Entreprises — Montpellier

Montpellier : la valeur travail passée au crible d'un webinaire du Florian Mantione Institut

A l’heure où l’on parle beaucoup de démission silencieuse ("quiet quitting"), un webinaire du Florian Mantione Institut a permis de faire le point, le 9 mars dernier, sur la valeur travail…

Une évolution

Au fil des années, les recruteurs ont vu la valeur travail changer. Augustin Valero, du Florian Mantione Institut, qui animait le webinaire avec Jean-Christophe Bédos, explique : “On observe des attentes et comportements nouveaux, une certaine infidélité professionnelle aussi bien de la part des collaborateurs que des entreprises. Les futurs collaborateurs ont des exigences plus importantes (pas seulement sur les salaires, mais aussi sur les conditions de travail, sur la mission de l’entreprise). Les salariés veulent mettre du sens et du contenu sociétal dans leur travail. Les reconversions professionnelles sont plus nombreuses. Et de nombreuses tensions sont nées : certains métiers sont devenus moins attractifs (commerciaux, emplois juridiques, experts-comptables, informatique…)”.

Pourquoi une telle évolution ? Le passage aux 35 heures, le développement de l’envie de loisirs, tout comme le désir de trouver un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle n’y sont sans doute pas étrangers. Le Covid a également rebattu les cartes, enseignant aux collaborateurs que la présence sur site n’est pas une obligation. La précarisation de l’emploi et l’émergence de travailleurs pauvres ont démontré que l’on pouvait s’échiner à travailler sans pour autant être rémunéré suffisamment. La discrimination au travail envers les jeunes, les seniors, les femmes et le racisme démotivent certains salariés. Les phénomènes de burn-out, de perte de sens se développent. On commence à refuser les bullshit jobs.

Travail et bonheur

On n’a jamais autant recherché le bonheur au travail, selon Augustin Valero. Il cite des tendances récentes qui le prouvent : la naissance du métier de Chief Happiness Officer qui renforce l’injonction de trouver son bonheur au travail, la multiplication des techniques de développement personnel dans les entreprises (formations, recherche de l’accomplissement de soi), le recours massif aux bilans de compétences pour se reconvertir, le développement du coaching… Les notions de burn-out (surmenage professionnel), bore out (ennui au travail), brown out (perte de sens au travail) et bullshit job (sentiment que l’on exerce un métier “à la con”, avec des tâches inutiles, superficielles et vides de sens) sont de plus en plus répandues. Peut-être vaut-il mieux alors chercher le bien-être plutôt que le bonheur au travail, parce que le bonheur ne dépend pas que du contexte salarial, même s’il y contribue.

Des visions différentes

Les quadras et les générations précédentes voient le travail comme la base de l’économie, un moyen d’intégration sociale, une source de revenus et la possibilité d’accéder à la consommation et à la reconnaissance. Ils y attachent les notions positives et valorisantes de devoir, d’effort, de sécurité, d’épanouissement. Et perçoivent le travail comme un moyen de se réaliser. Ils estiment que leur vie ne serait pas aboutie sans un job qui corresponde à leurs ambitions. Les quadras et quinquagénaires sont motivés par la peur de perdre leur emploi, et placent leur carrière avant tout. Il s’agit de générations pour lesquelles l’effort est une caractéristique de leur engagement dans le travail.

Mais l’apparition de jeunes nés dans les années 2000 sur le marché du travail a changé la donne. En effet, la génération Y voit le travail comme une source d’épanouissement et d’autonomie, mais ne le rattache pas forcément à la notion d’effort. Le travail est considéré par la génération Y comme un accomplissement, un moyen, mais il n’est pas une fin en soi. Les “Milléniaux” souhaitent un équilibre entre vie professionnelle et personnelle. C’est pourquoi, lors des entretiens d’embauche, ils se renseignent sur la possibilité de télétravailler ou de faire une semaine de 35 heures en quatre jours. « En entretien, aujourd’hui, on me pose plus de questions sur les avantages que sur le salaire », commente l’un des participants au webinaire. Leur moteur est la recherche de plaisir et de sens. Sensibles à la marque employeur, ils sont partisans d’une réduction de la hiérarchie et souhaitent avoir un impact positif sur la société via leur emploi. Certains participants du webinaire soulignent le manque de politesse et de savoir-vivre de certains nouveaux collaborateurs de cette nouvelle génération.

Pourquoi perd-on le sens au travail ?

Augustin Valero estime que certains métiers sont devenus trop techniques à expliquer. Il arrive que même les familles des collaborateurs ne comprennent pas à quoi sert leur métier, malgré leurs explications. Par ailleurs, les nouveaux titres de postes sont devenus incompréhensibles. Ainsi, pourquoi dire talent acquisitions supervisor au lieu de recruteur, customer success manager au lieu de commercial ? Les collaborateurs ont a du mal à s’identifier et à s’approprier l’intitulé de leur poste.

Autre problématique, la pénibilité intellectuelle liée aux problèmes de management (ordres et contre-ordres…), aux procédures inutiles et aux réunions improductives. Autre souci : lors de l’entretien annuel d’évaluation, on fixe bien souvent des objectifs en disant que l’on va donner des moyens au collaborateur. Si les moyens ne sont pas accordés et que par conséquent les objectifs ne peuvent pas être atteints, cela produit des tensions. “Il doit y avoir des suites aux entretiens annuels et aux réunions”, juge Augustin Valero.

De nouveaux comportements chez les générations Y et Z

On observe de nouveaux comportements chez les générations Y et Z, à commencer par la fameuse “grande démission” lorsque le collaborateur juge que sa situation de travail est insatisfaisante. C’est ainsi que les talents partent. Certains préfèrent en faire le moins possible au travail, rester passifs, ne pas donner de leur personne lorsque leur travail ne leur plaît plus. C’est le “quiet quitting”, la démission silencieuse. Mais on constate aussi un curieux ” effet boomerang” : ceux qui avaient démissionné pour voir si l’herbe est plus verte et se tester ailleurs reviennent parfois travailler dans l’entreprise qu’ils avaient quittée. Autre phénomène en vogue parmi les Milleniaux : s’engager plus ou moins au travail en fonction de leur salaire. C’est le mouvement #ActYourWage (à salaire bas, investissement moindre). Ils sont capables de quitter leur travail ou d’en changer si leurs objectifs ne sont pas atteints.

Comment les employeurs réagissent-ils face à cela ?

En réaction au “quiet quitting”, on constate qu’ils mettent en place de leur côté une pratique appelée le “quiet firing” (licenciement silencieux), qui consiste à ne plus inviter un collaborateur aux réunions, à le mettre au placard, à l’isoler pour qu’il démissionne. Autre pratique, le “quiet hiring” ou “recrutement silencieux”, qui consiste à identifier les éléments les plus investis au sein de l’équipe et à miser sur eux car ils sont capables d’absorber la charge de travail.

Pour attirer les talents, les employeurs doivent se vendre et travailler sur l’attractivité de leur entreprise, la RSE, mettre en avant leur image au travers des réseaux plébiscités par les jeunes (TikTok, Instagram…). Ce n’est plus au salarié mais à l’employeur d’être “le meilleur”. Plus un employeur a une politique de communication intéressante et valorisante, plus un salarié peut vouloir intégrer l’entreprise ou y rester.

Les solutions

“Il faut être conscient que l’on n’a qu’une seule vie, composée du temps passé au travail et de sa vie personnelle”, selon Augustin Valero. Pour donner du sens à leur travail, les collaborateurs ont besoin de sentir qu’on leur fait confiance. Cela passe par le fait de leur accorder de l’autonomie et de leur déléguer des tâches. Augustin Valero engage les dirigeants à pratiquer la rémunération individuelle pour les éléments les plus productifs, à stimuler les évolutions professionnelles, à faire évoluer les objectifs et à mettre en place des fonctionnements participatifs permettant aux collaborateurs d’apporter leur pierre à l’édifice. Il conseille également d’éviter les réunions à rallonge, les reportings en cascade et les processus figés dans le temps.

Pour éviter la perte de la valeur travail, les chefs d’entreprise peuvent créer chez leurs collaborateurs un sentiment d’utilité, de fierté, un sentiment d’appartenance, les aider à trouver du sens dans leurs tâches, à bâtir leur “entreprise de soi”, pour une relation gagnant-gagnant, note Augustin Valero. Il invite les dirigeants à montrer clairement leur cap et à donner leurs objectifs pour que les collaborateurs s’y rallient.

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