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Urbanisme, métropole de Montpellier, l'interview exclusive de Coralie Mantion : « Je dis oui aux maires recycleurs »

Coralie Mantion, vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole, déléguée à l’aménagement durable du territoire, à l’urbanisme et à la maîtrise foncière, livre à l’HJE sa vision des enjeux actuels concernant ses domaines d’intervention. Une vision écologique de la ville et de la métropole.

HJE : De sensibilité écologiste, en tant que décideuse, comment concilier environnement et construction dans la ville et la métropole ?

Coralie Mantion : «En matière de planification territoriale, nous avons un objectif de zéro artificialisation nette des sols. A l’heure de l’urgence climatique et à l’aune du Covid-19, on a vu l’importance de préserver nos terres agricoles pour avoir une alimentation locale. Dans ces conditions, comment continuer à accueillir ces nouveaux arrivants sur la métropole de Montpellier ? En reconstruisant la ville sur la ville, en « recyclant » le territoire, en quelque sorte.”

“Cela a déjà été un peu fait à Montpellier, notamment sur le site de l’EAI. Cela va devoir être poursuivi pour préserver toutes ces terres agricoles que nous avons à Montpellier et sur toute la métropole. Nous arriverons à zéro artificialisation des sols si on travaille au niveau de la métropole et même au-delà, au niveau du département. Il serait compliqué de le faire uniquement au niveau du territoire de la métropole. C’est de cette façon que nous allons concilier écologie et construction.»

HJE : Quelles sont vos ambitions concernant la révision des documents d’urbanisme SCOT et PLUI ?

Coralie Mantion : «Dans le PLUI, afin d’éviter les îlots de chaleur en ville et pour aider les habitants à respirer, nous allons mettre en place une règle de 50 % d’espaces de pleine terre minimum sur chaque parcelle, en dehors évidemment du centre-ville et des faubourgs. Nous nous sommes retrouvés avec des territoires trop densifiés et invivables pour les habitants. Il est important pour nous de refaire entrer la nature en ville : il faut ces espaces de respiration en ville. Cela ne nous gêne pas de monter un peu plus en hauteur, en fonction des quartiers. Nous ciblerons, avec les services, les territoires où l’on accepte de densifier.”

“Ce sera un travail de fourmi. Il y a des zones pavillonnaires qui resteront des zones pavillonnaires. Il faut bien garder les pieds sur terre, être cohérents. Selon nous, ce n’est pas gênant que les résidences prennent un peu plus de hauteur. Nous verrons au cas par cas quelle hauteur on accepte. Nous préférons cela au fait que les résidences empiètent sur l’espace, car nous voulons conserver au maximum des terres perméables. L’imperméabilisation des sols entraîne le ruissellement et les inondations. Il faut que le sol puisse absorber les eaux de pluie.”

Nous allons également demander un retrait de 5 mètres des bâtiments par rapport à la voirie, pour que des plantations puissent y être effectuées.

coralie mantion urbanisme metropole montpellier interview“Arborer les rues permet de faire baisser la température dans les villes. Actuellement, à Montpellier et dans la métropole, bien souvent, des problèmes de réseaux empêchent de végétaliser les rues.”

“Le PLUI sera effectif en 2023, car auparavant, nous allons consulter les habitants, il y aura l’enquête publique. Entre-temps, il y aura évidemment des modifications de PLU, commune par commune, car certaines modifications ne peuvent pas attendre. Le SCOT ne viendra qu’après. Il ne sera pas fait à l’échelle de la métropole de Montpellier comme actuellement, car cela n’a pas de sens d’avoir un SCOT sur le même périmètre que le PLUI. Le futur SCOT sera un SCOT inter-EPCI, avec notamment le Pays de l’Or, le Pic Saint-Loup, etc. Il recouvrira tout le bassin de vie de Montpellier.”

“C’est important. Prenons l’exemple du centre commercial Oxylane, aux portes de Montpellier. Il ne se trouve pas sur notre métropole, et pourtant, il attirera des habitants de Montpellier, aura une influence sur la consommation à Montpellier, et risque de nuire au commerce de centre-ville. Nous n’avons malheureusement pas de pouvoir de décision. Si nous nous dotons d’un SCOT plus large qui prend en compte tout le bassin de vie de Montpellier, nous pourrons vraiment planifier, structurer et donner une cohérence au territoire. Cela signifie créer un dialogue avec les autres intercommunalités et travailler vraiment ensemble pour aller tous dans le même sens.»

HJE : Toutes les communes sont-elles prêtes à modifier leurs conditions d’urbanisme ?

Coralie Mantion : «Je fais actuellement le tour des maires. Ils se sont tous rendu compte de l’urgence climatique et que l’on ne peut plus faire de l’étalement urbain. Un chiffre frappant : en quarante ans, il y a eu une augmentation de 70 % d’imperméabilisation des sols en France, alors que la population n’a augmenté que de 19 %. C’est bien le signe que pendant quarante ans, on a construit différemment d’avant. Nous devons donc revenir à la manière d’habiter et de construire et recycler nos territoires. Il faut faire muter les zones commerciales aux entrées de villes ; créer de la mixité fonctionnelle dans nos villes. C’est ainsi que nous pourrons préserver nos terres agricoles et nos espaces naturels.»

« Je dis non aux maires bâtisseurs, oui aux maires recycleurs »

 

HJE : Le prix du foncier est un problème crucial. Comment pouvez-vous agir par rapport à ça ?

Coralie Mantion : «En préemptant, en créant des zones d’aménagement différé (ZAD). Nous allons…

 

L’intégralité de cette interview est à lire en section Abonné. Elle sera téléchargeable gratuitement sur notre stand HJE #online, sur le Salon de l’Immobilier #online de Montpellier, dès son ouverture demain 25 septembre à 10h !

…en faire une à Clapiers, sur l’un des derniers territoires entre Jacou et Clapiers qui soit en friche. Evidemment, les promoteurs sont très intéressés. Nous allons donc créer une Zone d’Aménagement Différé pour pouvoir préempter plus facilement et limiter la spéculation foncière.»

HJE : La maîtrise foncière est un grand enjeu. Le rôle de la SERM va-t-il être renforcé, ou un nouvel outil de maîtrise foncière sera-t-il créé ?

Coralie Mantion : «Nous disposons des bons outils avec la SERM et l’EPF. L’EPF veut d’ailleurs nous aider à procéder à la mutation des territoires, notamment concernant les zones commerciales.»

HJE : Pensez-vous possible de créer suffisamment de logements pour répondre à la pression démographique ?

Coralie Mantion : «A vrai dire, nous voulons d’abord faire un audit sur les logements vacants, car nous ne disposons pas de chiffres précis en la matière. Il y en aurait entre 6 000 et 12 000. Cela va du simple au double. Il est important de récupérer ces logements vacants. Souvent, les propriétaires ne savent pas trop comment faire. C’est pour nous un travail de fond : appeler chaque personne une par une afin de savoir pourquoi ce logement est vacant, voir si on peut le remettre sur le marché…»

HJE : Le logement abordable va-t-il bénéficier d’une action particulière ?

Coralie Mantion : «Je mets un bémol sur certains dispositifs de logement abordable. Si l’on parle des loyers conventionnés, qui sont dans le diffus, avec des propriétaires bailleurs, des particuliers, je dis oui, car cela permet d’avoir une vraie mixité sociale dans le diffus. Il faut donc favoriser cela. Il faut favoriser les outils comme l’Anah, aidant les propriétaires à rénover les logements dans l’ancien en contrepartie d’un loyer conventionné. Il faut encourager cela car cela permet, en plus, de faire baisser la facture énergétique pour ces foyers modestes.”

“Par contre concernant l’accession à la propriété, je mets un bémol. Par exemple, dans le quartier Cévennes. Il n’a que de la copropriété dans ce quartier, avec des foyers modestes, voire très modestes, et qui n’auront sans doute pas les moyens de payer les charges. Ce que je crains dans ce dispositif, c’est que, certes on les aide à acheter, mais dans la durée, les copropriétaires peuvent avoir du mal à payer des travaux dans la copropriété.”

“J’attends de voir dans la durée. Dans vingt ou trente ans, dans quel état seront ces résidences ? Seront-elles en bon état ? Les propriétaires auront-ils eu les moyens de maintenir leur copropriété en bon état ? Ou faudra-t-il que les pouvoirs publics réinvestissent dans ces bâtiments pour pouvoir les maintenir ?»

Nous allons mettre un autre élément important dans le PLUI : la servitude de grands logements

HJE : Envisagez-vous des alternatives ?

Coralie Mantion : «D’autres moyens permettent à toute personne d’avoir un logement décent. D’abord l’encadrement des loyers. Mardi, nous voterons pour faire une demande d’expérimentation sur le territoire de Montpellier pour l’encadrement. C’est un levier auquel je crois.”

“Et aussi l’habitat participatif. Des bailleurs sociaux peuvent s’intégrer dans ce type de projet. C’est intéressant parce que c’est le groupe d’habitants qui s’est constitué pour faire ce projet qui emprunte auprès de la banque. La banque n’examine pas les dossiers individu par individu, mais de façon groupée. Cela permet à des personnes n’ayant pas de gros revenus d’accéder à la propriété. L’habitat participatif est un outil en lequel je crois. Il y en a un qui se construit à Prades-le-Lez. Ils font l’appel d’offres pour les entreprises. Ce bâtiment disposera d’une dizaine de logements ; 60 % concernent les personnes ciblées, les 40 % restants étant réservés à un bailleur social, qui louera les logements. Les personnes qui ont un projet d’habitat participatif ont du mal à trouver du foncier. Notre idée est de cibler des parcelles dans les ZAC pour l’habitat participatif.”

“Nous allons mettre un autre élément important dans le PLUI : la servitude de grands logements, alors qu’actuellement il existe une servitude de logements sociaux, de logements abordables. A Montpellier, les grands logements sont uniquement concentrés à la Paillade. Si l’on veut retrouver cette mixité sociale, il faut que les personnes qui ont une grande famille trouvent de grands logements (T4) dans d’autres quartiers qu’à la Paillade. Actuellement, on trouve des T2 et des T3 grand maximum dans chaque quartier, mais pas des T4.” »

HJE : Avez-vous un message à faire passer aux promoteurs immobiliers ?

Coralie Mantion : «Je veux dire aux promoteurs immobiliers qu’ils sont nos partenaires, pas nos ennemis. Mais il faut revoir comment construire et comment habiter. J’ai conscience que pour les aménageurs, pour les promoteurs, il est plus facile de construire un projet quand le terrain est vide. Maintenant il va falloir construire sur des territoires déjà habités, déjà construits. Il est vrai que c’est plus compliqué. Il va falloir réapprendre à construire. Construire aussi avec de nouveaux matériaux : en bois, en terre…”

“On est passé à la norme Basse Consommation, mais il faut aller plus loin en construisant des bâtiments à énergie passive ou positive. Est-ce que ça a du sens de mettre de l’eau potable dans nos WC ? Il faut pousser les promoteurs à mettre en place deux réseaux d’eau dans les bâtiments pour ne pas gaspiller l’eau potable. Il faut les pousser à faire des récupérateurs d’eau de pluie. Il faudrait que tout cela soit systématisé dans chacun de leurs bâtiments.»

Lors de la vente du foncier, il faut que le terrain ne revienne pas au mieux offrant mais au mieux-disant, et mettre des critères écologiques, économiques…

HJE : Avez-vous les moyens de faire que cela ne reste pas qu’un voeu pieux ?

Coralie Mantion : « Lors de la vente du foncier, il faut que le terrain ne revienne pas au mieux offrant mais au mieux-disant, et mettre des critères écologiques, économiques… »

HJE : Avez-vous la possibilité de généraliser les avancées écologiques dans le bâtiment ?

Coralie Mantion : « Nous allons essayer. Nous avons un projet d’agriparc à la ZAC des Bouisses. Actuellement, dans le PLU, c’est une zone à urbaniser. Nous allons la passer en zone agricole. Mais sur une partie de ce territoire, à la lisière de l’agriparc, il y aura des constructions, pour lesquelles nous allons mettre en place un cahier des charges bien précis, avec des matériaux biosourcés.”

“Nous pouvons ajouter comme critère d’installer des toilettes sèches. Cela permettra de mener une expérimentation sur du collectif, de voir comment ça fonctionne, pour après le généraliser. Nous allons aussi installer des bacs composteurs partout sur le territoire pour éviter les allers et retours polluants des camions qui amènent tout à Amétyst. Cela permettra que chacun ait du compost de qualité à proximité de chez lui.”

“Je dis donc non aux maires bâtisseurs, mais oui aux maires recycleurs”

HJE : Avez-vous d’autres projets en matière d’écologie et d’urbanisme ?

Coralie Mantion : « Nous allons revoir le projet des Coteaux, à Malbosc, afin de recréer un corridor écologique entre le Domaine d’O et les jardins partagés de Malbosc. Il est important de recréer de la nature. Le confinement a prouvé que nous avons tous besoin d’espace. L’idée est de créer le plus possible des espaces de nature en ville, afin que l’on ait un espace vert à cinq minutes à pied dès que l’on descend de chez soi. »

HJE : Quelle est votre opinion concernant les aides aux maires dits « bâtisseurs » ?

Coralie Mantion : « Quelques communes de la métropole de Montpellier vont bénéficier des aides aux maires bâtisseurs : Prades-le-Lez, Villeneuve-lès-Maguelone et Jacou. Je mets un bémol sur ces aides : il faut des contreparties. S’il s’agit d’aides pour faire des logements sur des terres agricoles ou faire des lotissements, j’y suis évidemment opposée.”

“Par contre, il est très coûteux et compliqué de reconstruire la ville sur la ville, de recycler nos territoires et de les faire muter, donc si on met une condition à ces aides en disant qu’elles ne seront obtenues que si c’est pour faire du recyclage de territoires, alors j’y suis favorable. Je dis donc non aux maires bâtisseurs, mais oui aux maires recycleurs.»

Propos recueillis par Virginie MOREAU le lundi 14 septembre 2020.

vmoreau.hje@gmail.com

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