Immobilier — Montpellier

Immobilier  : Alain Guiraudon (GGL), “Les questions posées au niveau national ont du sens, mais la nuance fait défaut”

Selon une étude de l'Ifop, 50 ans serait l’âge de l’épanouissement, de tous les possibles. Et ce n’est pas le groupe GGL qui dira le contraire ! Si le groupe montpelliérain ne souffle que 47 bougies en 2024, les projets vont bon train et les prochaines années s’annoncent charnières.

Car si la société fondée par Alain Guiraudon, Jacques Guipponi et Jean-Marc Leygues – les trois piliers et initiales de “GGL” – a écrit les premières années de son histoire en se focalisant sur les activités de maîtrise foncière dans l’immobilier, elle a rapidement pris le chemin de la diversification, poussée par un marché toujours plus contraint et des passions individuelles jamais oubliées. Pour en parler, nous avons rencontré l’un des principaux témoins de ces évolutions, Alain Guiraudon.

Quelle est votre analyse de la crise du marché de l’immobilier en France ? 

Alain Guiraudon : Le marché de l’immobilier traverse une période difficile en raison d’une crise géopolitique qui engendre de l’inflation et des hausses de taux. Mais tout n’est pas imputable à Poutine. Nous avons vécu 10 à 15 ans où l’argent était presque gratuit. Nous étions sur un plateau très haut, inflationniste, et ensuite nous avons enchaîné avec le Covid, l’Ukraine, Israël/Palestine… Il y a eu une rupture douloureuse ! Et en même temps, on nous dit : ‘plus de lois fiscales’. C’est extrêmement violent de combiner ces deux phénomènes. 

Faut-il arrêter de légiférer en la matière ? 

A.G : Les questions posées au niveau national ont du sens, par exemple il faut traiter le sujet du climat de manière abrupte, mais la nuance fait défaut alors que les problématiques varient. Quand elle est votée, la loi s’applique uniformément sur l’ensemble du territoire alors que nous devrions être capables d’être plus agiles. Pourquoi, lorsque une loi fiscale est votée, ne fixons-nous pas des limites aux pourcentages de réductions fiscales plutôt que d’imposer autant de contraintes ? Pourquoi ne donnons-nous pas aux élus locaux la capacité d’adapter rue par rue le type de logement qui bénéficiera de l’avantage fiscal ? Cette approche donnerait la possibilité d’adapter la sociologie des quartiers, de concevoir de véritables foyers pour les familles. Par exemple, si une école est menacée de fermeture suite à un manque d’élèves, on pourrait encourager la construction de logements spacieux pour les familles “en dopant” les avantages fiscaux. 

Quelles sont les difficultés posées par la législation actuelle ?

A.G : Le problème de la loi fiscale est qu’elle industrialise les processus, ce qui fait que le promoteur ne se demande plus pourquoi il construit des bâtiments. Il coule du béton, il fabrique du logement, il vend un produit financier. Or, ce n’est pas un produit comme un autre, vous construisez un lieu dans lequel des familles vont vivre. Lorsque vous ne pensez qu’à la fiscalité et à la rentabilité – des notions absolument nécessaires par ailleurs – vous négligez l’aspect social, et c’est une erreur. Par exemple, dire que la construction de logements sociaux doit coûter moins chère ne doit pas forcément être vrai. Certaines administrations nous ont quand même demandé pourquoi nous faisions des logements sociaux si beaux ? Eh bien, pourquoi pas ! Cela montre que la bêtise ne provient pas seulement des acteurs privés.

Selon vous, comment les promoteurs/aménageurs devraient réagir ?

A.G : La grande erreur des promoteurs est d’adopter une vision à court terme. Leur cycle idéal est de 3 ans, tandis que pour nous, les aménageurs, il est de 20 ans. Lorsque vous planifiez sur une telle échelle, vous travaillez avec des élus, des urbanistes, des architectes, des propriétaires. Vous savez que sur une telle période, vous rencontrerez inévitablement des difficultés, même si vous faites tout pour les éviter. En étant honnêtes les uns envers les autres, nous pouvons y faire face ensemble. C’est un peu caricatural, mais je dis souvent qu’il faut cultiver une relation de confiance, de sorte que lorsque vous me critiquez, je puisse l’entendre, et inversement. Il faut entretenir un mariage d’au moins 20 ans, et ça repose sur un respect mutuel.

Un changement d’attitude donc, mais pour l’instant pas de réponses concrètes… 

A.G : Tout le monde cherche. On nous disait qu’il fallait densifier les grandes villes, maintenant on nous dit qu’il faut valoriser les villes moyennes. On nous vend des slogans comme “la ville du quart d’heure” alors que ça n’existe pas. Je suis irrité par tous ces slogans simplistes. Et puis, il faut accepter que les projets de cette nature divisent. Quelle que soit la ville, il y a un attachement et un sentiment, liés à une image et à la nature, que les natifs revendiquent et que les nouveaux arrivants n’ont pas. Il y a une nostalgie du regard qui mérite toujours réflexion. Quant à ceux qui prétendent détenir des vérités sur l’urbanisation, je suis content pour eux, mais j’aimerais bien les croiser.

Que répondez-vous à ceux qui accusent les professionnels d’être sans foi ni loi ? 

A.G : Notre objectif est de concevoir des projets dont la première priorité – et je le dis sans ambiguïté – est de faire des bénéfices, comme toute entreprise. La question n’est pas de savoir si nous faisons de l’argent, mais pourquoi et comment. Nous n’agissons pas comme des bouchers, à l’image du baron Haussmann à Paris qui a effacé tout ce qu’il souhaitait du paysage, y compris les gens, pour parvenir à l’architecture emblématique de la Ville lumière. C’était tout sauf démocratique à l’époque, il a redessiné Paris à sa guise, en remodelant une grande partie de la ville de manière autoritaire. Aujourd’hui, c’est ni possible ni à faire.

Est-ce que vous avez l’impression d’être entendu ?

A.G : Si nous venions à mourir demain à cause de la crise, personne ne pleurera sur les promoteurs, c’est le jeu. Pour beaucoup, tout ce qu’on dit est suspect. Alors oui, j’ai un parti pris, une activité à défendre, mais cela ne signifie pas que tout ce que je dis est sujet à caution. Il faut apprendre la nuance. De nos jours, lorsque l’on me dit que je ne suis pas légitime pour m’exprimer sur ces sujets politiques, c’est vexant car nous avons un cadre juridique extrêmement contraignant, avec peu de marge de manœuvre, et un enjeu qui est majeur : loger les gens, riches comme pauvres. Il ne s’agit pas d’héberger 20 personnes, nous faisons de la macro, de la politique. Si je veux construire un immeuble et le vendre, je suis obligé de m’inscrire dans le contexte national et local du marché, de respecter la réglementation et ses contraintes.

Est-ce pour cela que vous avez rapidement choisi de diversifier vos activités ? 

A.G : Nous avons investi dans l’agriculture, la médecine, la culture, par passion et opportunité certes, mais surtout parce que notre métier est l’urbanisme. Que ce soit par le biais de structures comme Seclem GGL Santé, qui porte notamment le projet de création d’hôtels hospitaliers, ou de dossiers comme Pics Studio, nous apportons notre point de vue sur la politique de la ville. Nous avons estimé qu’il était essentiel de nous impliquer dans ces domaines, qui sont fondamentaux, qui représentent le cœur battant de nos sociétés, les passions humaines qui façonnent la ville. 

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