Entreprises

Le point sur la directive européenne sur le travail détaché

S’il est un sujet qui a souvent été évoqué, c’est celui de la directive sur le détachement des travailleurs européens. Mais où en est-on exactement ?

Au commencement était la directive européenne 96/71/CE du 16 décembre 1996, ainsi que celle du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à son exécution (2014/67/UE). Le principe de ces textes : les travailleurs dits « détachés » étaient envoyés provisoirement par leurs employeurs dans un Etat membre de l’Union européenne pour poursuivre leurs fonctions dans cet Etat. Une entreprise pouvait, par exemple, remporter un contrat dans un autre pays et décider d’envoyer ses employés exécuter ce contrat sur place. Certaines conditions étaient cependant indispensables : le lien de subordination devait demeurer avec l’employeur étranger (le travailleur étranger devait être payé par l’entreprise étrangère et recevoir ses ordres unique- ment de cette dernière) ; le travailleur étranger ne pouvait avoir été embauché juste pour son détachement (« travaillant habituellement… »). Et l’entreprise devait être « habituellement » installée dans le pays étranger (si elle venait juste de s’y délocaliser, ses collaborateurs ne pouvaient bénéficier du statut de détaché). La durée du détachement était limitée (entre 12 et 24 mois). Cette directive a été transposée en droit français (articles L. 1261-1 à L. 1263-2 du Code du travail).

Si ces éléments étaient cumulativement respectés, la directive prévoyait deux aspects : la prestation de services devait se faire aux conditions d’emploi du pays d’accueil (les travailleurs détachés bénéficiaient du salaire minimum du pays concerné et de ses congés ; ainsi, un travailleur irlandais détaché en France devait toucher au moins le smic français). En revanche, les charges sociales appliquées au contrat étaient celles du pays d’origine (ce qui, concrètement, permettait à une entreprise d’employer des travailleurs à moindre coût dans des pays aux charges sociales bien plus élevées).

Bizarrement donc, au niveau du droit du travail, le salarié détaché dépendait de la législation du pays d’accueil. En matière de protection sociale, il demeurait en revanche régi par les dispositions de l’Etat d’origine. Or, cette situation entraînait un manque à gagner pour les organismes de sécurité sociale français (rappelons que la France est soumise à un taux de charges sociales de 51,7 %, contre 39,4 % en Allemagne, 26 % en Pologne et 17,9 % en Croatie…).

On ne dira jamais suffisamment que c’est la France qui a souhaité la directive européenne de 1996, afin de continuer de faire bénéficier les salariés français, détachés dans un pays européen, de la protection sociale française. Toutefois, avec l’intégration progressive des anciens pays de l’Est au sein de l’UE, à la main-d’œuvre bon marché, la donne a complètement changé. Et le système, avantageux pour les salariés français détachés, s’est subitement révélé défavorable pour notre système économique national.

Dès lors, le gouvernement français n’a eu de cesse de chercher à obtenir une modification de la directive. Deux ans de discussions ont été nécessaires pour aboutir à un nouveau texte ayant pour objet de « garantir une meilleure protection des travailleurs détachés et une concurrence loyale pour les entreprises » (directive UE 2018/957). Cette directive du 28 juin 2018 devra être transposée dans les droits nationaux dans les deux ans.

Ce qui va changer

En France, l’article 93 de la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » permet de transposer cette dernière directive par ordonnances. Désormais, il est prévu une durée de détachement maximum de 12 mois, auxquels pourront être ajoutés six mois supplémentaires, en justifiant le besoin au pays d’accueil. Le principe du « salaire égal à travail égal au même endroit » doit s’appliquer. Cela signifie que la rémunération des travailleurs détachés ne devra plus seulement respecter les minima légaux du pays d’accueil, mais être égale au salaire des travailleurs locaux, et également intégrer toutes les primes et indemnités auxquelles ceux-ci ont droit (prime de froid, de pénibilité, d’ancienneté, treizième mois, par exemple) ; des frais non déductibles du salaire (nourriture, transports, frais de déplacement, logement…) sont prévus. Les Etats membres auront la possibilité d’accorder aux travailleurs détachés la couverture des conventions collectives représentatives dans tous les secteurs (ce qui n’est le cas, aujourd’hui, que dans la construction – cependant le secteur du transport routier est exclu de cette nouvelle directive).

Autre objectif de la nouvelle directive : le renforcement de la lutte contre les fraudes. Ainsi, un salarié devra avoir été affilié à la sécurité sociale de son Etat d’origine pendant au moins trois mois, pour être régulièrement détaché. De plus, les échanges entre Etats membres seront également renforcés, via la plateforme européenne de lutte contre le travail non-déclaré, et demain l’Autorité européenne du travail, afin de mieux identifier les fraudes et les contournements.

Si toutes ces conditions sont réunies, le salarié détaché, s’agissant de la protection sociale… demeurera régi par les dispositions de l’Etat d’origine. Autrement dit, cette nouvelle directive est loin de régler tous les problèmes…

François TAQUET,
avocat, spécialiste en droit du travail et protection sociale


La loi Avenir professionnel publiée

Un peu plus d’un mois après son adoption définitive, la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » qui comprend la réforme de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’assurance-chômage a été publiée au journal officiel du 6 septembre. L’essentiel des dispositions a été validé deux jours plus tôt par le Conseil constitutionnel. Les sages ont censuré plusieurs « cavaliers » législatifs (sans lien avec les dispositions de projet initial), parmi lesquels : l’adoption d’une charte pour les plateformes de l’économie collaborrative (telles que Deliveroo) ou, concernant la fonction publique, la possibilité d’ouvrir les emplois de direction aux contractuels, et la mesure permettant de prolonger la durée des contrats professionnels de jeunes sportifs, ainsi que la disposition qui autorisait le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances « pour redéfinir les missions, l’organisation et le financement des institutions, organismes et services concourant à l’insertion et au maintien dans l’emploi des personnes handicapées ». B.L.

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