Cuisine et vins — Montblanc

Montblanc : passation de pouvoir chez les Vignerons Indépendants de l'Hérault, Cécile Gairaud nouvelle capitaine de l'aventure viticole

Le 18 décembre dernier, les Vignerons Indépendants de l'Hérault ont tenu leur Assemblée Générale à Servian. Ce moment a également marqué un relais de direction, en effet M. Luc Cauquil, qui a assuré la direction pendant 26 ans, a passé le flambeau à Cécile Gairaud.

5 questions à Cécile Gairaud, nouvelle directrice des Vignerons Indépendants de l’Hérault.

A la tête du syndicat depuis quelques mois, pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

Issue d’une formation juridique je dispose d’un double cursus : Magistère D.J.C.E. et Master II en droit des affaires ainsi que du diplôme d’avocat. J’ai exercé pendant plusieurs années en cabinet d’avocats d’affaires tout en développant une activité d’enseignement ce qui m’a conduit à diriger ensuite un organisme de formation professionnelle continue. J’ai par la suite rejoint le monde de l’entreprise en tant que conseil juridique puis directrice de service juridique dans des structures et des domaines d’activités très différents. J’ai découvert le milieu viticole en 2015 lors d’un remplacement que j’ai effectué sur le poste de juriste au syndicat, j’avais alors pu me familiariser avec les particularités juridiques et fiscales de ce secteur. J’y ai retrouvé des valeurs que je partage et qui me sont chères comme l’authenticité, le travail, l’humanité, la solidarité́. Le métier de vigneron est un métier de passion, de transmission où les valeurs sont importantes. Participer aujourd’hui à défendre les intérêts des vignerons indépendants, à mettre en place des actions ou services pour les aider au quotidien dans leur métier, cela correspond au sens que je souhaitais donner à mon engagement professionnel.
Il est primordial pour moi de savoir pourquoi je me lève le matin pour aller travailler et de savoir qu’à mon niveau, je peux être utile à une profession qui existe depuis des millénaires, qui travaille dur, produit, innove, s’adapte et se diversifie pour perdurer et transmettre à travers son vin toute une histoire.

Le monde du vin traverse une crise depuis plusieurs années. Quels sont les principaux défis actuels auxquels font face les vignerons de l’Hérault ?

Entre les aléas climatiques récurrents, la crise Covid ou encore la guerre en Ukraine impactant le coût des matières premières et générant de l’inflation, ils doivent en plus faire face à un changement des modes de consommation des français. Le manque d’eau et la sècheresse constituent un problème majeur dans notre département sur lequel les politiques publiques et le syndicat travaillent. Le syndicat en partenariat avec le département et les autres acteurs de la filière est en train de mettre en place des actions d’accompagnement des viticulteurs dans le développement de nouvelles pratiques notamment en matière d’agroécologie afin de les aider à faire évoluer leurs modes de production pour s’adapter au mieux au changement climatique. La conquête de nouvelles parts de marché, en France et à l’export est nécessaire face au phénomène sociétal actuel auquel nous assistons à savoir un changement des modes de consommation.
Nous constatons une tendance à la déconsommation de vin rouge notamment chez les jeunes et une diminution générale de la consommation d’alcool avec une réorientation vers des boissons à faible teneur en degré́ alcoolique. Le vigneron va devoir s’adapter à ces nouvelles tendances et proposer des vins adaptés. Concernant la résilience économique, les vignerons doivent faire face à l’inflation qui impacte à la fois leur marge compte tenu de l’augmentation du coût des matières premières mais qui grève également le pouvoir d’achat des consommateurs qui achètent moins. Dans un contexte d’urgence environnementale, sanitaire et sociale, il est primordial d’essayer de faire émerger des alternatives viables pour la viticulture et l’agriculture en général, piliers indispensables de la société. L’idée étant : conquérir plutôt que subir et périr !

En novembre dernier, l’Assemblée a voté une aide de 20 millions d’euros, que pensez-vous du fonds d’urgence ouvert aux vignerons en difficulté économique ?

Cette mesure d’urgence est nécessaire mais largement insuffisante si elle souhaite s’adresser, comme cela a été indiqué́, à tous les viticulteurs en difficulté.
La filière vin demande un redimensionnement à 80 millions € de ce fonds d’urgence afin de répondre aux besoins de soutien des trésoreries des viticulteurs mises à mal avec les aléas climatiques auxquels ils ont dû faire face en 2023. Les vignerons sont confrontés à des difficultés économiques importantes liées aux doubles phénomènes : d’une part de la déconsommation de vin en France et d’autre part de l’inflation qui impacte le pouvoir d’achat des consommateurs et augmente considérablement les coûts de production de nos viticulteurs avec par exemple l’envolée des prix sur les matières sèches. Ce fonds d’urgence doit être couplé avec une mesure d’absorption des frais bancaires, communément appelée « année blanche », ainsi qu’avec l’arrachage temporaire. Ces mesures sont vivement attendues et font partie des initiatives discutées par le ministre de l’Agriculture lors de sa visite au SITEVI à Montpellier à la fin du mois de novembre dernier. Nous attendons maintenant de savoir quelles seront les mesures annoncées le 2 février par le Ministre lors de son retour dans notre département sachant qu’il est urgent d’agir.

Les salons des vignerons indépendants de Paris, Lille, Reims, Lyon ou encore Clermont Ferrand génèrent-ils des retombées économiques significatives pour les vignerons ?

Les salons « grand public » organisés par les Vignerons Indépendants à l’automne dernier ont connu une recrudescence en termes de fréquentation de l’ordre de +10%, ce qui démontre bien l’intérêt et l’importance du lien direct entre le consommateur et le producteur. En effet, les consommateurs français, bien qu’impactés par l’inflation et dont les habitudes de consommation évoluent, sont en recherche d’authenticité, de découverte du terroir et de produits locaux auprès de nos exploitants. Le succès de ces salons témoigne de la confiance des consommateurs dans le vin d’artisan et la marque « vigneron indépendant ».

Comment envisagez-vous l’avenir de l’industrie vinicole dans l’Hérault, et quel rôle jouent les Vignerons Indépendants dans cette vision à long terme ?

Le département de l’Hérault est le 1er département de France en volume de production viticole avec 4 millions d’hectolitres en 2023. Le poids économique de la filière vin dans notre territoire est majeur et constitue un enjeu à l’échelle du département. La fédération départementale a vocation à mettre en œuvre le plan filière des vignerons indépendants porté par notre confédération et qui répond à 3 axes : la résilience économique, la résilience climatique et la conquête de nouvelles parts de marché. La fédération départementale des Vignerons Indépendants de l’Hérault a pour rôle de soutenir les vignerons adhérents et de les aider au quotidien dans leurs activités en leur proposant différents services adaptés à leurs besoins. Nous sommes également acteur et force de proposition auprès des élus locaux, départementaux, régionaux et nationaux via la force et le poids de notre confédération nationale également représentée via la CEVI (confédération européenne des vignerons indépendants) à la commission européenne à Bruxelles. Notre force réside dans notre unité et celle de toute la filière en cette période compliquée pour nombre de nos vignerons. Je crois en la capacité́ de rebond et en la faculté́ de résilience des vignerons : femmes et hommes passionnés, de conviction et ayant l’esprit d’entreprise. Les vignerons indépendants représentent 60 % de la production viticole française, ils sont au plus près des consommateurs et ont la capacité́ d’adapter leur production et leur mode de vinification à des spécificités uniques. Je terminerais en relayant l’appel à la résistance initié par notre président national, Jean-Marie Fabre : « Il faut résister mais aussi innover et créer. Créer, c’est résister. Résister, c’est créer. »

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