Droit — France

Le procès historique des attentats du 13 novembre 2015

Après un travail colossal au service de la vérité mené par les juges de la galerie Saint-Eloi, l’affaire est désormais confiée aux cinq magistrats professionnels de la Cour d’assises spéciale.

Le procès des attentats du 13 novembre 2015 est marqué par l’absence de jury populaire. La Cour d’assises, spécialement composée, est présidée par Jean-Louis Périès. Les audiences se déroulent dans le Palais de justice à Paris, situé sur l’île de la Cité. Une salle d’audience a spécialement été conçue pour accueillir ce procès tant attendu.

Ce n’est pas tout. Quatorze autres salles supplémentaires permettent de le retransmettre pour les nombreuses parties civiles. Une webradio sécurisée est mise en place afin que les victimes qui ne peuvent ou ne désirent pas se rendre sur place assistent au procès à distance.

ILes attentats du 13 novembre 2015 sont les plus importants jamais commis sur le territoire de la France, faisant 131 morts, plus de 350 blessés et causant de nombreux traumatismes. A l’instar de ceux des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, ce procès est filmé. Il s’agit du treizième procès filmé en France conformément à la loi Badinter du 11 juillet 1985 autorisant l’enregistrement audiovisuel ou sonore de certaines audiences publiques pour la constitution d’archives historiques de la Justice. Les bandes-vidéos ne pourront être diffusées librement qu’après un délai de cinquante ans.

Une phase d’instruction fastidieuse

La phase d’instruction dura à peine moins de cinq ans. Une dizaine de jours après les faits, six juges chargés de l’instruction des dossiers antiterroristes furent saisis. La gravité de ces attaques était telle que leur vie professionnelle et familiale ne pouvait qu’être perturbée. L’arrestation du seul survivant des attaques de Paris, Salah Abdeslam, en Belgique, le 19 mars 2016, enclencha le compte à rebours. Les juges de la galerie Saint-Eloi ne disposaient plus que de quatre ans, du fait des délais maximum de détention provisoire, pour oeuvrer à la manifestation de la vérité. S’étant réjouis des avancées de l’enquête, ces derniers ont néanmoins passé une année 2016 difficile. En effet, ils étaient confrontés à la douleur viscérale des victimes.

Puis, se sont hélas enchainés d’autres attentats : le double assassinat de policiers à Magnanville le 13 juin, l’attaque au camion-bélier à Nice le 14 juillet lorsque tous se pressaient sur la promenade des Anglais ou encore l’assassinat du père Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray le 26 juillet. Dans le même temps, les perquisitions administratives concernant les individus fichés pour radicalisme se sont multipliées. Ce n’est qu’à la veille du premier confinement que les juges d’instruction ont signé l’ordonnance de mise en accusation ; confiant ainsi l’affaire aux juges de la Cour d’assises spéciale. Le président de la Cour, Jean-Louis Périès, a pris plus d’un an pour éplucher le volumineux dossier d’instruction comportant 542 tomes.

Un procès inédit dans la durée

Plus de 145 jours d’audience sont prévus. Le mercredi 8 septembre 2021 a marqué l’ouverture du procès qui doit, en théorie, prendre fin le 25 mai 2022. Après l’énonciation du déroulement des faits, des attaques, du rôle de chacun, auront lieu l’audition des parties civiles et celle des accusés. « Notre cour d’assises a pour fonction d’examiner les charges à l’encontre de chacun des accusés et d’en tirer toutes les conséquences sur le plan pénal après avoir entendu les paroles de chacun. (…) Il faut garder ce cap, de façon à maintenir la justice dans sa dignité », rappela le président de la Cour face à l’ampleur de cette affaire.

Vingt personnes sur le banc des accusés

Salah Abdeslam, Mohamed Abrini, Mohammed Amri, Hamza Attou, Yassine Atar, Sofien Ayari, Osama Krayem, Mohamed Bakkali, Abdellah Chouaa, Ali El Haddad Asufi, Adel Haddadi, Muhammad Usman, Farid Kharkhach, Ali Oulkadi, Oussama Atar, Ahmad Alkhald, Fabien Clain, Jean-Michel Clain, Ahmed Dahmani, Obeida Aref Dibo. Vingt noms, vingt personnes sur le banc des accusés.

Seulement quatorze d’entre elles sont pourtant présentes lors du procès. Onze détenus se trouvent dans le box des accusés et trois autres paraissent en comparution libre. Ils sont onze accusés à risquer la réclusion criminelle à perpétuité. Les six autres seront jugés par défaut. Ce sera notamment le cas d’Oussama Atar, considéré comme l’un des responsables de la branche de renseignement du groupe Etat Islamique et soupçonné d’avoir coordonné ces attaques terroristes depuis la Syrie. Il aurait été tué par une frappe occidentale en zone irako-syrienne en novembre 2017.

Parmi les onze accusés qui prennent place dans le box, figure le seul membre encore en vie des attaques de Paris, Salah Abdeslam. Cet homme de 31 ans fait partie du groupe qui a attaqué les terrasses dans l’Est de Paris. Pendant qu’il décidait d’abandonner sa ceinture explosive, son frère Brahim Abdeslam une opération kamikaze au Comptoir Voltaire. Plusieurs interrogations gravitent autour de Salah Abdeslam. Pourquoi n’a-t-il pas actionné sa ceinture explosive le soir du 13 novembre ? De même, le communiqué du groupe Etat Islamique revendiquait les attentats du Bataclan, du Stade de France, des terrasses ainsi que ceux du dix-huitième arrondissement de Paris. Or, aucun attentat n’a eu lieu dans cet arrondissement. C’est pourtant à cet endroit-là que la voiture de Salah Abdeslam a été retrouvée. Pourquoi sa voiture stationnait-elle dans le dix-huitième ? Quel attentat y était prévu ? Après une fouille du véhicule, un papier mentionnant divers lieux a été découvert « Place de la République, Bd Saint Martin, Stade de France, Aéroport Charles de Gaulle. » S’agissait-il d’une liste de lieux envisagés pour la commission d’autres attentats ? L’achat massif de matériels ne semble pas éluder cette question. Salah Abdeslam sera-til aussi volubile qu’au commencement des audiences lorsque ces questions se poseront ? Ou ce dernier sera-t-il de nouveau atteint de mutisme ?

L’appel des parties civiles et le temps étiré

Toutefois, avant de trouver une réponse à ces questions, le procès commence par l’appel des parties civiles. Proportionnel au nombre de parties civiles, l’appel nécessite de nombreuses heures d’audience. Près de 1800 personnes se sont constituées parties civiles et plus de 330 avocats doivent être présents.

Lors de l’appel des parties civiles, s’est posée la question de la recevabilité de celles des personnes morales comme le Bataclan ou la ville de Paris et celle de Saint-Denis. En effet, le ministère public s’interrogeait quant à la légitimité de la salle de spectacle de se constituer partie civile. Une salle qui a pourtant été le théâtre d’une scène de guerre… « Une aberration » s’insurge Mme Burguburu, avocate de la société d’exploitation des spectacles Bataclan, qui ne manque pas de souligner que le journal Charlie Hebdo s’était, de droit, constitué partie civile lors du procès des attentats de janvier 2015. Finalement, cette question sera débattue le 4 octobre.

Une lecture des faits réveillant la douleur et la peine

Dans une ambiance lourde et cérémonieuse, la lecture du rapport détaillant les diverses preuves établies par les enquêteurs et des faits reprochés au vingt accusés a été faite. L’énumération chronologique des faits, suivie du nom des victimes replonge probablement chacun dans le spectre de cette nuit d’horreur. Certains préférèrent sortir tandis que d’autres ne peuvent retenir leurs larmes. « On ne pourra pas faire l’économie de l’expression de la douleur. Ce qui est important, c’est de ne pas perdre le sens du procès. » avait affirmé Christian Saint-Palais, Président de l’Association des avocats pénalistes. 

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