Institutions

TGI de Montpellier : « L’accélération des réformes a fortement impacté l’activité »

Eric Maréchal, président du Tribunal de grande instance (TGI) de Montpellier depuis le 20 septembre 2013, sera installé comme conseiller à la cour de cassation le 2 septembre prochain, date à laquelle il deviendra officiellement premier président de la cour d’appel d’Angers. Pour l’Hérault Juridique et économique (HJE), il revient sur les 6 années passées à la tête de la juridiction montpelliéraine et précise les efforts en cours en vue de mettre sur pied le futur tribunal judiciaire.

Quelle est votre appréciation sur le fonctionnement du Tribunal de grande instance (TGI) de Montpellier après avoir passé six années à sa tête ?

Avec le procureur Christophe Barret, nous avons pris nos fonctions le même jour il y a 6 ans, et cela a d’ailleurs facilité la prise de fonctions. Nous avons eu dès le départ une approche relativement semblable, et chacun étant évidemment dans son rôle, nous avons assuré de manière complémentaire la direction du TGI de Montpellier.

Cette juridiction fonctionne bien, avant tout parce que les magistrats et les fonctionnaires s’investissent réellement beaucoup dans leur travail. Et ceci dans un contexte de vacance de postes. Pour les magistrats du siège, il y a eu des périodes difficiles durant les 6 années qui se sont écoulées, avec un nombre récurrent de 2 à 3 postes vacants et des pointes jusqu’à 6. Cette année, la rentrée va être plutôt faste pour le siège, avec 54 magistrats à la rentrée. En revanche, la situation des fonctionnaires reste compliquée et nous passons souvent notre temps, avec le procureur et la directrice du greffe, à gérer les urgences. La carence du nombre de greffiers représente maintenant une douzaine de postes sur 160 en intégrant le pôle social.

Dans ce grand tribunal où il y a une forte structuration par service, mon souci en interne a été favoriser la spécialisation des services tout en veillant à ce qu’il y ait une bonne coordination entre eux.

Comment caractériseriez-vous l’évolution de l’activité du TGI au cours de ces 6 années ?

L’accélération des réformes a fortement impacté l’activité, déjà très soutenue. Il y a eu « Justice du 21e siècle » (J 21) en novembre 2016 qui a impliqué la création du pôle social, du Service d’accueil unique du justiciable (Sauj), ainsi que la Tentative de médiation familiale préalable obligatoire (TMFPO) pour laquelle le TGI de Montpellier a été choisi comme pôle expérimental.

Et en mars 2019, est arrivée la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui, elle aussi, a des effets sur le fonctionnement de l’arrondissement judiciaire de Montpellier. Plus que dans d’autres juridictions. Le 1er janvier 2020, sera créé le tribunal judiciaire qui va entraîner la disparition du Tribunal d’instance (TI) de Montpellier en tant que juridiction autonome. De son côté, le TI de Sète va devenir une chambre de proximité du futur tribunal judiciaire. Au-delà de l’unification et de la simplification du contentieux, la réforme prévoit aussi le regroupement sous l’autorité du directeur du greffe du tribunal judiciaire de l’ensemble des services de greffe des anciennes unités : TGI, TI et Conseils de prud’hommes (CPH).

“Mon souhait avant de partir est de structurer la réflexion sur le tribunal judiciaire au niveau local”

A ce propos, vous avez pris en début d’année certains engagements concernant le respect des souhaits des agents qui rejoindront ce futur tribunal judiciaire. Qu’adviendra-t-il après votre départ ?

Il est vrai que j’ai pris des engagements. J’ai le sentiment de partir à un moment où pour assurer la stabilité et la conduite des projets jusqu’au 1er janvier 2020 et au-delà, il aurait peut-être été bon de rester. Mais en même temps, il y a la limite fonctionnelle de septembre comme chef de cette juridiction. Mon successeur ou ma successeure fera ce qu’il faut pour mener à bien les projets.

Mon souhait avant de partir est de structurer la réflexion sur le tribunal judiciaire au niveau local, et j’y travaillerai jusqu’à mon départ. Nous avons mis sur pied un comité de pilotage qui regroupe des représentants de l’ensemble des acteurs internes, ainsi que de ceux des avocats, des notaires, des huissiers. Il a pour mission d’évaluer les conséquences des éventuelles modifications de l’organisation sur leur travail. Une première réunion a eu lieu. Et il y a des réunions de groupes de travail en interne pour préciser comment répartir les contentieux au sein du futur tribunal judiciaire. Il y aura ensuite validation par le comité de pilotage, avant information des partenaires sur les changements qui vont intervenir à la marge.

En tout cas, les personnes ne seront pas déplacées d’un endroit à l’autre sans qu’ils en aient fait la demande. L’idée est qu’il y aura peut-être des évolutions à terme en fonction des évolutions de procédures, avec peut-être à la clef des simplifications et des regroupements de services. Mais rien ne se fera sans le plus large consensus sur les modifications. Après la fusion, la qualité doit être conservée dans les lieux de justice de proximité.

Comment qualifieriez-vous vos relations avec les pouvoirs publics locaux ?

Une chose dont je suis assez fier, c’est l’action du Conseil départemental de l’accès au droit (CDAD). Il s’agit d’un Groupement d’intérêt public (Gip) que je préside et qui permet une concertation avec les pouvoirs publics (préfet, association des maires, conseil départemental), les professionnels du droit (avocats, notaires huissiers), les associations concernées. Le CDAD a réussi à diversifier et à structurer l’offre de l’accès au droit vis-à-vis des publics les plus démunis. Ce sont par exemple les Points d’accès au droit (Pad) dans les maisons d’arrêt et celui des restos du cœur. Il y a aussi des Pad au sein des Sauj des TGI de Béziers et de Montpellier, dans le tribunal administratif, et plusieurs autres en dehors des tribunaux, notamment dans les Maisons de la justice et du droit (MJD). Pour ces dernières, 2 belles opérations ont eu lieu au cours des 6 dernières années : le transfert de la MJD de la Paillade qui a emménagé à Celleneuve dans de superbes locaux et où l’affluence n’a pas cessé de croître, et la création de la MJD de Lattes qui a ouvert ses portes en décembre dernier.

Quels sont vos rapports avec les professionnels du droit ?

Ils sont bons. Avec les bâtonniers, nous avons signé à 2 reprises en 2014 puis en 2018 les conventions sur le fonctionnement du bureau d’aide juridictionnelle. Ces conventions, qui concernent aussi le tribunal administratif, ont permis d’accélérer les délais de traitement. Ils ont chuté de moitié et sont maintenant 2 fois plus courts que la norme nationale. Donc les avocats, dès lors qu’ils s’engagent à déposer des dossiers complets, savent qu’il est statué sur leur demande de façon très rapide.

Vous avez été à l’initiative d’importants travaux d’aménagement du tribunal. Quel est votre ressenti à cet égard ?

Ces travaux nous ont mobilisés tous les trois avec le procureur de la République et la directrice de greffe. L’objectif a été d’améliorer les conditions d’accueil du public au sein du tribunal, et en ce domaine, le Sauj est une grande avancée. Il a fallu aménager physiquement ce Sauj à l’intérieur du bâtiment, procéder à l’extension du service de sécurité et aménager le parvis extérieur. Le coût global a représenté environ 1,1 million €. Nous avons consacré beaucoup de temps afin de participer tous les trois à toutes les réunions de concertation, de préparation puis de chantier. Notre souci permanent a été de faire prévaloir le point de vue des utilisateurs, qui parfois n’est pas entendu. Nous avons ainsi réussi à faire évoluer le projet.

Le TGI va encore connaître de gros travaux dans les années qui viennent, dont notamment ceux qui concerneront plutôt la partie bureaux. Il s’agit de la réfection complète de tout le câblage informatique de la juridiction.

Comment appréhendez-vous vos nouvelles fonctions de premier président à la cour d’appel d’Angers ?

Je m’apprête en partant à Angers à exercer un métier différent. Le président d’un TGI exerce en direct l’administration et la gestion de sa juridiction. Il joue le rôle d’interface entre ses collègues et la cour. Alors que le premier président d’une cour d’appel a des responsabilités budgétaires que n’a pas un président de TGI. Il décide de l’engagement des dépenses pour l’ensemble des juridictions de son ressort, en fonction des dotations qui sont allouées. Face à la chancellerie, il est amené à défendre les questions d’effectifs, de localisation des emplois, justifier les frais de fonctionnement, les frais de justice. Et il est aussi un facilitateur du bon fonctionnement des juridictions de son ressort.

Pour moi, aller à Angers est en fait un retour puisque j’ai été conseiller dans cette cour d’appel, exerçant la fonction de président d’assises. J’ai notamment présidé en 2005 le gros procès dit de pédophilie d’Angers qui a concerné durant plus de 4 mois 65 accusés et 44 victimes. Et le délibéré n’a pas duré moins de 9 jours.

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