Des fresques artistiques pour redonner espoir aux habitants de l’île Saint-Martin, aux Caraïbes

En septembre 2017, les îles Saint-Martin et Saint-Barthélémy ont subi de plein fouet le passage de l’ouragan Irma, dont les vents ont atteint 287 km/h. Outre les 11 morts dans les territoires français et les 4 morts dans le territoire néerlandais, les dommages causés aux bâtiments ont été énormes. 95 % du bâti des deux îles a été touché. Depuis, la reconstruction avance, mobilisant l’énergie de la population. C’est dans ce contexte que Le Cercle des Arts et de la Culture, mené par Christian Jurand, a initié un projet – le Wall of Arts / Mur des Arts – destiné à soutenir, par une touche artistique, l’effort pour rebâtir l’île.

Un geste généreux

Christian Jurand, qui a un lien fort avec cette île depuis trente ans, a été très peiné d’apprendre l’impact qu’avait eu l’ouragan Irma sur le patrimoine bâti et non-bâti de Saint-Martin, et sur ses habitants. Sa proximité avec de nombreux artistes – notamment sétois, puisqu’il assure la promotion de la Nouvelle Ecole Sétoise, mais aussi montpelliérains et parisiens au travers du Cercle des arts et de la Culture – l’a convaincu qu’il pourrait apporter à sa manière une pierre à l’édifice de la reconstruction de Saint-Martin. 

Passage à l’action

Il a sensibilisé les artistes de son entourage, et du 29 novembre au 10 décembre, neuf d’entre eux ont pris l’avion avec lui pour réaliser un projet généreux et enthousiasmant… Marc DURAN, Philippe LOUBAT, Christophe COSENTINO, Aldo BIASCAMANO, Sliman Ismaili ALAOUI dit Nascio, Lucas MANCIONE, Jean-Jacques FRANÇOIS, Frédéric PERIMON et Julia COLLARO ont en effet souhaité apporter leur soutien moral aux habitants de l’île en peignant des fresques qu’ils auraient l’occasion de voir dans leur vie quotidienne. Un dixième peintre, le Sétois André CERVERA, arrivera avec une semaine de décalage.  

Sur le mur d’enceinte extérieur de l’Hôtel Mercure Saint-Martin Marina et Spa, dans une rue très passante de la baie Nettle, les artistes ont été invités à réaliser leurs fresques murales par le mécène Baki Arbia, le directeur de l’hôtel, lui-même très ouvert à l’art. En effet, situé dans les Terres Basses, son hôtel propose à ses clients un jardin d’œuvres qui fait quasiment de lui un musée à ciel ouvert. Mais avec ces fresques, il s’agit de mettre l’art à la portée de la population tout entière, pas seulement des touristes installés à l’hôtel, ce qui est autrement plus généreux. 

Les peintres étaient sans doute tous partis de leur atelier avec un projet en tête, mais les deux premiers jours et demi de visites diverses de Saint-Martin, du quartier Marigot, de l’île Pinel, de Tintamarre, à la découverte de la faune – les fameux iguanes notamment –et de la flore, et les rencontres avec les insulaires les ont sans doute parfois conduits à modifier un peu leurs projets. 

L’excellent accueil des insulaires et un projet empli de sens

Leurs fresques ont su toucher les habitants. « Du bonheur la population de l’île nous en a donné. Les voitures qui klaxonnaient et lançaient des bravos, des mercis en passant devant la fresque. D’autres s’arrêtaient pour nous parler. Tous souriaient et nous accueillaient. Un homme ému m’a dit : « Magnifique ! C’est la plus belle chose que je vois depuis Irma ». Nous avons été largement nourris d’émotions, d’échanges et d’humanité. C’est une magnifique expérience créative aussi, très dynamisante, où la peinture prend du sens en s’inscrivant dans un projet humain. Tout ce que je souhaite pour la peinture… », indique Philippe Loubat, peintre engagé dans cette généreuse aventure.

Les fresques & l’avis en exclusivité de chaque artiste sur sa fresque

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La fresque “Flow of Life” de Julia Collaro, à laquelle ont contribué les peintres du Cercle des Arts.

La fresque participative de Julia Collaro : Flow of Life. « Il s’agit d’un arbre de vie. L’idée est que toutes les formes proviennent de la même source, et qu’elles ont, dans leur expression individuelle, la saveur de l’unique. C’est aussi une référence à la vision quantique de l’espace-temps, à savoir que toutes les réalités coexistent. On peut prendre tous les chemins. Cette fresque est une œuvre spontanée. Les artistes du Cercle des Arts m’ayant invitée à la réaliser, j’ai invité à mon tour les artistes du Cercle des Arts à peindre un bout de leur univers sur mon arbre de vie », indique l’artiste.

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“Irma dans tous ses états”, par Jean-Jacques François. © photo : Rudy Issorat

Avec Irma dans tous ses états, Jean-Jacques François a choisi de représenter sur une partie du mur la désolation, les dommages subis par l’île Saint-Martin suite au passage dévastateur de l’ouragan Irma. « A droite, une magnifique sirène, symbolisant l’océan qui entoure Saint-Martin, amène le regard vers la partie centrale et la partie gauche, qui représentent le futur, la résurrection de l’île, grâce aux efforts de reconstruction et à la mobilisation massive de sa population, pour qu’elle retrouve sa beauté originelle… » analyse Jean-Jacques François. L’artiste a peint le poteau situé devant le mur, pour ne pas bloquer la vision.

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“Petite faune au fruit de la passion amoureuse”, par Christophe Cosentino. © photo : Rudy Issorat

Christophe Cosentino, Petite Faune au fruit de la passion amoureuse. Dans la fresque de Christophe Cosentino, Tino pour les intimes, les faunes sont féminines, et vivent en totale liberté, en pleine nature, sur l’île. La passion amoureuse vient saisir l’une d’elles… Christophe Cosentino a rehaussé les visages de collages de céramique trouvée parmi les gravats de l’île.

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“Un jour Charlou Biascamano a tiré la traîne tout seul”, par Aldo Biascamano. © photo : Rudy Issorat

Aldo Biascamano, Un jour Charlou Biascamano a tiré la traîne tout seul. Aldo Biascamano a apporté la mythologie sétoise jusque sur l’île Saint-Martin, avec en toile de fond le Mont Saint-Clair, et une scène de pêche au premier plan. Le lien entre les Sétois et les Saint-Martinois est ainsi vite établi, par-delà la distance géographique. « Je suis l’aède de l’île Singulière J’ai fait un mur d’hommage à l’exploit réalisé par mon père Charlou, qui a un jour tiré la traîne tout seul à l’aide de grosses pierres, alors qu’il faut être au moins quatre. Je crée la mythologie de Sète dans le présent, le passé et le futur depuis 1983. Depuis que je suis arrivé ici, j’ai envie de donner une ou plusieurs conférences à Saint-Martin sur la mythologie de Sète, avec des extraits de films que je réalise en Super 8, et des actes comme dans le futur, faits par des amis à moi qui viendront. »

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“Long courrier vers le pic du Paradis”, par Philippe Loubat. © photo : Rudy Issorat

Philippe Loubat, Long courrier vers le pic du Paradis. « Long courrier » est une référence à Saint-Exupéry et son Petit Prince. Le pic du Paradis est un des plus connus de l’île Saint-Martin. « La fresque se décompose en 3 niveaux. Dans le ciel, les oiseaux évoquent la légèreté et la paix. La bande centrale, où un homme-avion estampillé Love et une femme-fleur se tiennent la main, parle de l’amour. Au sol, des maisons multicolores aux portes et fenêtres grandes ouvertes sur fond de montagnes de Saint-Martin dansent, pour une fête du bonheur, dans une île enfin reconstruite. Le tout, pour donner du courage et envoyer de bonnes ondes aux Saint-Martinois. Il est important pour moi qu’au-delà du plaisir de la création, la peinture prenne du sens. Il s’agit ici d’un projet profondément humain », analyse le peintre.

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“No Ananas”, par Lucas Mancione. © photo : Rudy Issorat

Pour sa fresque No Ananas, Lucas Mancione, Parisien originaire de Sète, avait pour projet de peindre 5 soleils. Pour le reste, sa volonté était de s’imprégner du lieu. « Je me suis inspiré du ciel, et des montagnes que j’ai vues dans l’île. Je rajoute toujours dans mes œuvres quelque chose qui dénote. En l’occurrence, ici, quelques ovnis. C’est donc un paysage spatial. Je travaille beaucoup avec les couleurs ; elles ont parfois plus d’importance pour moi que ce qui est représenté. J’ai choisi ce titre parce que, justement, il n’y a pas d’ananas dedans… Après avoir réalisé cette fresque et le vernissage à la galerie du Cercle des Arts et de la Culture, par la suite, j’aimerais faire des œuvres collectives avec la jeunesse de Saint-Martin », indique-t-il. 

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“Le Printemps”, par Marc Duran. © photo : Rudy Issorat

Marc Duran. Le Printemps. Dans sa fresque, fleurs multicolores et petits textes se mêlent et entament une danse rehaussée par de grands signes qui semblent vouloir transpercer le mur. Le poteau situé devant le mur, qui aurait pu être un obstacle à la vision, a lui aussi été peint par l’artiste, pour ne pas couper la fresque en deux. Un habile geste artistique…

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“Wall of Sound”, par Frédéric Périmon. © Rudy Issorat

Avec son Wall of Sound, Frédéric Périmon a créé une fresque représentant une accumulation de haut-parleurs, d’enceintes, de baffles. « La façon dont je les ai peints les représente faisant le plus de bruit possible. J’aime beaucoup la musique des Caraïbes, de Saint-Martin, et j’ai eu à cœur de mettre ce son en avant, cette énergie, pour motiver la population dans ses efforts pour rebâtir l’île », explique le peintre. 

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“Pause tendresse”, par Sliman Ismaili Alaoui, dit Nascio. © Rudy Issorat

Dans Pause tendresse, Sliman Ismaili Alaoui, dit Nascio, représente les ouvriers – qui participent à la reconstruction de l’île – en pleine pause. « Ils se détendent, car il est important, après ce qu’il s’est passé, de garder des valeurs comme la convivialité, la joie et le bonheur. On les ressent très fortement dans cette île. Je n’étais jamais venu dans cette partie du monde, et j’ai pu y découvrir la légèreté, la joie, la danse facile. Je représente donc des gens qui dansent au milieu du chaos créé par Irma. Ce qui irradie des trois couples de danseurs, c’est la volonté de reprendre du terrain sur la catastrophe. »

Virginie MOREAU / vm.culture@gmail.com

Tous nos remerciements à Rudy ISSORAT

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