Société — Montpellier

Montpellier : repas à un euro pour tous les étudiants, l’inacceptable rejet

À une voix près. L’Assemblée nationale a rejeté de justesse le jeudi 9 février un projet de loi socialiste instaurant un repas à un euro pour tous les étudiants. Pourtant, comme en témoigne la situation à Montpellier, étudier n’a jamais autant rimé avec précarité.

Tout s’est joué à une voix. Une voix qui aurait pu tout changer. Le jeudi 9 février, l’Assemblée nationale a rejeté de justesse, à 184 voix contre 183, un texte des députés socialistes proposant l’accès à des repas à un euro pour tous les étudiants, un tarif aujourd’hui réservé aux boursiers. À l’entrée de la cité universitaire Vert-Bois, à Montpellier, la vie suit son cours. Certains étudiants quittent les lieux pour se rendre en cours tandis que d’autres rentrent, le visage fatigué. À première vue, le rejet du repas à un euro n’est pas sur toutes les lèvres.

“Il m’arrive souvent de sauter des repas”

Pourtant, lorsqu’on interroge Tom, étudiant en troisième année de licence géographie et aménagement à l’université Paul-Valéry, il dénonce immédiatement une mesure “en dehors de toute réalité”. Non boursier, le jeune homme se livre alors sur son quotidien : “J’habite depuis trois ans un appartement dans le quartier de la Croix d’Argent. C’est assez loin de l’université puisque je mets environ 45 minutes à venir mais c’était l’un des endroits les moins chers de la ville. À côté des cours, j’ai un job de serveur tous les soirs de la semaine et certains week-ends aussi”. Pour Tom, le repas à un euro pour tous serait plus que bienvenu : “Si je travaille autant, c’est surtout pour me nourrir parce que mon loyer est couvert en bonne partie par les aides au logement. J’avoue que ça me soulagerait bien de pouvoir me dire que je dépense deux euros par jour pour manger un vrai repas midi et soir.”

Un cas isolé ? Certainement pas. Place de la Comédie, une autre étudiante montpelliéraine : Sabrina, 20 ans, en première année de BTS communication, se confie. Elle aussi non boursière, la jeune femme est révoltée par le refus du repas à un euro pour tous : “Les députés ne se rendent pas compte de ce qu’on vit en tant qu’étudiants. Beaucoup pensent qu’être non boursier, c’est forcément être riche alors que non”. Boursière l’an dernier, sa situation ne s’est en rien améliorée. Un peu gênée, elle l’admet : “C’est toujours aussi difficile de manger. Ce n’est pas vraiment une fierté mais il m’arrive souvent de sauter des repas, surtout le petit-déjeuner et parfois même le dîner. Parfois, je sors des courses avec seulement cinq ou six paquets de pâtes pour tenir toute une semaine. Je ne prends même pas de sauce”. 

L’urgence n’est pas le quotidien de tous les étudiants non boursiers. Certains aimeraient simplement réduire le budget qu’ils consacrent à la nourriture pour s’autoriser quelques loisirs, nécessaires à leur santé mentale. Chose hélas impossible pour Aurélien, étudiant en première année de licence de droit à la faculté de droit et de sciences politiques de Montpellier : “En économisant à peu près deux euros par repas, ça me ferait à peu près 60 euros de marge par mois et ça me servirait pour sortir boire un verre ou faire un peu les magasins. Actuellement, lorsque j’ai tout payé et surtout la nourriture, je suis presque à découvert tous les mois. J’ai tout ce qu’il me faut pour vivre mais c’est pesant moralement de ne s’accorder aucun plaisir”.

Compenser la précarité

Le constat est clair : le rejet du repas à un euro pour tous ne fait que maintenir, si ce n’est qu’enfoncer, les étudiants dans leur précarité. Ces derniers peuvent toutefois compter sur ceux qui défendent leurs intérêts envers et contre tous : les syndicats. 

L’un d’entre eux, le Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier, plus connu sous l’acronyme SCUM, pointe du doigt l’absurdité de ce rejet. Kali, élue étudiante au Conseil d’Administration de l’université Paul-Valéry, ne mâche pas ses mots : “Je trouve le refus de l’Assemblée nationale totalement illogique. Même les gens qui ne touchent pas de bourses sont précaires : on peut avoir des parents qui ont de l’argent, qui nous payent à manger et un toit mais ça reste une minorité”. En riant, la jeune femme ironise : “J’en viens même à penser qu’ils ont refusé le tarif à un euro pour tous seulement pour gagner de l’argent !”.

Engagé contre la sélection aux aides, le SCUM a mis en place depuis septembre dernier des distributions alimentaires tous les 15 jours à la Cité U’ Boutonnet avec le soutien de la Banque Alimentaire de l’Hérault. Suite au refus du repas à un euro pour tous, Kali ne cache pas sa déception mais affirme : “elles sont amenées à perdurer”. Très prisées, depuis la rentrée de septembre, 100 colis alimentaires sont délivrés en moyenne lors de ces distributions. Loin d’être d’unique, le point de vue du SCUM est notamment partagé par Solidaires Étudiant-e-s Montpellier. Le syndicat manifeste son mécontentement au travers d’affiches sur lesquelles est inscrit en lettres noires un slogan qui parle de lui-même : “Repas à un euro pour tout le monde, sinon on mange les riches”.

Plus que chez les syndicats, la colère monte également au sein du centre régional des œuvres universitaires et scolaires, communément appelé CROUS, de Montpellier – Occitanie. Les représentants étudiants au Conseil d’administration l’affirment : “En refusant l’extension à l’ensemble des étudiants du repas social à un euro, réservé aux seuls étudiants boursiers, l’Assemblée nationale utilise un critère qui ne correspond que très mal à la situation des étudiants. Ne pas être boursier ne signifie pas être aisé, d’autant que les bourses sont calculées en fonction des revenus des parents”. Accompagner les étudiants en difficulté : telle est la mission que le CROUS de Montpellier ne cessera d’accomplir.

Grâce à son réseau de partenaires, plus de 10 000 colis alimentaires ont été distribués depuis septembre 2022. Au-delà de ces actions de soutien, 550 000 repas à un euro ont été servis depuis octobre. Un nombre que l’institution aimerait cependant voir augmenter. 

Des efforts concentrés sur les plus nécessiteux

Le climat d’incompréhension et d’indignation n’influe pas sur le choix des votants. Laurence Cristol et Philippe Sorez, députés Renaissance de l’Hérault, ne regrettent en rien leur vote du 9 février dernier : ils l’assument pleinement. En rejetant la proposition de loi défendue par Fatiha Keloua Hachi, députée socialiste de Seine-Saint-Denis, visant à établir le repas à un euro pour tous les étudiants, ces derniers estiment “rester fidèles à [leurs] valeurs en concentrant [leurs] efforts sur ceux qui en ont le plus besoin”.

Dans cette optique de ciblage des plus précaires, les députés héraultais de la majorité présidentielle ont déposé avec plusieurs de leurs collègues le mardi 14 février une proposition de loi visant à garantir sur le long terme le repas à un euro aux étudiants boursiers “afin de pérenniser ce dispositif d’équité et de justice sociale”. Laurence Cristol et Philippe Sorez tiennent également à rappeler un point important : “C’est bien le Président de la République Emmanuel Macron et sa majorité qui ont instauré le repas à un euro pour les boursiers pendant la pandémie de Covid-19 et qui l’ont maintenu”. Pas sûr hélas que les étudiants non boursiers qui survivent plus qu’ils ne vivent perçoivent les choses comme telles.

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