Société — France

Guide Michelin : Gwendal Poullennec, “Obtenir une Étoile, et la garder, est une course de fond”

Le lundi 18 mars, une nouvelle cérémonie officielle se tiendra pour célébrer la sélection 2024 du Guide Michelin France. Si le livre rouge est devenu un repère pour les chefs et les consommateurs, il est encore entouré de mystères. Critères de sélection, formations des inspecteurs, tendances culinaires, le directeur international des guides gastronomiques Michelin passe à table. 

Comment expliquez-vous que la sortie du célèbre guide rouge soit toujours un marqueur dans l’année ? 

Gwendal Poullennec : Cela fait 124 ans que le Guide Michelin existe, il est devenu une institution auprès des Français qui sont passionnés de gastronomie et fiers de leurs terroirs. Ils savent qu’ils peuvent se fier à nos recommandations faites en toute indépendance grâce à nos inspecteurs.

Comment est-ce que la “marque” s’est diversifiée au cours des années ? 

G.P : Les Etoiles existent depuis les années 30 et leurs critères de sélection n’ont pas changé afin que nos lecteurs aient une continuité dans nos recommandations. Ces étoiles récompensent des établissements et plus précisément les chefs et leurs équipes. Pour valoriser le travail incroyable de celles-ci, nous mettons en avant des métiers spécifiques à la restauration pour leurs savoir-faire uniques et indispensables. C’est ainsi que chaque année nous récompensons les meilleurs sommeliers, pâtissier et service en salle par exemple. En plus des Etoiles, nous avons créé en 1997 les Bib Gourmands qui regroupent les meilleures adresses à prix maîtrisé, soit environ une quarantaine d’euros pour un menu complet. En 2020, pour répondre aux préoccupations de développement durable de plus en plus fortes des clients, nous avons lancé l’Étoile verte qui valorise les établissements modèles en termes de gastronomie durable. Au-delà des récompenses, le Guide s’est aussi adapté aux usages des clients puisqu’ils peuvent désormais trouver gratuitement toutes les adresses recommandées par les inspecteurs sur notre site Internet et sur notre application.

Nous avons encore en tête Louis de Funès dans L’Aile ou la Cuisse, mais au-delà des clichés qui fâchent ou font sourire, qu’est-ce qui constitue un bon inspecteur ?

G.P : Une inspectrice ou un inspecteur a déjà eu un parcours dans l’hôtellerie ou la restauration avant de nous rejoindre. Il doit avoir la passion de la gastronomie chevillée au corps car ils vont au restaurant midi et soir, 5 jours par semaine ! Cela peut faire rêver mais c’est un sacré travail d’être professionnel et discret à la fois. Cela leur prend deux à trois ans de formation aux côtés d’un inspecteur confirmé. Ils doivent également avoir un esprit ouvert et connaître les cultures culinaires d’un maximum de pays, c’est pour cette raison qu’ils voyagent dans le monde entier. Ils doivent être capables de juger de la qualité d’un restaurant que celui-ci se trouve dans sa culture locale ou au bout du monde.

Quelles sont les valeurs sur lesquelles les inspecteurs Michelin doivent porter leur attention pour justifier de leur évaluation ? Est-ce que ces critères ont évolué ?

G.P : Les inspectrices et inspecteurs ne jugent que l’assiette et rien que l’assiette. Les critères sont inchangés depuis leur création car ce qui compte pour que nos clients s’y retrouvent, c’est la constance de nos avis. Ils sont au nombre de cinq : la qualité des produits, la maîtrise des cuissons, l’harmonie des saveurs, la personnalité de la cuisine et la régularité dans le temps et sur le menu. Si des inspectrices/inspecteurs reviennent plusieurs fois dans un restaurant, le niveau doit rester le même que la fois précédente.

Chaque établissement est totalement libre d’exercer la cuisine qu’il souhaite : traditionnelle comme innovante. Le Guide Michelin n’a pas la prétention d’imposer un style de cuisine. Bien au contraire, nous encourageons la créativité. Celle-ci va de pair avec la passion qui anime les équipes en cuisine.

Comment définiriez-vous ce qui distingue les restaurants d’une, deux et trois étoiles Michelin ?

G.P : Il s’agit d’une graduation dans l’excellence de leur métier. Que les établissements reçoivent 1, 2 ou 3 étoiles, ils sont tous constitués de femmes et d’hommes aux doigts d’or. Je ne réinterprèterai pas la nomenclature car elle est immuable et sert de repère à nos inspecteurs, aux clients et aux équipes.

Tous les choix des inspecteurs sont de magnifiques découvertes. Attribuer un Bib Gourmand ou une première Étoile est toujours très émouvant car on sait que cette décision, prise de façon collégiale par tous les inspecteurs qui ont visité l’établissement, va changer le cours de la vie des établissements concernés. Tout va s’accélérer pour eux car ils vont être plus visibles. Ils vont ainsi peut-être embaucher un peu plus de personnel, vouloir refaire leur décoration… chacun doit évoluer à son rythme. Obtenir une Étoile, et la garder, est une course de fond.

Quelles tendances gastronomiques émergentes les inspecteurs du Guide Michelin ont-t-ils observées ?

G.P : On constate un réancrage gastronomique fort avec une génération de chefs qui a à cœur d’inclure  sa cuisine dans le patrimoine local. On note des inspirations venues d’ailleurs bien sûr mais l’actualité de réappropriation des cultures locales est très forte. Les pays nordiques en sont une magnifique illustration avec des produits locaux revisités de façon ultra-moderne.

Quels pays ou villes le Guide Michelin considère-t-il comme des destinations gastronomiques sous-estimées ?

G.P : Je peux vous donner l’exemple du Mexique pour lequel nos inspecteurs vont bientôt dévoiler leur sélection. Nous avons tous en tête les fameux tacos mais la gastronomie mexicaine va bien au-delà évidemment. Nos équipes y ont découvert des pépites avec de véritables talents. C’est ce qui est passionnant dans notre travail, découvrir de nouveaux territoires et le partager avec les gourmets du monde entier. Et il nous reste encore de nombreux pays à explorer !

Ce que peu de personnes savent, c’est que nous couvrons près de 45 destinations dans le monde : du Japon aux Etats-Unis, du Royaume-Uni à la Thaïlande mais aussi la Malaisie et l’Argentine. Pour tous ces pays, bénéficier d’une sélection des inspecteurs du Guide Michelin est un atout supplémentaire d’attractivité touristique. Les instances touristiques locales sont d’ailleurs très fiers lorsque nous proposons d’opérer une nouvelle sélection lorsque nos inspecteurs ont détecté un beau potentiel gastronomique.

Q’en est-il du département de l’Hérault ?

G.P : L’Hérault propose une offre gastronomique et gourmande qui se situe en nombre d’Etoiles Michelin et de Bib Gourmand dans une fourchette assez haute comparée à d’autres départements français. Plus de 23 tables distinguées honorent ce département pour la nouvelle sélection 2024. 

Avec 13 tables Etoilées et 10 Bib Gourmand, l’Hérault s’affirme comme une terre de gourmandise avec des chefs emblématiques comme les Frères Pourcel à Montpellier au Jardin des Sens, ou Gilles Goujon le chef 3 étoiles de Fontjoncouse qui pilote également le restaurant L’Alter-Native à Béziers. Hormis ces chefs emblématiques, une jeune génération a su se faire une place au soleil comme Granit-La Mécanique des Frères Bonano à Colombières-sur-Orb, The Marcel à Sète, mais également la table de la cheffe Amélie Darvas avec son associée en sommellerie Gaby Benicio qui portent le terroir tant au niveau gourmandise avec leur étoile que leur engagement pour une gastronomie durable récompensée d’une étoile verte. Bien entendu Montpellier, capitale régionale avec 5 tables étoilées reste une ville dynamique avec les restaurants Leclère, Pastis Restaurant, Reflet d’Obione et La Réserve Rimbaud. En conclusion, un département dynamique, vivant et gourmand riche d’un terroir de qualité et de chefs de talents.

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