Ordonnances travail : rupture conventionnelle ou licenciement économique ?

La réforme du Code du travail encadre désormais juridiquement les plans de départs volontaires. Elle crée un système de «rupture conventionnelle collective» (ainsi nommée par le gouvernement) qui emprunte à la fois à la rupture conventionnelle et aux licenciements économiques prononcés dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Ce que doit prévoir l’accord

Selon l’article L 1237-17 du Code du travail, un accord collectif portant rupture conventionnelle collective peut définir les conditions et modalités de la rupture d’un commun accord du contrat de travail qui lie l’employeur et le salarié. Ces ruptures, exclusives du licenciement ou de la démission, ne peuvent être imposées par l’une ou l’autre des parties.

L’accord collectif détermine le contenu de la rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés, en termes de suppression d’emplois. L’administration est informée sans délai de l’ouverture d’une négociation en vue de l’accord.

L’accord portant rupture conventionnelle collective détermine :

– les modalités et conditions d’information du Comité social et économique (CSE, né de la fusion des instances représentatives du personnel),

– le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées, et la durée de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective,

– les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier,

– les critères de départage entre les volontaires au départ,

– les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement,

– les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif,

– des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés,

– les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord,

L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle collective emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties.

Attention ! La rupture d’un commun accord dans le cadre de la rupture conventionnelle collective est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail pour les salariés protégés. Dans ce cas la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l’autorisation.

Transmission à l’administration

L’accord collectif est ensuite transmis à l’autorité administrative pour validation. Celle-ci s’assure de sa conformité (suivant les dispositions de l’article L. 1237-19 du code du Travail), du contenu des mesures et de la régularité de la procédure d’information du CSE. L’autorité administrative compétente est celle du lieu où l’entreprise ou l’établissement concerné par le projet de plan de départs volontaires est établi. Si le projet d’accord porte sur des établissements relevant de la compétence d’autorités différentes, le ministre du Travail désigne l’autorité compétente.

Attention ! l’autorité administrative notifie à l’employeur la décision de validation dans un délai de 15 jours à compter de la réception de l’accord collectif, et, dans les mêmes délais, au CSE et aux organisations syndicales représentatives signataires. Sa décision doit être motivée. Le silence gardé pendant le délai prévu vaut décision de validation. Dans ce cas, l’employeur transmet une copie de la demande de validation, accompagnée de son accusé de réception par l’administration, au CSE et aux organisations syndicales représentatives signataires.
La décision de validation et les voies et délais de recours sont portés à la connaissance des salariés par voie d’affichage sur leurs lieux de travail ou tout autre moyen permettant de conférer date certaine à cette information. En cas de refus de validation, l’employeur, s’il souhaite reprendre son projet, peut présenter une nouvelle demande après y avoir apporté les modifications nécessaires et informé le CSE.

Suivi de l’accord

Le suivi de la mise en œuvre de l’accord portant rupture conventionnelle collective fait l’objet d’une consultation régulière et détaillée du CSE dont les avis sont transmis à l’autorité administrative. Associée au suivi de ces mesures, elle doit recevoir un bilan, établi par l’employeur, de la mise en œuvre de l’accord.

Attention ! L’entreprise est tenue de contribuer à des actions de revitalisation du bassin d’emploi lorsque les suppressions d’emploi résultant de l’accord affectent, par leur ampleur, l’équilibre du ou des bassins d’emploi dans lesquels elle est implantée.

Contestations

Les recours contre la décision de validation de l’accord sont portés devant le tribunal administratif à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, dans un délai de deux mois par l’employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d’homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à partir de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance. Le tribunal administratif statue dans les trois mois. Si, à l’issue de ce délai, il ne s’est pas prononcé ou en cas d’appel, le litige est porté devant la cour administrative d’appel, qui statue dans le même délai. Si, au terme de ce délai, elle ne s’est pas prononcée ou en cas de pourvoi en Cassation, le litige est porté devant le Conseil d’Etat.

Toute autre contestation portant sur la rupture du contrat doit être formée, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de 12 mois à compter de la date de la rupture du contrat de travail.

Régime fiscal et social de l’indemnité versée

Les indemnités dues au salarié ne peuvent être inférieures aux indemnités légales de licenciement. Il peut en outre bénéficier de l’assurance chômage.

 

A noter et à suivre. On notera avec intérêt que ce mode de rupture, désormais encadré, trouve sa place au chapitre du Code du travail consacré aux «autres cas de rupture», et non à celui relatif au licenciement économique. En clair, cela signifie que cette rupture conventionnelle collective n’est pas subordonnée à l’existence d’un motif économique de licenciement. Attention ! Il conviendra d’être attentif aux premières décisions qui seront rendues par l’administration ! En effet, jusqu’à présent celle-ci ne se montrait pas trop sourcilleuse en cas de demande d’homologation de plusieurs ruptures conventionnelles. Désormais, ne risque t-elle pas de rejeter ces demandes en invoquant le fait qu’il s’agit pratiquement de ruptures conventionnelles collectives ?

 

François TAQUET, avocat,
spécialiste en droit du travail et protection sociale

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