Ordonnances Travail : les changements concernant la motivation du licenciement
Outre la barémisation des dommages-intérêts en cas de licenciement abusif, plusieurs mesures de la réforme du code du Travail visent à sécuriser et simplifier la procédure de licenciement pour les entreprises. Focus sur la motivation de la lettre de licenciement.
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Une faculté de rattrapage en cas de motivation insuffisante de la lettre de licenciement
La règle actuelle selon laquelle la lettre de licenciement fixe les limites du litige est revue : les motifs contenus dans la lettre pourront être modifiés, précisés et complétés par l’employeur ou à la demande du salarié, après sa notification. Ce n’est qu’après ces éventuelles modifications que les limites du litige seront fixées.
L’idée est d’éviter que les conditions de forme liées à la rupture du contrat de travail n’entachent automatiquement le licenciement d’une irrégularité de fond. Il est donc prévu que l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive plus celui-ci de cause réelle et sérieuse, comme c’est le cas aujourd’hui. Le salarié aura cependant droit à une indemnité équivalente à un mois de salaire.
Concrètement, il faut distinguer trois situations distinctes :
• Le salarié n’a pas formulé de demandes de précisions auprès de l’employeur. Lorsque le salarié n’a pas demandé à son employeur de précisions sur les motifs de licenciement indiqués dans la lettre, qu’il estime incomplets, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne privera pas le licenciement, à elle seule, de cause réelle et sérieuse. Le salarié pourra ainsi seulement prétendre à une indemnité qui ne pourra pas dépasser un mois de salaire. En revanche, si le juge estime que le licenciement n’est pas fondé, les insuffisances de la lettre de licenciement pourront constituer un indice supplémentaire.
• Le salarié a formulé une demande de précision ou l’employeur a complété la lettre de licenciement. Dans ces deux cas, en partant du principe que la lettre est suffisamment motivée afin de permettre au juge d’exercer son office, ce dernier va se fonder sur les motifs invoqués pour rechercher si le licenciement est bien justifié.
• Le salarié a formulé une demande qui n’aboutit pas. Le salarié peut formuler une demande de précision qui n’aboutit pas. Soit que l’employeur n’y fait pas droit, soit que les précisions demeurent insuffisantes. Dans ce cas, le juge pourra décider que cette absence ou insuffisance de motivation entraîne un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Attention ! Lorsqu’une irrégularité de forme a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure de licenciement ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire. Cette dernière mention met un terme à la jurisprudence suivant laquelle « la consultation d’un organisme chargé, en vertu d’une disposition conventionnelle, de donner son avis sur la mesure disciplinaire envisagée par l’employeur, constitue pour le salarié une garantie de fond, et le licenciement, prononcé sans que le salarié ait été avisé qu’il pouvait saisir cet organisme, ne peut avoir de cause réelle et sérieuse » (Cass. soc. 13 novembre 2014. Pourvoi n° 13-18443)
Un décret pris en Conseil d’Etat fixera les conditions dans lesquelles l’employeur pourra modifier la lettre de notification du licenciement.
Le licenciement en cas de pluralité de motifs
Jusqu’à présent, en cas de licenciement nul avec pluralité de motifs, lorsque le juge relève que l’un d’entre eux est illicite (atteinte à une liberté ou un droit fondamental), le licenciement est considéré nul dans son ensemble, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres motifs de licenciement pour vérifier l’existence d’une cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 3 février 2016. Pourvoi n° 14-18600. Et 8 février 2017, pourvoi n° 15-28085).
Selon le texte, « en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l’un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté ou un droit fondamental, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d’examiner l’ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation [qu’il fait] de l’indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de l’article L. 1235-3-1 » du code du Travail.
Désormais, le juge pourra, malgré la nullité encourue du licenciement, examiner les autres motifs de licenciement afin d’en tenir compte, le cas échéant, dans l’évaluation qu’il fait de l’indemnité à allouer au salarié. Autrement dit, en présence d’un motif illicite, le licenciement restera nul, mais le juge pourra rechercher parmi les autres motifs l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement afin, le cas échéant, de minorer l’indemnisation du salarié. Notons qu’il ne s’agira que d’une possibilité ouverte au juge, et non d’une obligation.
Un modèle-type de lettre de licenciement
Pour éviter les erreurs de procédure, la notification du licenciement pourra se faire via des modèles-types de lettres, au moyen d’un formulaire Cerfa. Ces modèles-types, qui seront prévus par décret, ne constituent pas des obligations pour l’employeur, mais des possibilités, des facilités qui lui sont offertes. Ces documents devraient également rappeler les droits et obligations de chaque partie lors d’un licenciement. L’objectif est de permettre de sécuriser l’employeur en clarifiant les exigences de forme nécessaires à l’énoncé des motifs du licenciement.
Cette mesure concerne les licenciements pour motifs personnels et économiques.
François TAQUET, avocat,
spécialiste en droit du travail et protection sociale
Réduction des délais de recours. Les actions portant sur la rupture du contrat de travail se prescriront désormais par douze mois à compter de la notification de la rupture.