les théâtres et les cinémas. « Habituellement, les mariages, activité importante pour nous, débutent en avril jusqu’à octobre. Cette année, nous avons pu en organiser quelques-uns en août et septembre, depuis tout a été reporté à 2021. Certains couples évoquent même 2022 et disent avoir peur de la pandémie. Je ne suis pas convaincue que le vaccin libère tout », s’inquiète Isabelle Husser.

« On vit un truc de fou »

« Je veux garder un discours positif, mais on vit un truc de fou ! » analyse Isabelle Husser. « Je ne peux pas dire que c’est ma vie qui bascule – car ma vie c’est ma famille –, mais il y a tellement d’investissement personnel dans une entreprise. Surtout lorsque l’on travaille en couple. L’entreprise est dans toutes nos discussions. On a mis des années à faire cette entreprise, et le plus angoissant est que son avenir ne dépend plus de nous ». Pour autant, « on ne décrochera pas », affirme-t-elle. Pour l’instant, les Husser s’adaptent à une situation qui ne dépend plus d’eux, sans date de reprise ni visibilité. « Les gros événements pour lesquels nous étions sollicités ne se relancent pas comme ça du jour au lendemain. C’est tout un écosystème qui doit se remettre en marche, en lien avec les hôtels, les taxis, les prestataires des salons et congrès professionnels… Il faudra certainement aussi remotiver certains salariés. » Si Isabelle Husser dit ne pas avoir encore pensé à arrêter son activité de traiteur, elle consent : « Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui les perspectives sont particulièrement sombres qu’il n’y a pas d’avenir. Nous faisons chiffrer des investissements potentiels dans du nouveau matériel pour nous diversifier ».

Rester positif et continuer à créer et inventer

Jusqu’aux dernières annonces gouvernementales, les Husser n’étaient pas concernés par le fonds de solidarité, mais cela a évolué en novembre avec l’élargissement du FDS… « En même temps, on n’est sûrs de rien. Nous avons fait appel au chômage partiel et souscrit un PGE – Prêt Garanti par l’Etat. La banque a d’ailleurs suivi sans problème », précise Isabelle Husser. Elle ajoute : « Il nous faut profiter de cette période pour expérimenter de nouveaux concepts, de nouvelles créations gastronomiques ». Elle songe même à une diversification en ajoutant une nouvelle branche d’activité à l’entreprise.

Sa société vient de lancer une nouvelle gamme dédiée aux entreprises. « Depuis une semaine, nous proposons une nouvelle offre aux chefs d’entreprise pour le mois de décembre : un plateau gastronomique de Noël. La commande peut être groupée, et nous avons mis en place un click and collect et la récupération devant nos locaux. » La combi by Husser avec entrée, plat, fromage et dessert, en deux versions poisson ou viande, est commercialisée au prix de 35 euros HT. Pour 5 euros HT supplémentaires, une bouteille de champagne est jointe. Soit un menu gastronomique hautement savoureux pour 40 euros HT. Husser Traiteur poursuit également les livraisons en entreprises de cocktails sur mesure, et propose son incroyable gamme de saumon fumé et de foie gras maison, dont la réputation n’est plus à faire. Parmi ses clients fidèles figure le Club de Handball de Montpellier, pour lequel « Nous avons mis en place un click and collect pour la livraison de plateaux, soit au club, soit devant nos locaux ».

Un repère pour les professionnels de l’événementiel

Traiteur Husser a également participé activement à la création de l’association Repère Méditerranée, présidée par Grégory Blanvillain. Celle-ci entend fédérer les acteurs de l’événementiel mis en grande difficulté par la Covid, dont les traiteurs événementiels (voir notre édition n° 3333 du 12 novembre 2020).

Côté doléances, outre la volonté d’exercer à nouveau pleinement son métier-passion, Isabelle Husser est en attente de mesures sérieuses, équitables et faisant appel au bon sens : « Nos entreprises ont tout de suite pris la mesure de l’ampleur de la crise sanitaire et mis en place les protocoles sanitaires, et nous avons formé nos salariés… En septembre, nous avons pu organiser des prestations pour un rassem­blement de plusieurs centaines de personnes validé par la préfecture, sans cluster déclaré ! Aujourd’hui, on maintient fermés les restaurants ou les remontées des stations de ski, mais les transports en commun se font sans jauge et certains lieux culturels clos vont accueillir du public. Et si j’aime la culture et qu’il faut la défendre, il faut être cohérent. En attendant un possible vaccin, la base du retour d’une économie forte viendra de la prise de conscience et de la responsabilité de tous et de chacun pour ne pas obérer l’avenir. Il en va de la survie de nos entreprises ».

Daniel CROCI

 


1Husser Traiteur
Tél : 04 67 02 03 04
facebook/hussertraiteur
Site : hussertraiteur.fr

 

2OBENTO by GERMAIN
Montpellier
Tél : 04 67 03 42 10
Site : obento-bygermain.fr

 

3CABIRON Traiteur
Montpellier
Tél : 04 67 65 48 02
Site : cabiron.com

 

4Domaine De L’ARGENTIERE
34290 Montblanc
Tél : 04 67 98 59 64
Site : domaine-argentiere.com/traiteur


 

Qu'en pensez-vous ?

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Depuis 1973, d’abord sous format magazine, puis via son site, Hérault Tribune informe le public des événements qui se produisent dans le grand Agathois, le Biterrois et le bassin de Thau.

Depuis 1895, l’Hérault Juridique & Economique traite l’économie, le droit et la culture dans son hebdomadaire papier, puis via son site Internet. Il contribue au développement sécurisé de l’économie locale en publiant les annonces légales.