Vécu — Agde

Vécu, Agde : Angelina, "j'ai décidé de me sortir de l'anorexie"

Angelina, 21 ans, est une étudiante épanouie entourée d'amis. Mais la vie n'a pas toujours été facile pour elle. Il y a encore quelque temps, elle souffrait d'anorexie. Elle raconte…

Photo © Olenka Kotyk / Unsplash

Angelina* a réfléchi au contexte qui a permis à l’anorexie de s’installer dans sa vie : “J’ai fait de la danse classique dès l’âge de 3 ans. C’est un milieu très concurrentiel où l’on surveille son poids. Mon poids a toujours été un problème pour moi. Mon père était et est toujours d’une corpulence très fine. Ma mère est très fine, sportive, mais se plaint souvent d’avoir pris du poids depuis son accouchement. J’ai dû inconsciemment intérioriser qu’il fallait être mince pour être belle”.

Le point de basculement

Juste avant de ma deuxième année de prépa, le même été, mon meilleur ami s’est suicidé, ma meilleure amie a appris qu’elle avait un cancer du foie et mon père a été alité à cause de problèmes cervicaux et lombaires. Je me faisais harceler sexuellement durant mon job d’été. Cette période était lourde. J’ai commencé à beaucoup boire de l’alcool fort. C’était déjà un schéma familial et j’ai pensé que c’était une solution à mes soucis”, se souvient Angelina

Elle poursuit : “La hausse de ma consommation d’alcool s’est faite insidieusement. J’ai toujours choisi de ne pas boire seule, mais comme il y avait toujours des amis chez moi, je buvais beaucoup et souvent. Pour compenser ma dépression liée à mon deuil et à mes diverses préoccupations, je voyais beaucoup d’amis et nous faisions la fête. Grâce à l’alcool, j’ai de beaux souvenirs de bêtises faites avec eux, de fous-rires. Nous attirions certaines situations avec la boisson. Je n’allais plus en cours. J’étais très malheureuse et en même temps, il m’en reste de bons souvenirs. Je ne me préoccupais pas de ma santé”.

Un pèse-personne médical © Kenny Eliason / Unsplash
Un pèse-personne médical © Kenny Eliason / Unsplash

Une forte perte de poids

Je buvais tellement que je ne mangeais pas. Du jour au lendemain, j’ai compris que j’avais maigri en allant chez mes parents, qui avaient une balance chez eux. J’étais estomaquée : j’avais perdu 20 kilos en deux mois. Quand j’ai réalisé que j’avais perdu tout ce poids, j’ai été ravie. Cette perte de poids m’a aidée à diminuer l’alcool. Je n’avais plus besoin de boire pour étouffer ma peine. D’autant que mes amis m’avaient fait prendre conscience de mes abus d’alcool. Ils se sont évidemment rendu compte que j’avais un problème avec la nourriture, mais ils disaient qu’ils me trouvaient plus jolie ainsi. Il était donc hors de question pour moi de reprendre du poids” analyse Angelina.

Elle indique : “Donc j’ai surfé sur la vague de ma perte de poids. Ma dépression existait toujours, mais elle n’était plus liée au deuil. J’était triste sans raison après une période difficile. Je trouvais ma vie fade par rapport à ce que j’avais vécu avant, aux soirées arrosées tellement agréables. Quand j’analyse la situation avec du recul, je me rends compte que l’anorexie a été un moyen de me replonger dans la léthargie, car aller mieux me faisait peur”.

Une spirale infernale

Les choses ont empiré : “J’ai eu envie de maigrir encore plus. Je sortais d’une période où je ne contrôlais rien : ni moi, ni mes amis. Donc je suis passée à un contrôle strict : je regardais toutes les calories que je dépensais et ingérais chaque jour. J’y perdais un temps fou. C’était obsessionnel. A la fin d’une journée durant laquelle je n’avais pas mangé, j’étais contente.

Un jour, j’ai vomi de dégoût naturellement en me regardant dans le miroir, sans le faire exprès. Puis j’ai commencé à me faire vomir. C’était un geste facile et rapide. A chaque fois que je m’étais fait vomir, je me sentais vide, bien. Manger était un supplice. Je me dégoûtais. Je n’aimais ni ce que je faisais, ni ce que je devenais. Je ne faisais plus rien de ma vie. J’étais avec un garçon que je détestais. Ma mère avait peur pour moi. Je n’avais pas la force de faire mieux. Mes amis n’ont pas compris que je me faisais vomir. En soirée, ils pensaient que je vomissais parce que j’avais trop bu, pas que je le faisais exprès”.

Une femme très mince © Roman Shilin / Unsplash
Une femme très mince © Roman Shilin / Unsplash

L’inquiétude de certains proches

Mais certains de ses proches ne sont pas dupes. Angelina raconte : “Ma mère s’est le plus inquiétée. On habitait à 300 km l’une de l’autre. Elle me payait des consultations chez un psychiatre. Une amie, qui était passée par une grave anorexie au point de ne plus peser que 32 kg, mais qui s’en était sortie, m’a beaucoup aidée car elle comprenait ma situation”.

Deux déclics

A cette époque, Angelina n’a pas envie d’arrêter de se faire vomir. Mais 2 événements la font réfléchir. “Quand j’ai dit à mon père que j’étais anorexique, il m’a dit de me bouger au lieu de me lamenter. Je me suis dit qu’il avait raison, que c’était moi qui m’infligeais ma peine. Il traverse avec courage plusieurs problèmes. C’est un battant. Il est mon modèle. J’ai voulu que mon père soit fier de moi. Et j’ai eu un lapin. Ça a été un second déclic. Je me sentais responsable de sa vie”, se souvient-elle avec émotion.

Une nouvelle vie

Angelina assure : “Aujourd’hui je suis fière de moi. Il m’arrive encore de me faire vomir une fois par mois, quand j’en ai marre de tout. Mais c’est anecdotique. Je réussis mes études. Je vis en colocation avec ma meilleure amie ; ça a changé ma vie. Je sais qu’elle me veut du bien. Je vais mieux. En prépa, j’ai validé ma première année, la deuxième je ne suis pas allée en cours mais j’ai passé des examens pour être ajournée. J’ai repris mes études, c’est une des choses qui m’ont fait aller mieux : apprendre de nouvelles choses, m’intéresser à un sujet, aimer faire quelque chose. J’aime apprendre, étudier. Retourner en cours, avoir un rythme m’a fait beaucoup de bien.

Elle dresse un bilan : “Maintenant ça fait trois ans que mon meilleur ami est mort, ma meilleure amie a toujours le cancer, mon père est toujours malade, mais je ne veux plus perdre du temps à pleurer. L’anorexie, c’est débile. Les anorexiques n’ont pas besoin d’aide ; ils ont besoin qu’on les secoue. Leur obsession est un appel à l’aide, un chemin vers la mort qui peut durer des années. Il faut de la bienveillance. Il faut aussi des gens qui disent ‘mange cette pomme et arrête de faire comme si c’était compliqué’. Si je devais donner un conseil à une personne anorexique, je lui dirais d’avoir le courage d’avancer et de ne pas s’enliser dans ce phénomène. La dépression est un truc dans lequel on se complaît, c’est facile de s’y lover”.

Elle complète : Pour moi, dépression et anorexie sont indissociables. L’anorexie, c’est vouloir mourir en maigrissant jusqu’à la mort. C’est trash, dur à regarder, ce n’est pas beau, ça fait peur. C’est contre-nature pour les autres et pour soi. Selon moi, il faut d’abord soigner la dépression, puis l’anorexie disparaîtra”.

Angelina conclut en souriant : “Aujourd’hui ma vie me convient et je n’éprouve plus le besoin de me faire vomir, sauf de façon négligeable. Tout dépend du regard que l’on porte sur les événements. C’est l’un des enseignements que je tire de cette expérience”.

*Angelina est le pseudonyme choisi par cette jeune femme, qui a préféré témoigner sous couvert d’anonymat.

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