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Agde : le 13e numéro des cahiers du Groupe de Recherches Historiques Agathoises est désormais disponible

De riches lectures en perspective...

Ce sont sept contributions de tailles très inégales consacrées à trois générations du lignage des Montmorency que regroupe le 13e numéro du groupe de recherche en histoire de l’Agadès.

Il y a 4 siècles déjà que le passé de cette illustre famille, qui a donné 3 gouverneurs au Languedoc, a cessé d’être lié à celui d’Agde mais il vient d’y faire à nouveau l’actualité de façon spectaculaire. C’est ce que mettent en effet en lumière, dans leur article placé judicieusement au cœur de ces cahiers, Céline Gomes et Jean Paul Cros qui relatent en détail les étapes qui ont permis, grâce à des méthodes de pointe, aux équipes d’archéologues d’identifier le corps d’Henri Ier de Montmorency à partir de son crâne, inhumé en son temps dans la nef de l’église Notre Dame du Grau..

 Mais qui sont donc ces Montmorency ? Les chefs successifs d’une grande famille nobiliaire d’épée, une Maison disait-on alors, qui, sans être princes de sang, ont été très proches des rois de France depuis les Capétiens malgré quelques infidélités ponctuelles. De la seconde partie du XVIe siècle au règne de Louis XIII, ils sont entrainés comme bien d’autres dans l’ouragan des guerres de religion. Ils s’y distinguent par leurs hauts faits d’armes au service du pouvoir royal. Pour cela tous les trois ont été successivement nommés gouverneurs du Languedoc et ont eu à ce titre des relations plus ou moins ténues avec notre ville.

Anne de Montmorency, l’homme d’état (1493-1567), ami d’enfance de François Ier, extrêmement puissant et riche est une sorte de 1er ministre qui a servi loyalement 5 rois. Grand mécène d’œuvres italiennes, il a symbolisé la Renaissance française. C’est le premier du lignage à être nommé Gouverneur du Languedoc (1526-1561).

C’est son 2e fils, Henri (1534-1614), qui a les liens les plus forts avec Agde. Combattant dans le camp des catholiques durant les guerres de Religion il se rapproche politiquement des protestants du Languedoc après le massacre de la Saint-Barthélemy (1572). Par conséquent, le roi Henri III s’en méfie et le tient éloigné de la Cour de France. Il réside alors en Languedoc où il fait construire son château de la Grange-des-Prés à Pézenas, agrandir le couvent des Capucins à Agde, construire la chapelle de l’Agenouillade en 1601 devenue un centre de pèlerinage à succès et renforcer les fortifications de Brescou construites en 1586 par le ligueur Anne de Joyeuse. Puis il devient l’un des chefs du parti des « Politiques », opposé à la Ligue et à l’influence espagnole, combat avec le protestant Henri de Navarre, devenu roi sous le nom d’Henri IV. Â 59 ans, il se remarie à Agde, avec Louise de Budos, âgée de 18 ans.

Henri II de Montmorency son fils (1595-1632) participe aux guerres contre les protestants mais intrigue avec Gaston d’Orléans, frère du roi Louis XIII, contre le cardinal de Richelieu. Pour cela, il fait réparer en 1632 les remparts de la ville d’Agde, future base arrière de l’attaque contre les troupes de Richelieu. Choix aux conséquences tragiques. Condamné à mort pour crime de lèse-majesté, Henri II est exécuté à Toulouse le 30 octobre 1632. Ainsi s’éteint la lignée masculine des Montmorency, gouverneurs du Languedoc. Mais la ville entre logiquement en disgrâce royale et paie le prix fort : Louis XIII décide de la démolition des fortifications en 1632, y compris de celles de Brescou, assortie de sanctions financières et de frais d’entretien des troupes royales.

Irène Dauphin, dans l’article qui introduit l’ouvrage, compare les ascensions sociale et politique respectives des grandes lignées rivales Montmorency et Joyeuse pour en conclure à la supériorité des premiers. C’est la figure d’Henri 1er qui est ensuite interrogée par Jean-Luc Lefranc dans un long article à valeur d’ouvrage dans l’ouvrage. Il met en lumière l’extrême richesse et puissance du réseau d’une famille de grands chefs de guerre. Gouverneur du Languedoc durant 51 ans, c’est lui qui a laissé la marque la plus importante à Agde : il a résidé longuement dans son palais épiscopal, y a épousé sa deuxième femme et la ville a organisé de nombreuses fêtes en son honneur dont les première joutes en 1601.

Mais Agde, la ville la plus fortifiée du littoral est un port stratégique de Méditerranée devenu un enjeu des deux camps durant les guerres de religion et l’ilot de Brescou représente un point crucial du contrôle des côtes languedociennes depuis le Moyen-âge. Il représente donc sans surprise un autre thème majeur de l’ouvrage. Michel Carreau redonne vie au corsaire Barberoussette dans un portrait enlevé. Au service du duc Anne de Joyeuse qui y a fait bâtir un fort, l’habile marin à bord de son brigantin, nargue les autorités, pille les bateaux qui viennent approvisionner la ville, la stratégie faisant office de blocus. Mais les hommes de Montmorency parviennent à le capturer et le gouverneur à le retourner pour utiliser à son service le « capitaine Gaspard » de son vrai nom. Il le place à la tête de la construction de 2 vaisseaux armés pour la ville, une galère et une galiote, sur lesquelles il emploie des forçats. Barberoussette devient quasiment un notable de la ville payé par Montmorency. L’article s’accompagne de nombreuses reproductions des différents bateaux qui naviguaient en Méditerranée en ces temps. Alain Sagnes s’intéresse ensuite aux péripéties que connait l’endroit dans les rivalités qui opposent Montmorency et Anne de Joyeuse. Jean Luc Lefranc, de retour, documente enfin le projet de choix royal du « cap de Cette », l’autre repère de Barberoussette avec Brescou entre 1590 et 1604.

Les deux derniers articles ouvrent les perspectives. Elisabeth Bolbènes rappelle que le temps des Montmorency à Agde correspond à l’apogée du pouvoir des consuls contre l’évêque, le gouverneur sachant finement manœuvrer entre les uns et l’autre, même si la justice reste dans les mains du comte-évêque et qu’il y a presque toujours un gouverneur militaire de la ville. Elle propose pour cela la transcription/traduction d’une longue délibération du conseil de la ville de 1634. Si la ville a toujours été catholique, excepté un intermède en 1562-63 (lorsque le Baron de Crussol s’empare militairement de la ville), ce n’est pas le cas de Montagnac. 3e ville du diocèse agathois, elle a connu pas moins de dix sièges durant les guerres de religion car le bourg abrite une très forte minorité protestante. Le dernier article signé d’André Nos lui est consacré. C’est l’occasion d’apprendre qu’avant la St Barthélémy qui a initié sa conversion à la modération, Henri II de Montmorency y a exercé une répression d’une grande brutalité, lors des diverses reprises catholiques de la ville.

Agde et sa région au temps des Montmorency (2e moitié du XVIe siècle-1ère moitié du XVIIe), St Estève, 241 pages, 2021.

Source : A. Sagnes

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