Mur de Pérols : fresque de Mathieu Lucas “souvenirs de vacances”, ceux qu’on emporte et ceux qu’on laisse
Fidèle à son engagement de laisser carte blanche à un ou une artiste tous les trois mois, la mairie de Pérols a dévoilé ce vendredi 10 juin la fresque écologiste mais pas moraliste de Mathieu Lucas.
Dorel Plantier, Mathieu Lucas, Jean-Pierre Rico devant le Mur de Pérols © Mathieu Weisbuch
Sur 40 mètres de long, l’artiste a représenté des déchets plastiques flottant sur la mer. La surface de l’eau mouvante les disperse laissant apparaître en trompe-l’œil le titre de l’œuvre : Souvenirs de vacances. Au bout de cette guirlande de micro-plastiques, un homme en combinaison de spationaute, penché à l’extérieur d’un canot de sauvetage rouge vif, tient un mince filet de pêche à bout de bras. Constat désarmant, impuissance ou sursaut de la conscience humaine… l’œuvre ne juge pas les hommes mais décrit un état des choses.
Souvenirs, souvenirs
“C’est une fresque estivale, annonce Mathieu Lucas, il me semblait intéressant de mettre en relation le souvenir des vacances et les déchets qu’on créent à cette période.” L’œuvre contient une touche d’ironie qui joue sur nos contradictions : en été, nous profitons d’un cadre magnifique tout en le dégradant, mais jusqu’à quand ? L’artiste répond en représentant des personnages sans visage, identifiables uniquement par la combinaison qu’ils portent invariablement dans son œuvre. Ils sont à la fois les hommes qui impactent l’environnement et ceux qui, vêtus comme des explorateurs ou des désinfecteurs d’un film dystopique, redécouvrent cet environnement dégradé. Il y a le sentiment de l’avant et de l’après. N’est-ce pas l’une des caractéristiques des vacances, dont les souvenirs qu’on en rapporte comptent parfois autant que les moments qu’ils ont nourris ?
“Je suis concerné”
Mais il y a aussi les souvenirs qu’on laisse derrière soi et c’est d’eux qu’il est question dans la nouvelle fresque du Mur de Pérols. “Cette combinaison est faite pour que chacun puisse s’identifier. Cela évite le côté moralisateur, confie Mathieu Lucas. Je suis concerné, ‘engagé’ c’est un grand mot. J’ai toujours été concerné par ce qui se passe, la pollution, le réchauffement climatique. Et je trouve que la prise de conscience tarde à venir. J’utilise l’art comme un prisme pour en parler. Je ne donne pas de leçon aux gens.” L’artiste compose habituellement ses œuvres en allant à la pêche aux déchets micro-plastique “du côté des étangs de Pérols, aux 4 canaux, plus particulièrement”, confie Mathieu Lucas. “J’ai schématisé ma démarche en utilisant de la peinture de récupération mais aussi des pots neufs”, ajoute l’artiste. En passant en voiture le long du Mur de Pérols, les conducteurs sont séduits par ce fond bleu teinté de vert, mais sont accueillis par un message qui tranche. “J’attire l’œil pour amener vers un propos un peu dur”, suggère Mathieu Lucas.
Pérols une ville parée d’art
Le maire de Pérols, Jean-Pierre Rico, se félicite de l’engagement tenu auprès des artistes. Ils gardent carte blanche. “Mais, rappelle le maire, dans le cadre de la liberté d’expression excluant toute incitation à la haine, au racisme, à la discrimination…” Ce 27e Mur de Pérols sera-t-il un succès ? Jean-Pierre Rico répond sourire aux lèvres : “beaucoup d’administrés ont mon numéro de téléphone. Lorsque je reçois beaucoup d’appels, c’est que la fresque plaît, dans le cas contraire, c’est que les habitants n’y ont pas été sensibles”. Interrogé sur la place grandissante que l’art prend dans l’identité de la ville, le maire de Pérols nous répond avec enthousiasme : “Il y a le Mur de Pérols, seule une dizaine de villes mettent un lieu de ce type à disposition d’artistes pour des œuvres éphémères. Il y a aussi la cave coopérative avec cette fresque magnifique et nous travaillons sur un nouveau projet avec Enedis et la Métropole. Ces dernières ont renégocié récemment le contrat de concession de distribution d’électricité. Pérols fait partie des 7 villes à en bénéficier. Au cours des rencontres avec Enedis, nous avons étudié l’idée d’un cheminement artistique à travers la ville dont les étapes pourraient être les 54 postes de transformations qui seraient chacun confiés à des artistes différents pour des œuvres pérennes. De nombreux éléments liés à la sécurité sont à l’étude pour faire avancer ce projet.”
Une sculpture de 6,5 mètres
Bras tendu en direction de l’entrée de la ville, le maire Jean-Pierre Rico dévoile un scoop : la sculpture d’un taureau sera inaugurée le 8 août prochain à 800 mètres à vol d’oiseau du Mur de Pérols. Elle sera érigée sur un talus. C’est l’œuvre d’un ferronnier. Elle sera un trait d’union entre les traditions et l’histoire de Pérols et le pari pris par la municipalité de jalonner la ville d’œuvres d’art, qui seront comme des points de repère et les étapes du circuit artistique en train de se faire.