Montpellier, art : Olympe Racana-Weiler marie exubérance et tension à la Fondation GGL
Olympe Racana-Weiler avait magnifiquement transformé le boudoir de l'Hôtel Richer de Belleval en un espace pictural immersif et enveloppant. Elle revient à la Fondation GGL avec l'exposition "Journal" confrontant ses peintures abstraites à ses gravures fortement figuratives…
Une œuvre pérenne in situ
L’artiste peintre Olympe Racana-Weiler avait abandonné la représentation de l’être humain à la suite d’un deuil. Lors du confinement de 2021, invitée par Numa Hambursin à investir le boudoir de l’hôtel Richer de Belleval pour la Fondation GGL, elle avait réalisé une œuvre abstraite, immersive, intitulée Le Chant de la Sibylle, dans le boudoir du futur hôtel de luxe. Durant un mois, elle avait développé son œuvre à même les murs, autour d’une forme ovale qu’elle avait inscrite au plafond. Laissant libre cours à leur imaginaire, les visiteurs s’amusent bien souvent à distinguer des formes dans cette pièce où s’exprime la jubilation de la peinture et de la matière. Certains voient une jungle, d’autres un paysage sous-marin dans les méandres colorés qui parcourent les murs et le plafond.
Un va-et-vient entre abstraction et figuration
Après cette création in situ, une suite de visages lui est venue soudainement à travers une série de dessins, la faisant renouer avec la figuration. Dans la foulée, elle a réalisé une série de gravures sur bois en grand format représentant des visages qui occupent toute la surface. Dans l’exposition Journal, le directeur artistique de la Fondation GGL, Richard Leydier, confronte les grandes peintures abstraites d’Olympe Racana-Weiler et ses gravures sur bois, montrant ainsi deux pans de sa création, le troisième, très récent, étant la sculpture. “Mes techniques de travail se nourrissent les unes les autres et font écho les unes aux autres”, estime-t-elle.
Un jeu de contrastes
En entrant dans l’espace réservé à l’exposition temporaire, on est frappé par le contraste entre les deux types d’œuvres présentées dans ce Journal de bord. D’un côté la puissance de la couleur développée en toute liberté sur la toile – “J’essaie d’aller au plus loin de la présence de la couleur, car elle nous bouleverse”, révèle l’artiste – de l’autre la force du noir et blanc, et à chaque fois des gestes très différents d’une technique à l’autre. Un point commun cependant, la totale liberté avec laquelle elle libère la peinture et lâche le trait…
Ses visages “occupent” les gravures sur bois, mais ne racontent volontairement aucune histoire ; “ils sont l’image absolue de l’humanité”. “Une présence émerge et nous regarde, révélant mon désir de dire que je suis là. C’est une figure de l’obscur qui se révèle“, résume Olympe Racana-Weiler. On ne peut faire autrement que regarder en retour ces visages omniprésents cernés de traits noirs bruts et soulignés par les couleurs fortes que sont le rouge et le jaune. Nul besoin de chercher l’identité du modèle qui l’a inspirée pour ses visages, car il n’y en a pas. “La matière et le dessin du bois m’inspirent les visages”, analyse l’artiste.
Laisser des traces
Si on ne voit pas de visages dans ses peintures colorées, c’est sans doute parce qu’ils sont enfouis sous le geste pictural et les jeux de matière. Mais le “je” n’est jamais loin. “Le visage est une des portes du vivant, la matière en est une autre”, assure l’artiste, qui manie les couleurs avec délectation, laissant des traces du processus créateur au sein de la matière, épaisse, de ses tableaux.
Un autre processus de trace est à l’œuvre, mais dans ses gravures, via les traces qu’elle forme sur le bois à l’aide d’outils. Le bois qui, par ses nœuds, ses veines, l’inspire, et sur lequel elle crée dans un travail proche de la méditation, durant parfois une soixantaine d’heures. “J’aime cette écriture, cette surface, la tendreté du bois, son côté vivant.” A la solitude de l’atelier répond le besoin de l’artiste de rencontrer des artisans dans leurs ateliers, pour faire œuvre commune. Une fois la matrice créée, l’œuvre est réimprimable à loisir par les imprimeurs qu’elle a soigneusement sélectionnés.
“Dans l’ensemble de trois gravures en noir et blanc présenté, je décèle presque l’ossature d’une toile”, commente le commissaire de l’exposition, Richard Leydier. Une impression confirmée par Olympe Racana-Weiler, qui explique : “sur le bois, je grave le premier geste que j’effectue habituellement sur la toile”. D’où le fameux visage qui finit par disparaître sous la peinture et que l’on pensait avoir décelé, notamment dans le tableau présenté dans la première salle. Celui-ci porte le nom de Foreign Language. Il reflète un “langage intérieur, du ciel et de la terre. C’est un environnement tout entier, une mise à nu de la peinture” selon elle.
Informations pratiques
Exposition visible jusqu’au 9 septembre 2023 à la Fondation GGL, place de la Canourgue, à Montpellier. Visites guidées du mardi au samedi de 15h à 18h sur réservation sur place et sur www.fondation-ggl.com, visites libres de 14h à 15h les mêmes jours.
La visite guidée permet de découvrir l’histoire et la rénovation de l’hôtel particulier Richer de Belleval, les œuvres pérennes signées par de grands noms de l’art contemporain dont Olympe Racana-Weiler, et l’exposition temporaire Journal.