Faits divers

CAP d'AGDE - Flash Back : La plaisance dans les années 75/85 par Henri GEOFFROY

C’était le règne des huit-neuf mètres avec une flottille de Sangria, Trident 80, Gibsea…

C’était le règne des huit-neuf mètres avec une flottille de Sangria, Trident 80, Gibsea 26, First 30, Dufour 31 (les voiliers des toubibs) et puis on trouvait les  puissants Symphonie et Mélody, taillés pour des courses lointaines et notamment pour les Baléares.


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Les frigos, GPS et autres électroniques n’existaient pas encore.

La météo se prenait sur le poste-radio calé sur France-Inter. Les enrouleurs de génois faisaient une timide apparition et quiconque franchissait le pas, subissait quelques railleries des intégristes de la voile classique.
Bien entendu, le mouillage se remontait à la main. Le guindeau manuel équipait des unités de plus de 35 pieds. La navigation se faisait avec l’aide du compas de relèvement avec prises de deux amers et toutes les heures on mettait une croix sur la carte avec l’aide de la règle de l’amiral Cras. On traçait ainsi la route au crayon afin de pouvoir l’effacer pour l’année suivante. Si la visibilité était réduite, on notait le cap, la vitesse et on estimait le point à « vista de nas »
La destination qui faisait rêver les plaisanciers de cette époque était la COSTA BRAVA.
Celui qui avait passé le Cap CREUX avait la considération générale et faisait des envieux. Le « Créous « c’était notre Cap Horn ».
Les déclarations des navigateurs l’ayant franchi subjuguaient ceux qui voulaient tenter ce passage. Car au-delà du Cap, ils décrivaient des mouillages idylliques, bien abrités, et toujours dans des cadres d’une beauté sauvage. 
A cette époque, annonciatrice du boom de la Plaisance, Les ports du Languedoc-Roussillon proposaient aux plaisanciers un passeport contre paiement d’un forfait. Il donnait droit à deux nuitées dans chaque port. Cette excellente initiative incitait les plaisanciers à sortir de leur port respectif. Et les stations y trouvaient leur compte car l’escale, c’était aussi du tourisme et de la restauration.
Le tourisme de masse n’existait pas encore, aussi les plaisanciers en escale constituaient une clientèle intéressante. A l’heure actuelle, cette catégorie de consommateurs est devenue marginale.
Revenons donc à nos voiliers en partance du Cap.
Les moins téméraires faisaient route sur Gruissan, Leucate ou le Barcarès. C’était les plus malins car ils ne dégoûtaient pas les équipières peu amarinées. Une journée de 15 à 20 milles était bien tolérée par les dames.
D’autres plus hardis faisait du 220°, vers les ports du Roussillon, Canet, St-Cyprien ou bien du 210° sur le joyau de la côte Vermeille, Collioures. Un écrin de beauté quand le « grec » ne s’invitait pas.
Et puis, nous trouvions les chefs de bord pressés dont les équipières aimaient ou les longues traversées ou étaient résignées. Ceux-là, franchissaient le Cerbère et le Béar, des caps tout aussi redoutables dans le sens du retour que le fameux Créus. (dire Créous)
Et je garde pour la fin, les champions de la ligne droite. Ceux qui mettaient l’étrave sur le 180°, cap sur le Créous, avec si le temps le permettait, le plus grand des privilèges, se faire tirer par les fameux Monts de Cadaquès, 60 milles après avoir embouqué la passe entre la Lauze et Brescou.
Ils arrivaient le soir, après 12h de navigation et à condition d’avoir fait 5 nœuds de moyenne. Ce qui était performant. Allez, on passera sous silence, l’aide du doux ron-ron de l’in-board ! Cela égratignait les intégristes de la voile.
Mais l’accueil sur la Costa Brava pouvait être délicat avec un vent thermique contraire pouvant atteindre 20 nœuds. C’est « la renverse » qui contraint les bateaux à trouver des abris à Puerto de la Selva, Cala El Golfet ou Cala Culip.
Excellents mouillages par ce vent du sud mais par tramontane, c’est une autre histoire. Faut se refugier à Puerto de la Selva ou dans la cala Culip dans le creux de l’ancien port du club Med.
A cet endroit d’ailleurs, faut se méfier d’une chaîne-mère sur des fonds de 16m. J’y aurais laissé une partie du mouillage sans la bouteille de plongée.
Puerto de la Selva, dans les années 80 n’avait pas encore de port de plaisance. La pêche était l’activité principale alors que le tourisme commençait lentement.


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Les voiliers pouvaient mouiller dans la grande baie. Aucun souci avec les chalutiers qui vous passaient toujours à distance respectable à grande vitesse.
D’autres jetaient l’ancre et culaient à quai. Une manœuvre qui faisait toujours l’orgueil de ceux qui la réussissaient parfaitement et faisait l’admiration des novices dont je faisais partie.
A terre, on pouvait trouver de la glace pour améliorer l’ordinaire et surtout aller faire quelques emplettes, la parité entre pésétas et francs faisant diviser les prix par deux.
Et puis, si le temps le permettait, on allait virer le Créus sur le coup de midi.
Par temps calme, le passage fort étroit entre une île et le cap donnait lieu à des croisements mémorables avec des salutations et des échanges de renseignements rapides entre plaisanciers.


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Passé le Cap, trois solutions s’offraient aux navigateurs « Cap-horniers », jeter sa pioche dans la grande baie avant Port Lligat, ou bien pénêtrer dans une des calas profondes sachant que ce sont des mouillages précaires et de beau temps.


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Mais finalement le choix se portait sur Port Lligat, un abri « tous temps » à condition de mouiller derrière la barre rocheuse en prévision d’une tramontane toujours très forte en ces parages.
Les plongeurs prenaient le soin d’entourer l’ancre de petits rochers afin de dormir en toute quiétude.
La maison de Salvador Dali était un des moments forts de toute croisière sur la Costa Brava ainsi que l’accès par la petite route pour Cadaquès.


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Cadaquès, la troisième escale. Une très courte étape appréciée des équipières. L’arrivée dans la baie de Cadaquès reste un souvenir mémorable pour qui la voit pour la première fois. Une vue sur ce village blanc avec son église, une vue à vous couper le souffle.


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Les annexes étaient de nouveau sollicitées pour accéder à la playa. Une fontaine débitait chichement de l’eau douce et c’était que du bonheur quand on avait rempli les 10 litres du jerrican. On faisait provision de melons jaunes dits « des canaries », de pastèques et de calamars après être passé au bureau de change.


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On cherchait le resto qui nous ferait la meilleure paella.
Les  discussions entre plaisanciers battant tous pavillon tricolore s’éternisaient sous les tendas des restorantes pendant que les baies, fenêtres et portes des maisons s’ouvraient pour laisser entrer la fraîcheur de la nuit prochaine.
Quelques coups de fils à la cabine téléphonique à la famille pour la rassurer, quelques cartes postales avec le timbre de Franco et retour aux bateaux pour de nouveaux mouillages sauvages entre Cadaquès et Rosas.
C’était nos premières croisières, voilà maintenant 34 ans.


Henri GEOFFROY

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