Fonction publique : changement d’affectation d’un agent, attention au contentieux !

Lorsque des fonctionnaires ne donnent pas entière satisfaction, l’administration peut décider de les changer…

Lorsque des fonctionnaires ne donnent pas entière satisfaction, l’administration peut décider de les changer d’affectation. La collectivité se doit néanmoins de choisir l’emploi le plus adapté et de respecter la procédure correspondante, sauf à risquer un contentieux. Explication.

L’administration est libre d’affecter ses agents sur de nouveaux postes, ces derniers ne disposant pas de droits acquis au maintien dans leurs fonctions. Tout fonctionnaire est en effet titulaire de son grade mais pas de son emploi, selon la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Ainsi, tant que le poste correspond à son cadre d’emploi, l’agent peut être appelé à exercer différents emplois. Dans la pratique, il est courant qu’un agent faisant preuve de carences ou de lenteurs dans l’accomplissement de ses tâches soit changé de poste dans l’intérêt du service. Dans ce cas, les textes et le juge administratif ont encadré strictement la décision des collectivités.

L’article 52 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit que « l’autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l’établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l’avis des commissions administratives paritaires (…) ». Le juge administratif distingue la mesure d’ordre intérieur, ne faisant pas grief au fonctionnaire concerné, de la mutation interne, soumise au respect de règles procédurales et susceptible de recours1.

Le Conseil d’Etat a défini ces mesures d’ordre intérieur prises à l’égard des fonctionnaires comme : « des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent perte de responsabilités ou de rémunération (…) » et ce « alors même que cette mesure de changement d’affectation a été prise pour des motifs tenant au comportement » de l’agent concerné2. Par exemple, dans le cadre de la réorganisation de services, tout changement d’affectation qui « ne saurait être regardé comme portant nomination à un grade ou à un emploi distinct de ceux qu’occupait jusque-là l’intéressé et ne porte atteinte ni aux prérogatives attachées à son emploi, ni aux droits qu’ [il] tire de son statut, ni n’entraîne de conséquences pécuniaires » n’est pas considéré comme une modification de la situation professionnelle du fonctionnaire concerné3.

Or, le simple changement d’affectation à l’intérieur des services d’une collectivité qui n’entraîne aucun changement dans la situation administrative de l’agent n’a pas à être soumis aux règles de la procédure disciplinaire ni à être précédé de la communication du dossier ou de la consultation de la commission administrative paritaire.

Pour caractériser une mutation au sens de l’article 52 de la loi du 26 janvier 1984, le juge administratif prend en compte différents critères comme le changement de résidence administrative de l’agent, la perte de responsabilités, la réduction de ses indemnités, la nature des tâches confiées, les avantages matériels perdus, la diminution de la rémunération ou le déclassement subi dans l’exercice des fonctions. Le changement d’affectation d’un fonctionnaire le privant du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) – qui se traduit par la perte d’un avantage pécuniaire – ne présente pas le caractère d’une simple mesure d’ordre intérieur, et peut donc être contesté devant le juge de l’excès de pouvoir4.

Ainsi, l’administration qui décide de muter un agent doit être prudente, d’autant plus que la frontière avec la procédure disciplinaire est mince. Les collectivités courent en effet le risque que leur décision de mutation soit requalifiée de « sanction déguisée » si elle a pour but de réprimer un agent, en arguant de l’intérêt du service menacé pour justifier la mesure. A contrario, lorsqu’un agent fait preuve d’insuffisance professionnelle et qu’il est incapable d’accomplir ses tâches ou d’assumer ses responsabilités, il pourra être amené à devoir changer de poste, après que son administration aura mis en œuvre la procédure disciplinaire, tout en respectant les droits et garanties de l’intéressé.

 


Mutation interne : les règles à respecter

En cas de mutation interne, quatre étapes de procédure doivent être respectées scrupuleusement pour éviter le contentieux. Tout d’abord, une mutation, même au sein d’une même collectivité, ne peut intervenir que sur un emploi réellement vacant. L’autorité territoriale doit déclarer la création ou la vacance du poste au centre de gestion compétent, qui en assurera la publicité (articles 14 et 41 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984). La mutation modifiant la situation de l’agent doit ensuite être précédée de la consultation de la Commission administrative paritaire (CAP). Et si les décisions prononçant un changement d’affectation n’ont pas à être motivées5, l’agent concerné doit pouvoir consulter l’intégralité de son dossier6. Ce dossier doit contenir tous les éléments à l’origine de la décision, même si la mesure est prise dans l’intérêt du service ou si l’agent en a déjà eu connaissance7. Une fois la mutation notifiée à l’intéressé, celui-ci a l’obligation de se conformer aux instructions de sa hiérarchie et de rejoindre sa nouvelle affectation.


Charlotte HERMARY,
avocat en droit public

1 – CE, 28 octobre 1991, n° 86198 ; 6 avril 2007, n° 286727.

2 – CE, 25 septembre 2015, n° 372624.

3 – CAA Bordeaux, 23 novembre 2015, n° 14BX02090.

4 – CE, 4 février 2011, n° 335098.

5 – CE, 21 octobre 1983, n° 39921 ; 24 juin 1994, n° 139491.

6 – CE, 28 octobre 1992, n° 94894 ; 29 août 2008, n° 308317.

7 – CE, 18 février 2009, n° 300955.

 


 

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