Livres — France

« Le Nouveau Commerçant », confessions d’un ex « Tinder consommateur »

Thibault Loucheux, directeur du site Internet de culture et lifestyle snobinart.fr, également écrivain, signe un nouveau roman autobiographique bien de notre époque : "Le Nouveau Commerçant".

On y découvre les errements de Théodore, qui, subissant les affres d’une rupture sentimentale, se lance à corps perdu dans l’univers de l’application de rencontres Tinder. Désargenté, il est forcé de travailler pour une enseigne de la grande distribution, dont il découvre les travers. Qu’il mettra finalement en parallèle avec ceux des sites de rencontres. Interview…

Thibault Loucheux, journaliste, écrivain et directeur de Snobinart.fr © Virginie Moreau
Thibault Loucheux, journaliste, écrivain et directeur de Snobinart.fr © Virginie Moreau

Votre nouveau roman fustige la grande distribution, mais aussi certains clients…

Thibault Loucheux : « Le Nouveau Commerçant reflète notamment mon expérience dans la grande distribution, même s’il s’agissait d’une petite structure. Il y avait de bons côtés : une bonne entente générale avec les collègues ; nous discutions de nos vies, prenions nos pauses ensemble. Mais j’ai très mal vécu le fait d’exercer un métier à l’opposé de ma personnalité. Il me transformait en machine qui ne devait pas réfléchir, et je devais porter un Tee-shirt à l’enseigne du magasin. Pour un dandy intellectuel, c’était un paradoxe !

Il faut savoir que dans la grande distribution, 95 % des clients ne font pas attention aux employés – qui souffrent d’un manque de considération – ou, pire sont désagréables. Le quartier où je travaillais était risqué pour les employés du magasin ; des personnes sans-abri étaient à proximité. Il y a eu des agressions. On m’a frappé, on m’a craché dessus… Ça a forgé mon caractère : désormais je suis capable de prendre des risques, je n’ai plus peur. A côté de cela, il y a les abus de la grande distribution que je n’ai pas spécialement vécus, comme le gaspillage.

Mais je me suis senti prisonnier de ma condition de caissier, qui n’était qu’un job alimentaire et, a priori, transitoire. Non seulement les employés sont réduits à être des machines, mais il y a également eu, durant le temps où j’ai travaillé sur place, une perte d’humanité de notre équipe. L’ambiance de travail devient délétère quand on exerce un métier qui ne nous plaît pas.
Je me suis aussi interrogé sur la qualité de ce qui est vendu dans la grande distribution, et sur le type d’alimentation que l’on peut s’offrir lorsque l’on gagne le Smic. Avec un salaire aussi bas, on ne peut pas acheter bio ; on est obligé d’acheter des tomates remplies de pesticides et pas chères. C’est aussi tout le cycle de mauvaise rémunération des agriculteurs, contraints de baisser leurs prix pour la grande distribution. »

Le Nouveau Commerçant livre
Le Nouveau Commerçant livre

Votre roman est aussi l’histoire d’un chagrin d’amour…

Thibault Loucheux : « L’amour est le sujet français par excellence : tous les grands livres et même les petits parlent d’amour et du rapport entre hommes et femmes. Les hommes et les femmes sont différents. Ces différences créent une attirance et des incompréhensions. Il est passionnant, lorsque l’on écrit, d’essayer de trouver la solution aux relations hommes/femmes. »

Pour votre narrateur, la solution est Tinder…

Thibault Loucheux : « Théodore expérimente la solitude tout en multipliant les rencontres. Il est le reflet de notre époque. Il travaille dans une structure de surconsommation et sa vie intime est, elle aussi, basée sur la surconsommation de femmes. En cas de peine de cœur, Tinder, c’est rigolo. Cela permet des rencontres, un jeu de séduction autour d’un verre. On peut tomber sur des personnes aux tempéraments très variés, que l’on ne peut pas imaginer en regardant simplement leur photo. Parfois, une rencontre fait fantasmer ; d’autres fois, on a envie de partir immédiatement. Le narrateur du Nouveau Commerçant tire de l’auto­satisfaction de ces rencontres ; elles reboostent son ego mis à mal par une rupture douloureuse. Il va sur Tinder pour s’amuser. Il a besoin et envie de rencontrer des gens. Certes, il aurait pu voir des amis, mais le manque le pousse à trouver un semblant d’amour, le contact physique, qui réconforte. »

Jusqu’à ce qu’il rencontre Margaux…

Thibault Loucheux : « Le narrateur connaît un changement rapide, simple, né de la rencontre de la bonne personne via ­Tinder. Il se rend compte que multiplier les rencontres est très superficiel et qu’au bout d’un moment, on s’en lasse… »

Théodore croit donc au grand amour…

Thibault Loucheux : « Oui, le narrateur croit au grand amour ! C’est un anti-héros, un Antoine Doinel*, pitoyable et magnifique à la fois. Un vrai romantique. »

Quelles sont les références littéraires de Théodore, et les vôtres ?

Thibault Loucheux : « Théodore fait attention à lui ; ça se rapproche du dandysme. Ses tee-shirts de la marque de grande distribution pour laquelle il travaille le font souffrir narcissiquement. Il aime beaucoup les vestes en velours et les chaussures. Parmi mes influences littéraires, il y a Frédéric Beigbeder, Nicolas Rey, Charles Baudelaire, et Oscar Wilde, mon écrivain préféré. J’aime le beau mot, les belles fringues. Comme Baudelaire, le narrateur teste ses limites et les dépasse. »

Quels sont vos projets d’écriture suivants ?

Thibault Loucheux : « J’ai commencé les toutes premières pages d’un roman. J’aimerais m’inspirer de la mort de Nathalie Wood, car son décès, assez exceptionnel, reste mystérieux : elle a été retrouvée noyée au large, en nuisette, après s’être trouvée sur un yacht avec Christopher Walken et le capitaine du bateau. Je placerai le roman sur la Côte d’Azur. J’écris aussi un livre sur le cinéma. Il pourrait par la suite y avoir d’autres romans plus éloignés de moi et plus proches du cinéma, de la littérature d’Edgar Allan Poe et de Stephen King. »

  • Antoine Doinel est un personnage créé par François Truffaut.
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