— Bassin de Thau

Bassin de Thau : l'avenir de la conchyliculture en prise avec le réchauffement climatique

L'étang de Thau est frappé par le réchauffement climatique et par des alertes sanitaires fragilisant la filière conchylicole. A tel point que cette dernière s'interroge sur son futur et cherche des solutions pour continuer à exploiter ce site de production exceptionnel.

Toujours plus chaude. La température de l’eau de la lagune bat chaque année un nouveau record pendant les pics de chaleur estivaux. “On relève 0, 5 ° supplémentaire par an”, observe Stéphane Roumeau, directeur du Syndicat mixte du bassin de Thau (SMBT). Un changement qui vient bouleverser l’équilibre fragile de cette étendue d’eau de 7 000 hectares, séparée de la Méditerranée par le mont Saint-Clair et un bras de sable, sur lequel la conchyliculture repose.

Rappelons-le, le bassin de Thau, classé Natura 2000, constitue la plus grosse zone conchylicole de la Méditerranée (10% de la production nationale d’huîtres) exploitée par environ 500 entreprises comptabilisant près de 3 000 emplois directs et indirects. “Après la viticulture, c’est la deuxième force économique agricole du département”, souligne Patrice Lafont, président du Comité régional conchylicole de Méditerranée (CRCM).

Une H2 sans O

Or, l’élévation de la température a pour principale conséquence d’augmenter la salinité de l’eau et de priver les coquillages d’un oxygène vital. “Ce qui interroge beaucoup, c’est la marinisation, indique Stéphane Roumeau. Nous avions une lagune qui était plus douce l’hiver, plus salée l’été. Aujourd”hui, avec le changement climatique, l’apport d’eau douce est moins important en hiver et il y a plus d’évaporation l’été, période pendant laquelle la lagune devient similaire à une mer très salée.”

Un phénomène pouvant déboucher sur la malaïgue – mauvaise eau en occitan – une chute de la teneur en oxygène de l’eau provoquée par la conjugaison de chaleurs caniculaires et d’absence de vent, comme en 2018. “Cet été là, on a perdu 100 % des moules et 50 % des huitres, se souvient Patrice Lafont. Quand il fait très chaud, l’oxygène diminue dans l’étang jusqu’à l’anoxie, c’est à dire 0%. Du coup, tous les êtres vivants meurent : algues, poissons, invertébrés et coquillages, C’est le principale risque à court terme : avoir des températures extrêmes en été, tout le temps.”

Le dinophysis, un inquiétant phytoplancton

De plus, le changement climatique agit à l’échelle microscopique, comme par exemple avec les phytoplanctons toxiques naturels. “Historiquement, sur le bassin de Thau, on avait une espèce, l’alexendrium, que l’on voyait arrivé au printemps ou en automne. Quand il est présent dans la chair des huitres, il pose des problème de consommation car il cause des troubles digestifs chez l’homme”, explique Stéphane Roumeau du SMBT. Mais cette année, pour la première fois, le dinophysis – bête noire des conchyliculteurs de Leucate – a fait son apparition dans l’étang de Thau. “Je pense que ça va se reproduire, estime le directeur du SMBT. On a des modifications des cortèges phytoplactoniques et l’on voit arriver des espèces nouvelles.”

Une oxygénation mécanique de l’eau ?

“Quant et comment ces changements vont nous impacter de manières significatives, c’est à dire suffisamment pour remettre en question l’avenir de la conchyliculture sur le bassin de Thau ? C’est très difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que si on a des phénomène de canicule tous les étés, ça va être très compliqué”, s’inquiète Patrice Lafont depuis son exploitation du Mas Saint-Clair à Frontignan.

Les tables pour l'élevage des huitres représentent environ 150 hectares sur l'étang de Thau © DR.
Les tables pour l’élevage des huitres représentent environ 150 hectares sur l’étang de Thau © DR.

Il y a pourtant des pistes pour l’avenir, si l’on en croit le directeur du SMBT, qui voit dans le “caractère incroyablement résilient de cette lagune” un premier motif d’espoir. De plus, la profession réfléchit à des solutions techniques comme le recours à l’oxygénation mécanique de l’eau pour contrer les effets délétères de la chaleur durant les épisodes caniculaires. “On a lancé des testes l’année dernière. Les premiers résultats sont plutôt positifs, mais, encore  une fois, même en oxygénant, jusqu’ou cette apport technologique va compenser l’augmentation des températures ?, s’interroge Patrice Lafont, lucide. Et puis pour l’instant, c’est porté par le comité régional conchylicole, c’est expérimental et financièrement pas accessible aux professionnels.”

Un milieu de production qui reste “exceptionnel”

D’autres alternatives sont actuellement étudiées par BlueThauLab, la plateforme d’innovation dirigée par le SMBT. “On a un certain nombres d’innovations à l’étude mais c’est vraiment à l’état d’ébauche. Il y a plusieurs porteurs de projets qui arrivent avec des solutions viables. Et, pour le moment, il y a une solution qui tient le haut de la corde mais il est trop tôt pour communiquer dessus, confie Stéphane Roumeau.

Quoiqu’il en soit, l’étang de Thau demeure “un milieu de production exceptionnel en France, en Europe, dans le monde” que le réchauffement climatique touche mais ne tue pas. Pour le moment. “Ici, ça pousse deux à trois fois plus vite que partout dans le monde. Certes, par moment et sur des épisodes très précis, on a des difficultés avec les températures, l’oxygène et les phytoplanctons toxiques, mais si on met ça en perspective par rapport à la richesse du milieu et sa capacité à produire vite et bien, à ce stade là, il y a pas de sujet”, estime le directeur du SMBT, confiant.

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