Vie des professions

Aminata Niakate, présidente sortante de la FNUJA - Développer le « réflexe avocat »

L’édition 2019 du Congrès de la Fédération nationale des Unions de jeunes avocats (FNUJA) a marqué le terme du mandat d’Aminata Niakate. La présidente dresse, à cette occasion, le bilan de son action en évoquant les nombreux défis qui restent à relever.

Vous arrivez au terme de votre mandat. Quels sont les prochains défis qui s’annoncent pour les jeunes avocats ?

A.N. : « Pour les jeunes avocats, notamment ceux qui prennent ma relève, les défis sont multiples. Certains ont d’ailleurs été évoqués lors de la séance solennelle d’ouverture du 76e congrès de la FNUJA qui s’est déroulée à la Première chambre de la Cour d’appel de Paris, le 30 mai. Nous avons abordé la question de l’accès à la profession, du numerus clausus en présence d’un médecin et celle, très intéressante, de la répartition des avocats sur le territoire national autour de la question “Sommes-nous trop ou sommes-nous trop peu ?”. Une autre table ronde intitulée “Entreprise et numérique : occupons toute la scène !” était aussi porteuse d’un message : les avocats, jeunes ou moins jeunes, doivent être présents sur le numérique et occuper toute la place pour répondre aux besoins en droit des justiciables. Ils doivent développer le “réflexe avocat”, en particulier, des entreprises. Parmi les défis et enjeux pour la profession également : la pluralité d’exercice, la gouvernance de la profession, les spécialisations mais aussi le legal privilege et l’avocat en entreprise, notamment dans la perspective des propositions du rapport de Raphaël Gauvain, député de la 5e circonscription de Saône-et-Loire. C’est un sujet très clivant y compris chez les jeunes avocats. »

Ce rapport n’est pas encore publié…

A.N. : « Il n’a pas été rendu public, mais nous avons reçu Raphaël Gauvain, qui nous a présenté les grandes orientations. Il a semblé à l’écoute de nos observations. Nous allons donc émettre des propositions et lui adresser notre contribution. Nous travaillons également sur la question de l’égalité avec le sujet du congé paternité, qui est de quatre semaines à Paris et de onze jours seulement au niveau national. Nous aimerions que cette question soit portée devant le Conseil national des barreaux. Le handicap est également à l’ordre du jour à travers les solutions que les pouvoirs publics et les avocats peuvent apporter pour que le droit, les cabinets d’avocats et les lieux de justice soient accessibles à tous. N’oublions pas que cette question concerne directement 12 millions de personnes, ce qui est énorme. Nous travaillons également sur la mobilité internationale des avocats et, bien évidemment, sur la réforme du régime universel des retraites. Cette réforme menace l’équilibre financier de nos cabinets, sans certitudes sur les prestations qui nous seront servies dans l’avenir, d’après les premières annonces de Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire à la réforme des retraites. Une fois encore, nous allons marteler notre point de vue sur cette réforme. »

Le principe de l’égalité vous tient également à cœur…

A.N. : « Durant notre congrès, nous avons effectivement proposé une Caravane de l’égalité, une formation de six heures qui nous a permis de revenir sur l’enquête du Défenseur des droits, lancée à la demande de la FNUJA, et dont les résultats sont édifiants. Cette journée a été l’occasion de revenir sur cette démarche et sur les évolutions qu’a connues la profession, notamment l’adoption du principe d’égalité et de non-discrimination. Nous sommes assez fiers d’avoir obtenu cette avancée qui va dans le bon sens. Elle marque notre volonté politique de lutter contre les inégalités, les discriminations, en notifiant à tous, aux avocats et à la société, que nous considérons que c’est une valeur importante, qui mérite de faire partie intégrante de notre ADN. Nous avons également fait un focus sur la question des inégalités femmes-hommes, la discrimination la plus importante dans la profession, et sur les outils à la disposition des avocats pour faire face à une telle situation : recours au bâtonnier et au Défenseur des droits, procédures pénales et civiles classiques… L’UJA de Paris a par ailleurs proposé un lab’ sur le bien-être au travail, et une formation sur la médiation pour résoudre les litiges des entreprises. La FNUJA a aussi présenté une Caravane sur l’installation et l’association, l’occasion de promouvoir le guide éponyme qui vient de paraître. »

Où en est-on avec l’avocat startupper ?

A.N. : « Le Conseil national des barreaux y travaille avec sa commission numérique. L’avocat startupper a besoin de finan- cement. Le 27 juin, nous participerons aux Etats généraux de la profession d’avocat à la Maison de la Mutualité. La question du financement des cabinets d’avocats y sera posée. Nous souhaitons permettre une ouverture minoritaire en droits de vote du capital de ces cabinets à des tiers, permettant ainsi aux confrères de trouver des ressources financières, notamment pour financer leurs projets, en particulier sur le numérique. Pour en revenir au congrès de la FNUJA, nous nous sommes posé la question de la pertinence du format actuel des spécialisations, notamment sur l’articulation entre activités dominantes et spécialisations. Les jeunes avocats sont favorables à la communication de l’activité dominante sur tous les supports. Le startupper doit, lui aussi, pouvoir communiquer sur son activité, à condition toutefois que toutes les informations publiées soient loyales et sincères et qu’elles n’induisent pas le justiciable en erreur. »

Pour les prochains Etats généraux, quelles sont les contributions sur lesquelles la FNUJA souhaite insister ?

A.N. : « Les jeunes avocats estiment que les thématiques suivantes sont prioritaires pour construire l’avenir de notre profession : “Comment professionnaliser notre formation ?” (Contrat de professionnalisation, cliniques juridiques) ; “Quel avenir pour le contrat de collaboration ?” ; “Quelle place pour les avocats à l’ère du numérique ?” ; “Comment adapter les règles régissant la communication des avocats aux besoins actuels ?” ; “Le cabinet d’avocats, une entreprise comme les autres ?” (levées de fonds, investissements, capitaux extérieurs ; “L’interprofessionnalité et la grande profession du droit ?” ; “Actions à mener par la profession pour se saisir des marchés qui nous sont ouverts et en conquérir (ou reconquérir) de nouveaux ?” ; “L’avenir de la retraite de l’avocat ?” ; “Renforcer la place de l’avocat ? (force exécutoire de l’acte d’avocat, relations avocats- magistrats, l’avocat dans l’écosystème des entrepreneurs, etc.) ; “Vers une profession sans inégalités ?” ; “Comment améliorer l’accès au droit ?” ; Il y a beaucoup de sujets… »

Vous venez de quitter la présidence de la FNUJA. Comment allez-vous continuer votre action ?

A.N. : « Je vais continuer mon action au sein du CNB, où je préside la commission Egalité. Je resterai donc très proche de l’UJA et de la FNUJA, puisque je les représente au CNB. Parmi les dossiers traités actuellement, nous avons obtenu l’accord du CNB, du barreau de Paris et des syndicats pour signer une charte visant à gérer les signalements des situations de discrimination. Le 28 juin, au lendemain des Etats généraux de la profession, se déroulera un Grenelle du droit et du handicap à la Maison de la Mutualité, sous l’égide du Défenseur des droits et sous le haut-patronage de Sophie Cluzel, la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées. Nous recevrons beaucoup de personnalités, comme Jacques Toubon, Marie-Anne Montchamp, qui viendront débattre sur l’accès universel au droit, la formation des professionnels du droit, sur la lutte contre les violences faites aux personnes en situation de handicap. Nous évoquerons également les spécificités du contentieux des personnes en situation de handicap et l’acces­sibilité des lieux de juridiction. À la fin de cette journée, nous ferons des propositions aux pouvoirs publics et à la profession. Cette manifestation sera également l’occasion de faire connaître le film Parent à part entière, d’Anne-Sarah Kertudo, qui retrace le parcours du combattant d’une personne aveugle dans une procédure judiciaire. Autre temps fort : un “parcours handicap” qui permettra aux participants d’expérimenter, dans leur corps, la situation de handicap. Il s’agira donc d’un important événement de sensibilisation, de construction de projets et de propositions afin d’offrir un accès au droit le plus large possible aux personnes en situation de handicap. »

Propos recueillis par Boris STOYKOV
pour RésoHebdoEco
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Blanc

Questions à Jean-Baptiste Blanc,
nouveau président de la FNUJA

« Il faut que la profession se saisisse de ces sujets, sinon d’autres le feront à notre place »

L’avocat marseillais Jean-Baptiste Blanc a été élu le 1er juin à la présidence de la Fédération nationale des Unions de jeunes avocats, qui fédère une quarantaine d’UJA. Il succède à Aminata Niakate, avocate à Paris.

Quel est votre parcours ?

« J’ai commencé à travailler en tant qu’avocat à Marseille en 2011 dans le cabinet de droit pénal de Me Denis Fayolle. J’y suis resté trois ans avant de m’installer avec mon épouse, qui est aussi mon associée. Je suis maintenant spécialisé dans la réparation du préjudice corporel. Parallèlement à ce parcours professionnel, j’ai adhéré à l’UJA de Marseille, que j’ai présidée en 2010. J’ai continué mon engagement en étant élu premier vice- président de la FNUJA avec Me Aminata Niakate comme présidente. Je représentais la province, et elle la capitale. C’est donc logiquement moi qui ai été élu président cette année, puisque la présidence tourne entre les UJA de province et de Paris. Me Catherine Modat, de l’UJA Paris, a été élue première vice-­présidente. Un nouveau bureau sera élu dans les prochaines semaines. »

Quels sont les premiers dossiers que vous aurez à traiter ?

« L’actualité va nous obliger à affirmer l’opposition de la FNUJA à la réforme de la caisse de retraite des avocats. Le gouvernement souhaite que la Caisse nationale des barreaux français, notre caisse de retraite, soit à terme absorbée par le régime général. Ce serait une perte d’indépendance préjudiciable pour notre profession et la solidarité entre avocats. Sur cette question, les jeunes avocats ont leur mot à dire. Nous allons aussi participer aux Etats généraux de la profession, organisés par le Conseil National des Barreaux. La FNUJA entend insister sur un certain nombre de contributions importantes pour l’avenir de la profession. N’oublions pas que plus de 50 % des avocats ont moins de 40 ans et que le marché est devenu ultraconcurrentiel, avec d’autres professions, mais aussi avec le développement de sites Internet. »

Justement, quel regard portez-vous sur le développement des legal techs ?

« Je souhaite placer mon mandat sur ce thème, en développant les campagnes de sensibilisation au numérique, mais aussi en proposant des formations. N’oublions pas que la FNUJA est un organisme de formation. Nous organisons la Caravane du numérique et de l’avocat connecté. L’idée serait d’y ajouter un module de formation autour du digital, en partenariat avec un acteur du digital. Il faut que la profession se saisisse de ces sujets, sinon d’autres le feront à notre place et rétréciront le périmètre des profes- sionnels du droit. »

Propos recueillis par Frédéric DELMONTE,
pour RésoHebdoEco
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