Environnement — Lodévois-Larzac

Ouest Hérault, sécheresse : “On se pose déjà des questions sur la suite des choses au mois d’avril”

Simon Frey est à la tête d’un élevage extensif de bœufs de race Aubrac d’une centaine de têtes au-dessus du Lodévois. La sécheresse impacte doublement son activité en diminuant la récolte des foins et en appauvrissant les pâturages.   

Du haut de sa colline, Simon Frey domine la vallée de la Lergue, entre le massif de l’Escandorgue et le Pas-de-l’Escalette. Une vue parsemée de forêts et de reliefs, du lac du Salagou en tache d’huile et de la mer en toile de fond. “Quand le ciel est dégagé, on peut compter les paquebots dans le port de Sète”, s’amuse l’éleveur bovin.

Mais en cet fin avril, des nuages obscurcissent l’horizon, bouchent le paysage tout en faisant espérer des pluies qui tardent à venir cette année. Sur le balcon naturel du mas de Murène, l’herbe est pourtant verte et encore chargée de rosée en cette fin de mâtinée. Il ne faut pas s’y fier. “On est dans des milieux avec peu de profondeur de terres, un climat qui à la fois de moyenne montagne et méditerranéen : il fait froid et il y a peu d’eau. Cela a toujours été comme ça mais les sécheresses font que tu te retrouves au mois d’avril à déjà te poser des questions sur la suite des choses”, constate-t-il.

“Cette année, c’est pire qu’en 2022”

Cette année, il n’y a pas eu de pluies cévenoles en automne ni de journées avec une pluviométrie à 150 mm. “Ici, on fonctionne qu’avec des sources et des retenues d’eau, nous ne sommes pas raccordés à un réseau. Les deux retenues que j’ai sont à 80% pour l’une et 20-30% à tout casser pour l’autre, alors qu’elles étaient pleines à la même période en 2022 [année de sécheresse record]. Cette année, c’est pire car les sources et les retenues d’eau n’ont pas fait le plein”, se désole Simon Frey.

Le jeune homme de 36 ans est à la tête d’un élevage extensif de bovins de race Aubrac sur un domaine compris entre “450 et 500 hectares” qui s’étend sur Pégairolles, et dans une moindre mesure sur Lauroux et Poujols. “Le but du jeu, c’est que les bêtes pâturent un maximum de temps, c’est comme ça que les exploitations sont rentables : elles sont le maximum dehors et mangent de l’herbe naturelle. On fait du foin pour l’hiver quand l’herbe ne pousse plus et qu’elles sont en bâtiment”, explique-t-il.

“Tout est basé sur l’herbe”

L’objectif de cette exploitation est le même que celui que s’était fixé son père, Christophe, en la fondant en 1986 : valoriser au mieux ces espaces herbacés s’étalant sur ce méplat du Larzac. “Tout est basé sur l’herbe, c’est bon de le préciser car aujourd’hui, il y en a qui encore du mal à comprendre qu’un herbivore doit manger de l’herbe”, sourit cet éleveur qui se veut respectueux de son environnement et de ses bêtes.

Simon Frey au milieu de ses bêtes © Cyril Durand.
Simon Frey au milieu de ses bêtes © Cyril Durand.

L’herbe, justement, a besoin d’eau, c’est un secret pour personne. Pour Simon Frey, qui essaye d’être autonome en foin en le cultivant sur ses terres, la sécheresse a ainsi un double impact sur son activité : elle entame à la fois les stocks hivernaux et affecte aussi le pâturage. A titre d’exemple, “une quarantaine de vaches adultes mange l’équivalent de deux bottes de foin, soit 600-700 kilos par jour. L’idée, c’est qu’elles soient à l’herbe jusqu’à fin octobre mais on peut se retrouver au foin au 15 août car il n’y a plus rien qui pousse. Et là, vu qu’il n’y a pas eu de réserves qui se sont constituées au printemps, ça s’accumule”.

“Quantifier au plus juste le nombre de bêtes”

L’an passé, l’éleveur a acheté 35 tonnes de foin en sécurité pour pallier un manque éventuel. Une soupape ponctuelle trop onéreuse pour être systématisée (sachant qu’il lui faut environ 170 tonnes de foin par an, la tonne étant vendue aux alentours de 140 €). Autre option (obligatoire à défaut d’être facultative) : s’adapter tant bien que mal. “Il y a deux façons de voir les choses : soit tu restes avec des surfaces et tu quantifies au plus juste le nombre de bêtes et les besoins avec une petite marge de sécurité, soit tu manges le voisin et tu as un gros troupeau sur 1000 ou 1500 hectares”, estime l’éleveur.

Si l’avenir est incertain, il n’est pas non plus dénué d’espoirs. En rejoignant l’exploitation familiale en 2017, cet ancien électro-mécanicien dans le dépannage d’ascenseur en région parisienne se doutait bien que la tâche ne serait pas simple, mais pas impossible. “On subit le truc comme chaque année, après tu fais au mieux. On pourra peut-être arriver à “baisser le chargement”, c’est-à-dire avoir moins de bêtes à l’hectare et avoir aussi des parcs de secours”, confie-t-il.

“On joue avec les leviers que l’on a”

La commercialisation de sa viande – boeufs ou génisses de 24 à 30 mois uniquement – se fait en circuit court via les épiceries paysannes Les P’tits producteurs de Lodève – dont il est membre – et L’Escale locale à Gignac, et en vente directe auprès d’une clientèle du Lodévois jusqu’au Montpelliérain. Il se refuse à répercuter le coût de la sécheresse sur le prix de ses produits. Sa solution ? “Me limiter à la vente en direct. Je sais que je vais passer un certain nombre de bêtes à l’année et m’y tenir. Pérenniser les pâturages, essayer de les optimiser, c’est-à-dire recouper les grands parcs pour que les bêtes puissent rester moins longtemps dans le parc mais faire plus de pression sur la flore. On joue avec les leviers que l’on a.”

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