Innovation

Le télétravail, un challenge pour les entreprises

Le télétravail constitue pour les entreprises un nouveau challenge, en réponse aux attentes des jeunes salariés, qui souhaitent une amélioration de la qualité de vie au travail. L'occasion d'affirmer une politique claire pour sa mise en place, alors que les ordonnances Travail ont assoupli les règles pour y recourir.

Le dispositif légal

Apparu avec l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005, le télétravail a été repris dans le cadre de la loi de 2012 relative à la simplification et à l’allègement des démarches administratives. Mais sa mise en place restait contraignante (nécessité d’un accord collectif, avenant au contrat de travail…). Conscient du déploiement du télétravail informel, le législateur a engagé, en 2017, une concertation sur le développement du télétravail et du travail à distance. C’est ainsi que l’ordonnance Macron de septembre 2017, relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, a prévu des mesures tendant à favoriser son recours. Ces dispositions qui ont été reprises, légèrement modifiées, par la loi de ratification du 29 mars dernier, sont codifiées aux articles L. 1229-9 et suivants du code du Travail.

Le télétravail désigne «toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication…», cette nouvelle définition, plus souple, tient compte des pratiques déployées par les entreprises, et permet de favoriser son recours, dans un cadre juridique moins contraignant.

En pratique, une charte pour l’organiser

Après une réflexion sur la réduction de la durée du travail, il convient maintenant de s’interroger sur les modes d’organisation du travail, qui évoluent de plus en plus rapidement et de manière assez significative, et sur leur mise en place dans l’entreprise. La création de nouveaux métiers, qui résultent notamment du développement des nouvelles technologies, et l’arrivée des «digital natives » (18-35 ans) sur le marché du travail amplifient cette nécessaire adaptation. L’analyse des avantages et des inconvénients, première phase de réflexion, semble globalement favorable au télétravail, du point de vue des entreprises (hausse de la productivité et de la performance individuelle, réduction de l’absentéisme et des retards, mise en place des nouveaux outils collaboratifs, souplesse en cas d’événements ponctuels et extérieurs à l’entreprise, pic de pollution…), comme des salariés (amélioration de la qualité de vie au travail, économie du temps de trajet, meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, autonomie et souplesse dans l’organisation du travail…) .

En outre, depuis la loi de ratification du 29 mars 2018, l’article L. 1222-9 du code du Travail dispose qu’« en l’absence d’accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen ».

Par cette simplification à l’extrême, la mise en place du télétravail est donc devenue un moyen rapide et légal de répondre à des demandes (par exemple en cas de grève des transports). En pratique toutefois, il paraît indispensable, à tout le moins, d’établir un échange de courriels ou de SMS pour conserver un moyen de preuve.

Au-delà, il peut être utile de rédiger une Charte du télétravail afin d’organiser les conditions de recours et les modalités de mise en place du dispositif. Pourront ainsi être envisagés : les modalités d’accès à distance aux applications internes (tout en respectant les règles du règlement européen sur la protection des données ou RGPD), la pratique sécurisée du BYOD1, l’éligibilité des postes, les droits des télétravailleurs (notamment la question de l’accident du travail)et les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution2…

Par ailleurs, outre de nécessaires adaptations techniques, des questions se posent en matière de management. Comment fixer des objectifs ? Comment gérer les équipes qui travaillent alternativement localement et à distance ? Quid de l’équité si tous les salariés ne sont pas favorables au télétravail ? Enfin, la charte permettra également aux entreprises de réfléchir au droit à la déconnexion et, ainsi, d’appréhender les risques et opportunités liés à la transition numérique.

Le télétravail devient donc un outil incontournable et attractif. Il peut s’agir d’un argument déterminant dans les recrutements. Il doit toutefois faire l’objet d’une vraie réflexion, afin de répondre aux attentes des générations Y qui arrivent sur le marché du travail, tout en optimisant les méthodes de production de l’entreprise…

Anne MARLIERE-LEBOSSE, avocate en droit social

 

 

Une réponse aux nouvelles demandes d’organisation du travail

Dans le cadre de l’Observatoire Enedis, Harris Interactive s’est penché sur ce phénomène en invitant, en mars, un échantillon représentatif de 1 000 Français à se prononcer sur la question du travail à distance. Au regard de la perméabilité entre vie professionnelle et vie privée qui reste très forte chez les cadres (74 % d’entre eux consultent leurs courriels professionnels et 59 % poursuivent leur travail chez eux, au moins une fois par semaine), un actif sur deux (51 %) apprécierait le fait de combiner télétravail et temps passé dans l’entreprise. Quant à ceux qui le pratiquent déjà, 65 % montrent une préférence pour la combinaison des deux modes de travail, contre 12 % souhaitant travailler uniquement depuis leur domicile.

 

Optimisation du temps de travail et autonomie

Pour la majorité des personnes sondées, les avantages du travail à distance portent à la fois sur l’optimisation du temps de travail, la flexibilité et la liberté qu’il sous-tend ou encore sur la responsabilité et l’autonomie qu’il procure. Selon l’enquête, six Français sur dix affirment que le principal bénéfice du recours au télétravail réside dans une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle. Ces avantages doivent également s’accompagner de conditions de travail optimales. Selon 60 % des télétravailleurs, la mise à disposition d’un équipement technologique adéquat (ordinateur, téléphone portable) est jugée comme une priorité. La confiance de l’entreprise (42 %) et du responsable hiérarchique (33 %) est un autre critère important.

Risque d’isolement

56 % des actifs qui pratiquent le télétravail affirment qu‘il y a un risque important de voir la frontière entre vie professionnelle et vie privée devenir plus opaque. Les autres freins identifiés par ces derniers reposent à la fois sur l’isolement et le faible sentiment d’appartenance à l’entreprise. A contrario,la distance n’aurait que peu ou pas d’impact sur la productivité ou encore sur l’évolution des carrières.

Romain MILLET

 

1 – Bring your own device, utilisation des équipements informatiques personnels dans un cadre professionnel.
2 – Article L. 223-1 du code de l’Environnement (ajout effectué par la loi de ratification).

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