Culture & Loisirs

Juin 1936, les premiers congés payés à la Une de l'Hérault Juridique

Le 20 juin 1936, il y a juste 80 ans, étaient adoptés par le…

Le 20 juin 1936, il y a juste 80 ans, étaient adoptés par le Parlement les congés payés de 12 jours pour tous les salariés français. Cette révolution hissa le monde ouvrier dans l’univers des loisirs qui lui était fermé, de la culture et du progrès social. Dans son édition du jeudi 4 août 2016 (n°3110), “l’Hérault Juridique” publie un dossier sur ce moment de l’histoire française collective qui rythme toujours nos étés… Dans une interview, l’historienne du droit Anne-Sophie Chambost souligne la portée philosophique des lois sociales issues des accords de Matignon, en particulier la loi instituant les congés payés…

Extrait du dossier publié dans l'”Hérault Juridique” du jeudi 4 août 2016 n°3110

La mesure la plus emblématique des accords de Matignon restera gravée dans l’histoire avec cette image du déferlement sur les plages des citadins.

En 1936, 600 000 bénéficiaires de billets de chemin de fer à tarifs réduits de 40 % rejoindront la mer, la montagne, la campagne – mais combien encore à vélo, en tandem ou « tacot », selon le mot de Blum, le visionnaire de cette émancipation du monde ouvrier, admis à la table des loisirs et de la culture.

Les congés payés, un projet de société

Pour l’historienne du droit à l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne, Anne-Sophie Chambost souligne la portée philosophique des lois sociales issues des accords de Matignon, en particulier la loi instituant les congés payés, derrière laquelle on peut discerner, selon elle, « un projet de société ». Entretien…

Quel est le contexte politique et social des lois de 1936 ?

Anne-Sophie Chambost : « Le contexte politique et économique, c’est une grave dépression économique suite à la crise de 1929, qui atteint la France au début des années 1930. Le monde politique est très divisé et le gouvernement incapable de répondre aux problèmes que soulève la crise. Les ligues d’extrême droite, puissantes – l’affaire Dreyfus n’est pas si lointaine – manifestent ensemble le 6 février 1934. Les partis républicains vont répondre par une contremanifestation trois jours plus tard, le 9 février, puis l’année suivante le 14 juillet 1935, où, pour la première fois, communistes et socialistes défilent ensemble. C’est le début d’un rapprochement où l’idée d’un programme commun se fait jour pour sauver la République de la tentation fasciste. »

C’est le Front populaire qui se dessine, mais sans pour autant qu’il y ait un programme déterminé ?

Anne-Sophie Chambost : « Aux législatives de mai 1936, un programme commun est adopté entre socialistes, radicaux et communistes ; un programme très light car ils sont à peu près d’accord sur rien. Ils remportent les élections et Léon Blum, promu président du Conseil, est installé, il faut le souligner, seulement un mois plus tard. Pendant ce temps naît un mouvement de grève très spontané et sans mot d’ordre, mais très important, qui atteindra jusqu’à 2 millions de grévistes à l’installation de Blum le 6 juin à Matignon. Déterminé à aller vite, Blum réunit le lendemain, le 7 juin, ce que l’on appelle aujourd’hui les partenaires sociaux, patronat et syndicats, aboutissant, dans la nuit, aux accords de Matignon. Au sortir de la réunion, Charles Picquemard, directeur de cabinet du ministre du Travail, formalise le projet dans la même nuit du 7 au 8 pour l’adresser au plus vite aux chambres. La première loi, adoptée le 20 juin, sera étonnamment celle instituant les congés payés. Ce qui est nouveau, c’est la rapidité avec laquelle ces lois sociales successives sont passées au Parlement qui, sous la Troisième République, mettait un temps infini à discuter et voter les lois. Les congés payés sont adoptés le 20 juin, la semaine de 40 heures le 21 juin, la loi sur les conventions collectives le 24 juin… »

Sous l’effet d’une grève qui lui donne un blanc-seing, Léon Blum a donc fait un coup ?

Anne-Sophie Chambost : « En fin politique, Blum sait jouer d’un calendrier social qui lui laisse peu de délai. Il sait qu’il a un coup à jouer rapidement sous la double pression de la grève et de sa gauche révolutionnaire, dont il se garde des débordements, étant, lui, dans une logique de réforme dans la légalité. Il agit dès son arrivée à Matignon. La grève peut expliquer cette rapidité du processus législatif : on n’avait jamais vu un mouvement de grève de cette ampleur. Georges Sorel a théorisé le mythe de la grève comme arme politique conduisant à la révolution, un marche-pied vers la révolution. C’est bien ce que redoute le Parlement. En 1936, le parti communiste est très puissant et sous une pression des Russes qui effraie, les patrons acceptent ; le Sénat plie aussi. »

Dossier réalisé par Daniel BRIGNON (L’Essor Affiches Loire) pour Réso Hebdo Eco et l’Hérault Juridique & Economique
www.facebook.com/resohebdoeco

Visuel : Une-du-magazine-Regards-29-juillet-1937- Credit : coll-musée-de-l’histoire-vivante

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