Les acteurs et les outils contre la cyber-contrefaçon

Dans le cadre de la lutte contre la cyber-contrefaçon qui s'organise, divers acteurs interviennent et des outils existent, à disposition des entreprises créatrices et des marques, pour anticiper et prévenir.

Les rôles des institutions et autorités administratives

En France, diverses institutions et autorités administratives sont chargées de lutter contre la contrefaçon sur Internet, notamment, la cyberdouane et les cybergendarmes, dont les agents sont spécialisés en nouvelles technologies. Les cyberdouaniers sont ainsi habilités à acheter des marchandises sur Internet, sous une fausse identité, afin d’obtenir des informations sur le réseau et de remonter les flux financiers. Les cybergendarmes peuvent, quant à eux, initier une action pénale suite aux plaintes des victimes de contrefaçon et saisir les biens du cyberdélinquant.
Plus particulièrement, en matière de lutte contre la violation des droits d’auteur et droits voisins sur internet, l’HADOPI (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) a mis en place une procédure de «réponse graduée» qui repose sur l’envoi, par courrier électronique puis par lettre remise contre signature, de plusieurs messages d’avertissement aux titulaires des abonnements Internet. Cette procédure vise à sanctionner les échanges illicites d’œuvres protégées et peut aboutir, après délibération, à la transmission du dossier au parquet pour négligence caractérisée dans la sécurisation de son accès Internet (amende de 1 500 euros). Néanmoins, dans son rapport publié en octobre 2015, le Sénat a sollicité la suppression de l’HADOPI, estimant qu’elle n’a pas apporté la preuve de son efficacité en tant que gendarme de l’Internet et que les moyens de lutte contre le piratage au travers du mécanisme de réponse graduée sont inopérants.
Concernant la lutte contre la contrefaçon de marques, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) recherche et constate les infractions. Suite aux réclamations de professionnels ou de consommateurs, elle réalise des enquêtes sur la voie publique et dans les lieux à usage professionnel. A cette occasion, ses agents peuvent exiger la communication de documents et saisir des échantillons de produits suspects.
Autre acteur engagé dans la lutte contre la contrefaçon de marques sur Internet, l’AFNIC (Association française pour le nommage Internet en coopération), qui, à ce titre, peut geler ou bloquer un nom de domaine contrefaisant, à la demande du juge ou dans le cadre de la résolution amiable d’un litige. En outre, elle met à disposition des ayants-droit des procédures extra-judiciaires de résolution des litiges et reçoit les demandes de levée d’anonymat ou de vérification des données relatives aux titulaires des noms de domaine.

Des outils préventifs et précontentieux

Afin d’anticiper et de prévenir la contrefaçon, le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle peut effectuer une demande d’intervention auprès des douanes, fondée sur le Règlement UE 608/2013 ou sur le code de la Propriété intellectuelle français. Cette démarche donne aux douanes la possibilité de retenir les marchandises suspectées de porter atteinte aux droits du demandeur.

Le titulaire peut également marquer ses produits pour assurer leur traçabilité et prouver leur authenticité ou mettre en place une veille afin de déceler d’éventuelles contrefaçons.

Lorsqu’une contrefaçon est détectée, il est recommandé au titulaire d’un droit, avant toute action en justice, d’envoyer une lettre de mise en demeure à l’auteur des faits, pour l’informer de l’existence de droits antérieurs et l’inciter à s’exécuter volontairement. Une mise en demeure peut donc permettre d’éviter un contentieux et de faire cesser la contrefaçon rapidement. En tout état de cause, préalablement à toute action contentieuse, il convient de constituer une preuve de la contrefaçon. Pour ce faire, il est possible de recourir à la procédure de saisie-contrefaçon (procédure non-contradictoire nécessitant l’autorisation du juge et garantissant l’effet de surprise) ou de demander à un huissier de justice d’établir un constat d’achat.
Enfin, le juge peut ordonner toute mesure propre à prévenir ou à faire cesser un dommage ou une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin, occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne (conformément à l’article 6.I.8 de la LCEN et à l’article L. 336-2 du code de la Propriété intellectuelle).

Le critère de la matérialisation du dommage

Dans l’hypothèse d’une action en contrefaçon, la victime qui a subi un préjudice en France pourra saisir le juge français, alors même que les faits de contrefaçon ont été commis sur un site Internet étranger non dirigé vers la France. C’est la position adoptée par la Cour de Justice de l’Union européenne, en 2015, dans une affaire où elle a en effet estimé que les juridictions autrichiennes étaient compétentes au titre du lieu de matérialisation du dommage, alors même que la contrefaçon avait été commise sur un site Internet allemand non destiné à l’Autriche1.

Des sanctions dissuasives

La contrefaçon engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer intégralement le préjudice subi. Pour fixer les dommages et intérêts, le juge prend donc en considération les conséquences économiques négatives (dont le manque à gagner et la perte subie), le préjudice moral (atteinte à l’image ou à la réputation) et les bénéfices réalisés par le contrefacteur. Il peut toutefois allouer une somme forfaitaire dont le montant ne peut être inférieur à celui des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser ce droit2. De surcroît, le juge peut prononcer la publication du jugement et ordonner la confiscation ou la destruction des produits contrefaisants aux frais du contrefacteur.

La contrefaçon est également un délit pénal qui expose le contrefacteur à une peine de trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende (1,5 million d’euros pour les personnes morales). Et elle peut faire l’objet de sanctions douanières : confiscation des marchandises, des moyens de transport et des objets ayant servi à masquer la fraude, amende pouvant aller jusqu’à deux fois la valeur de la marchandise et peine d’emprisonnement de trois ans.

Blandine POIDEVIN, avocat, spécialiste des technologies
de l’information et de la communication, et Christine VROMAN, avocat

1 – CJUE, affaire C‑441/13, 22 janvier 2015.
2 – Loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon.

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