Expositions — Montpellier

Un Soulages aux enchères à Montpellier : quel prix atteindra "La Locomotive" ?

L'information a de quoi intéresser les amateurs d'art fortunés : "La Locomotive", de Pierre Soulages, tableau peint en 1975 par l'artiste français de renommée internationale, sera mise aux enchères à l'hôtel des ventes de Montpellier le samedi 8 mai.

“La Locomotive” du peintre contemporain centenaire Pierre Soulages, huile sur toile bleue et noire, avait été acquise par des collectionneurs montpelliérains dans les années 1970, et précieusement conservée depuis. Selon les estimations, son prix oscillerait entre 500 000 et 800 000 euros. La vente aux enchères sera assurée par les commissaaires-priseurs Bertrand de Latour et Jean-Christophe Giuseppi. Jusqu’où monteront les enchères, telle est la question, tant on sait que les œuvres de l’inventeur de l’Outrenoir déchaînent les passions des collectionneurs.

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En 2019, le Musée Fabre honorait le centième anniversaire du peintre sétois Pierre Soulages. Le directeur du musée, Michel Hilaire, conservateur général du patrimoine, retraçait alors soixante-dix années de création lors d’une interview accordée à la rédaction. Extraits…

Le directeur et conservateur du musée Fabre, Michel Hilaire.
Le directeur et conservateur du musée Fabre, Michel Hilaire.

Comment Pierre Soulages est-il arrivé à l’Outrenoir ?

Michel Hilaire : “Dans les années cinquante, Pierre Soulages axe ses recherches autour du clair-obscur avec deux formes particulières. D’abord installer sur la toile des couches de couleur : du bleu, du blanc, du jaune… Et travailler avec un système de grille noire, de signes très forts, venant par-dessus révéler les sous-couches qui émanent du fond de la toile.

Plus tard dans les années cinquante intervient un système d’arrachement de la couche picturale. Soulages, très tôt, ne s’est plus servi des outils traditionnels du peintre, mais a fabriqué ses propres outils : brosses extrêmement lourdes et rigides, racles en caoutchouc, en métal… avec lesquelles il étend les différentes couches de couleur. Il procède par arrachement de la couleur sur la toile, comme sur le tableau de 1959 déposé par Christie’s. Le fait d’arracher la couleur révèle les couches de couleur sous-jacentes.

Cela le mène à la fin des années soixante, début des années soixante-dix, à de grands signes proches de la calligraphie asiatique.

Puis de nombreux tâtonnements l’amènent le 14 avril 1979 à créer le fameux Outrenoir. Auparavant, la peinture niait le reflet, les luisances de la couche picturale. Au contraire, Soulages absorbe la lumière dans la matière, dans le pigment noir. Les stries des œuvres reçoivent la lumière différemment en fonction de la position du spectateur, des heures de la journée (matin, midi, soir), des saisons (lumière chaude de l’été ou froide de l’hiver).”

Vous parlez souvent d’aventure picturale concernant Pierre Soulages…

Michel Hilaire : “Pour Pierre Soulages, peindre est une aventure picturale. Ses tableaux ne sont pas prémédités. Le peintre se laisse guider par le hasard dans la grande aventure de l’Outrenoir, peinture de l’instant, de la recherche. L’acte de peindre le guide dans des directions qu’il n’avait sans doute pas totalement envisagées au départ. C’est pour cela que Soulages ne donne pas de titres à ses œuvres, sinon « peinture, dimensions et date ».

Quand il est possédé par la peinture, il est dans une quête ; il s’enferme dans son atelier et met un galet devant sa porte, pour ne pas être dérangé par son épouse Colette ni par quiconque. Bien sûr, avec le temps, il a acquis une extraordinaire maîtrise, un métier, une habileté et une technicité indéniables, mais sa peinture reste une peinture de découverte, de hasards et d’explorations.

Selon moi il s’agit plus d’un travail exploratoire que de maîtrise des effets. Son travail est à l’opposé du travail académique (qui prépare par le dessin, les esquisses puis peint). Soulages se met d’emblée dans l’acte de peindre.”

Vous dites avoir trouvé ses derniers Outrenoirs différents de ceux que vous connaissiez…

Michel Hilaire : “Lorsque je me suis rendu dans son atelier, très récemment, j’ai perçu une différence entre les Outrenoirs que nous avons au musée Fabre et les tout derniers réalisés par Soulages en 2019. J’ai constaté une finesse des stries dans la matière picturale, une variation de directions – pas d’horizontalité comme dans le grand Outrenoir exposé dans la dernière salle du Musée Fabre, mais des tracés en biais, des diagonales –, et surtout un effet très surprenant de verticalité, de hauteur et d’étroitesse des tableaux, qui faisaient 3,80 m de haut et étaient très fins.

Selon moi, l’aventure des Outrenoirs n’est pas terminée ; c’est un champ exploratoire qu’il a ouvert en 1979 et qui reste encore à explorer. Soulages a encore énormément de potentialités. A 100 ans, malgré son grand âge, il trouve encore la force et l’énergie de travailler à l’horizontale et d’avoir le désir de peindre. C’est la grande leçon qu’il donne, de vouloir montrer des tableaux très récents. Son œuvre n’est pas terminé, mais en train de se faire.”

Propos recueillis par Virginie MOREAU
vm.culture@gmail.com

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D’autres grands noms annoncés lors de cette vente aux enchères

Lors de cette vente aux enchères qui sera très médiatisée, à n’en pas douter, d’autres œuvres de maîtres, signées par Camille Corot, Pablo Picasso, Robert Combas, Fernand Léger, pourront également attirer l’œil des amateurs d’art.

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