Entreprises

Le contrôle de l’activité partielle par l’administration et les sanctions applicables 

Julien Astruc, avocat associé à la SCP Doria Avocats, spécialiste en droit du travail, livre à l'HJE un compte rendu du webinaire Avosial du 9 juillet 2020 sur le contrôle de l’activité partielle par l’administration et les sanctions applicables.

La réunion, organisée sous la présidence de N. DE SEVIN, a porté sur l’ordre du jour suivant : le mécanisme de l’activité partielle et les évolutions à venir (par M. COTIS), les plans de contrôle de l’administration (par B. ESPINASSOUS) et les sanctions encourues (par L. CLAVREUL)

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Me Julien Astruc.

 

I – Le mécanisme de l’activité partielle et les évolutions à venir (par M. COTIS)

A l’heure actuelle, trois mécanismes d’activité partielle coexistent :
– l’activité partielle de droit commun ;
– l’activité partielle dérogatoire applicable jusqu’au 31 décembre 2020 ;
– l’activité partielle spécifique ou de longue durée prévue par l’article 53 de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020.

Durant la crise sanitaire 1,2 million d’établissements ont été placés en activité partielle.

1. Sur le mécanisme spécifique prévu à l’article 53 de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020

L’article 53 de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020 a « institué un dispositif spécifique d’activité partielle dénommé ‘‘activité réduite pour le maintien en emploi’’ destiné à assurer le maintien dans l’emploi dans les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable qui n’est pas de nature à compromettre leur pérennité. L’employeur peut bénéficier de ce dispositif sous réserve de la conclusion d’un accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de groupe ou de la conclusion d’un accord collectif de branche étendu, définissant la durée d’application de l’accord, les activités et les salariés concernés par l’activité partielle spécifique, les réductions de l’horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation à ce titre et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie, notamment pour le maintien de l’emploi. Un décret en Conseil d’Etat précise le contenu de l’accord. »

Au 9 juillet 2020, le décret en Conseil d’État est toujours attendu (lequel devrait être sensiblement différent du projet de décret qui nous a été transmis). Il doit être publié la semaine du 13 au 20 juillet. Ce mécanisme entrera, par conséquent, en vigueur non au 1er juillet 2020 mais dès la publication du décret au Journal Officiel.


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Le dispositif d’activité partielle visé à l’article 53 de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020 est régi par les dispositions spécifiques de l’article 53 de la loi du 17 juin 2010 et de son décret d’application et, pour tout le reste, par les dispositions de droit commun de l’activité partielle. Ainsi, par exemple, le contrat de travail sera suspendu pendant la durée de l’activité partielle et l’indemnité d’activité partielle sera exonérée de cotisations de sécurité sociale.

Par ce mécanisme, le gouvernement a souhaité, dès le 1er juillet, permettre aux entreprises de mettre en place une activité partielle de longue durée pour une durée de 2 ans maximum, plus précisément pour une durée de 6 mois renouvelable dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 36 mois.


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Ce mécanisme peut être mis en place :
– par accord d’établissement, d’entreprise, de groupe devant être validé par l’autorité administrative. M. COTIS a précisé qu’il est possible de négocier l’accord collectif selon les modes de négociation dérogatoire.
– par accord branche étendu. L’entreprise doit alors, après consultation du CSE, élaborer un document unilatéral de l’employeur conforme aux stipulations de l’accord de branche, définissant les engagements spécifiques en matière d’emploi et devant être homologué par le préfet du département où est implanté l’établissement concerné. A titre d’illustration, la branche de la métallurgie est d’ores et déjà en train de négocier un accord sur ce dispositif.


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L’accord collectif ou le document unilatéral de l’employeur devront apporter plusieurs informations et notamment :
– comporter un préambule exposant la situation économique de l’établissement, de l’entreprise ou du groupe conduisant à la mise en place de l’activité partielle et les perspectives d’activité ;
–  prévoir le volume maximum d’heures pouvant être chômées. En principe, la réduction de l’horaire de travail ne peut être supérieure à 40% de la durée légale, étant entendu que cette réduction s’apprécie salarié par salarié sur la durée de l’accord. Toutefois, et de manière exceptionnelle, sur décision de l’autorité administrative (a priori autre que celle de validation ou d’homologation), un dépassement peut être autorisé. En l’état, le projet de décret relatif au dispositif spécifique d’activité partielle pour les entreprises faisant face à une baisse durable d’activité ne prévoit pas de limite à ce dépassement. Pour autant, M. COTIS a indiqué que le décret allait être modifié pour permettre d’aller jusqu’à 50% si l’accord collectif le prévoit et si l’administration accorde une dérogation.
– comporter des engagements en termes d’emploi et de formation professionnelle. Deux cercles d’engagements sont à distinguer :
– un premier cercle portant sur les salariés subissant une réduction d’activité : leur contrat de travail ne peut être rompu pour un motif économique pendant la durée du dispositif, sous peine pour l’employeur de rembourser à l’État les sommes perçues au titre de l’allocation pour chaque salarié dont le contrat est rompu. Cette interdiction de licenciement résulte de la loi elle-même (article 2, 2ème alinéa du projet de décret) et non de l ’accord. Selon M. COTIS, la conclusion d’un accord portant rupture conventionnelle collective semble possible dans ce champ dans la mesure où il ne donne pas lieu à des licenciements.
– un deuxième cercle portant sur les autres salariés de l’entreprise ou de l’établissement : en principe, l’employeur est tenu de prendre un engagement de maintien dans l’emploi pour la totalité des salariés de l’entreprise, sauf si l’accord collectif prévoit que cet engagement s’applique à un champ plus restreint. Si leur contrat de travail est rompu pour un motif économique, l’employeur sera contraint de rembourser à l’État les sommes perçues au titre de l’allocation octroyée dans le cadre de la mise en place de ce dispositif à due proportion du nombre de ruptures de contrat de travail intervenues pendant la durée du dispositif.


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Selon M. COTIS, il est possible de restreindre le champ du maintien de l’emploi à certaines catégories d’emplois ou de salariés si l’accord le prévoit, étant précisé que ce régime d’activité ne peut être individualisé. Ainsi, des licenciements économiques prononcés dans un champ différent de celui visé par l’accord seraient possibles.

A ce titre, un PSE ne pourrait pas être valablement conclu sur le périmètre concerné sous peine pour l’employeur de devoir rembourser les sommes perçues au titre de l’activité partielle.

L’allocation d’activité partielle dépend de la date de transmission de l’accord collectif :
– si l’accord collectif est transmis avant le 1er octobre 2020, le taux horaire de l’allocation d’activité partielle à la charge de l’Etat s’élève à 60% de la rémunération brute du salarié, dans la limite de 4,5 fois le SMIC horaire, soit 45,67€.
– à compter du 1er octobre 2020 : le taux horaire sera de 56% de la rémunération horaire brute, étant précisé que ce taux horaire ne peut être inférieur à 7,23€.


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Les évolutions des autres dispositifs

Le mécanisme de l’activité partielle a évolué au 1er juin 2020 et sera amené a évolué, à nouveau, au 1er octobre 2020 (un décret en Conseil d’Etat devrait être pris dans les prochaines semaines). Les entreprises ayant déjà obtenu de la DIRECCTE une autorisation allant au-delà du 1er octobre pourront toujours bénéficier du mécanisme de l’activité partielle mais le régime applicable au 1er octobre 2020 s’appliquera à elles, et ce peu importe le moment de leur demande.

Les entreprises ont la possibilité de prolonger les autorisations obtenues de la DIRECCTE par voie d’avenant. Toutefois, à partir du moment où le nouveau dispositif entrera en vigueur, de nouveaux engagements devront être pris. Ainsi, il peut être opportun, durant cette période transitoire, pour les entreprises de commencer à négocier avec les partenaires sociaux les engagements devant être pris.

Depuis le 1er mai 2020, ne peuvent plus faire l’objet d’un arrêt de travail dérogatoire, mais peuvent être placés en activité partielle :
– les salariés « personnes vulnérables » et les salariés partageant le même domicile qu’une personne vulnérable et,
– les salariés parents d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.

S’agissant de la fin de ce dispositif, il faut distinguer selon le motif de mise en activité partielle :
– s’agissant des personnes vulnérables ou partageant le même domicile qu’une personne vulnérable : le dispositif d’activité partielle se poursuit, et à l’heure actuelle, aucune date de fin n’est encore prévue ;
– sur l’activité partielle « garde d’enfants » : le dispositif d’activité partielle a pris fin depuis le dimanche 5 juillet 2020, date correspondant aux vacances scolaires.


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II. Les plans de contrôle (Par B. ESPINASSOUS)

Avant la mise en activité partielle, l’employeur doit adresser, au préfet du département où est implanté l’établissement, une demande préalable d’autorisation d’activité partielle. Or, et au vu du nombre de demandes dont a été saisie les DIRECCTE, a été mis en place un système de validation rapide du mécanisme. Le corollaire de cette rapidité est la mise en place d’un plan de contrôle a posteriori des établissements ayant eu recours à l’activité partielle.

Les plans de contrôle prévoient un ciblage de certaines entreprises :
– les entreprises situées dans des secteurs d’activité particuliers (SSII, BTP, etc.) ;
– les entreprises ayant consommé un volume important d’activité partielle ;
– les entreprises ayant renseigné des taux horaires élevés ;
– les entreprises ayant articulé télétravail et activité partielle durant la crise sanitaire avec un focus sur les entreprises employant une majorité de cadres.

A l’heure actuelle, 14.000 contrôles et 7 procédures pénales ont d’ores et déjà été engagés.

Plusieurs agents sont susceptibles de procéder au contrôle :
– les agents de l’ASP ;
– les agents en charge de l’activité partielle au sein de la DIRECCTE ;
– les agents de l’inspection du travail ;
– les agents d’autres unités de contrôle comme les inspecteurs URSSAF pour le redressement au titre de cotisations sociales non versées ou encore les forces de police pour les délits d’escroquerie ou l’OCLTI (Office central de lutte contre le travail illégal) pour la lutte contre le travail dissimulé.

Généralement, les agents en charge de l’activité partielle exercent un contrôle sur pièces et peuvent, notamment exiger l’accès aux ordinateurs des salariés. Parfois, un contrôle complémentaire peut être mené par les agents de l’inspection du travail lorsque le dossier examiné dans le cadre du contrôle sur pièces semble révéler un cas de fraude complexe dont l’approfondissement demande une mobilisation de moyens et de pouvoirs d’enquête excédant ceux des agents des services en charge de l’activité partielle. Dans le cadre de leur droit de communication, les agents de l’inspection du travail peuvent avoir accès aux boîtes e-mails des salariés.

L’administration a également prévu l’accompagnement des entreprises dans la régularisation de leur déclaration. Cette régularisation s’opère directement via un onglet spécifique sur le site internet (APART) où a été effectuée la demande d’indemnisation. Seuls seront sanctionnés les établissements n’ayant pas agi de bonne foi.

Les contrôles peuvent mener à différentes conclusions :
– en cas de détection d’une fraude avérée, les agents en charge de l’activité partielle dressent un procès-verbal pouvant conduire à des sanctions pénales et administratives ;
– en cas de suspicion de fraude, les agents s’adressent à l’administration du travail, qui dispose de moyens étendus afin de procéder au contrôle.


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III. Les sanctions encourues (Par L. CLAVREUL)

Plusieurs sanctions peuvent être prises à l’encontre des entreprises ayant eu recours à l’activité partielle de mauvaise foi. En effet, au titre du droit à l’erreur, l’entreprise peut régulariser les demandes d’indemnisation payées dans un sens favorable ou défavorable à l’entreprise. A l’issue du contrôle, en cas d’irrégularité, plusieurs sanctions pourront être prises…

Sanctions administratives

– le retrait de la décision administrative d’autorisation de recours à l’activité partielle lorsque l’autorisation de la demande d’activité partielle s’avère illégale puisque l’entreprise n’en remplissait pas les conditions. Toutefois, ces cas restent relativement marginaux au vu de l’importance de la sanction ;
– le retrait de la décision administrative d’indemnisation lorsque les conditions d’octroi de l’activité partielle n’ont pas été respectées. Dans ce cas, l’entreprise doit non seulement rembourser les sommes perçues au titre de l’allocation d’activité partielle, mais également payer les salaires et les cotisations sociales ;
– l’exclusion de certaines aides sociales d’Etat pendant une durée maximale de 5 ans ;
– le remboursement des sommes perçues au titre de l’activité partielle au cours des 12 derniers mois.


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Sanctions pénales

– la fausse déclaration prévue à l’article L.5124-1 et L.8211-1 du code du travail. La peine encourue s’élève à 2 ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende ;
– l’escroquerie (faux salariés, faux bulletins de paye, etc.) prévue l’article 313-1 du Code pénal, « l’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et 375.000€ d’amende. »
– le travail dissimulé (déclaration d’heures qui ne correspondent pas aux heures réellement travaillées) prévu aux articles L. 8221-1 et s. du Code du travail. La peine encourue s’élève à 3 ans d’emprisonnement et 45.000€ d’amende.

Julien ASTRUC
Avocat associé Doria Associés
Spécialiste en droit du travail
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